La guerre est déclarée entre Édouard Philippe et François Bayrou. Il faut dire que le maire du Havre n’y est pas allé de main morte avec le chef du gouvernement. Coup sur coup, il lui a assené deux violentes charges en fin de semaine dernière. La première dans une interview au Figaro, vendredi, dans laquelle le patron d’Horizons a jugé « complètement hors sol » le conclave des retraites lancé par le Premier ministre, en s’étonnant que l’on puisse songer à revenir sur une réforme déjà votée alors que le moment exige de nouveaux efforts. La deuxième devant ses troupes, dimanche, où Édouard Philippe a tout simplement promis de « redonner vie à la puissance française » à l’occasion de l’élection présidentielle de 2027, qu’il conçoit comme le rendez-vous du vrai changement.
François Bayrou n’a pas tardé à riposter quant à la première attaque : « Philippe considère que la démocratie sociale et les partenaires sociaux, c’est négligeable ». Avant d’en remettre une autre couche dans Le Parisien : « Il y a beaucoup de gens qui ne croient pas à la démocratie sociale et au dialogue social. Et même, qui méprisent et détestent cette démarche. Moi, j’y crois. Je ne dis pas que ça va marcher. Mais je suis certain qu’il est vital d’essayer Pour une fois que quelqu’un y croit, cela fait une certaine différence ». Quant à la deuxième attaque, le chef du gouvernement avait déjà qualifié d’« antinationale » l’idée lancée par Édouard Philippe selon laquelle le gouvernement ne « fera plus rien de décisif dans les deux ans qui viennent ».
« Édouard Philippe essaie de faire oublier qu’il était le Premier ministre d’Emmanuel Macron »
« Cette séquence est normale », assure au JDD le député MoDem Richard Ramos, « Édouard Philippe est en campagne pour la présidentielle et va essayer de dézinguer tout ce qui peut lui faire de l’ombre ». En substance, le maire du Havre a lancé les hostilités parce que François Bayrou aurait réussi là où il pensait qu’il échouerait, à savoir faire voter le budget et agréger les socialistes. Et l’élu du Loiret d’attaquer : « Cette passe d’armes m’a fait penser à deux nombres : 80 et 67. Le premier pour la vitesse à laquelle Édouard Philippe nous fait rouler dans nos campagnes. Le deuxième pour l’âge auquel il veut placer la retraite. Lui n’est peut-être pas hors sol, mais en dehors de la réalité des Français ».
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Si les tensions entre le Premier ministre et son prédécesseur sont connues, elles pourraient néanmoins se tempérer. Les deux hommes politiques devraient se voir dans les prochains jours, selon une information de BFMTV. « Pour Édouard Philippe, le sujet des derniers jours n’est absolument pas François Bayrou, mais le message qu’il souhaite envoyer aux Français. On constate simplement que la période politique n’est pas propice aux grandes réformes », souligne le secrétaire général d’Horizons, Pierre-Yves Bournazel.
Édouard Philippe a ainsi passé la seconde en vue de 2027. Son objectif est simple : ne pas passer pour le successeur d’Emmanuel Macron et se détacher du gouvernement. Lors du congrès de son parti à Lille, ce week-end, il a ainsi déroulé plusieurs propositions pour sortir un pays actuellement condamné au « statu quo » : dissolution de l’Assemblée nationale ; organisation de plusieurs référendums, notamment sur les retraites, organisation administrative et une série d’ordonnances. Ce mardi, sur CNews, le maire du Havre a également répété la nécessité de « mettre un terme » à l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie, alors qu’Emmanuel Macron refuse encore de le dénoncer. Le patron d’Horizons a aussi affirmé qu’une « interdiction du voile dans le sport serait contraire à la laïcité », alors que le garde des Sceaux Gérald Darmanin a menacé de démissionner si le gouvernement ne se positionne pas clairement pour légiférer à ce sujet.
« Édouard Philippe essaie de faire oublier qu’il était le Premier ministre d’Emmanuel Macron », raille le député MoDem Richard Ramos, qui estime que son projet « est le retour d’une droite classique peu créative ». Au contraire, pour le conseiller de Paris Pierre-Yves Bournazel, le maire du Havre assume son action entre 2017 et 2020 : « C’est une période pendant laquelle les impôts, le chômage et le déficit budgétaire ont baissé. Il a aussi dû gérer le navire France au moment où il tanguait fort, pendant la crise Covid ». Difficile tâche pour Édouard Philippe de devoir incarner une rupture avec le macronisme tout en ne reniant pas son propre bilan.
Avant de définitivement se lancer à la présidentielle, l’ancien Premier ministre devra toutefois réussir l’étape intermédiaire des municipales. Candidat à sa réélection, il ne peut pas trébucher au premier obstacle sans compromettre le franchissement du second. « Nous sommes un parti décentralisé et très implanté dans les territoires. Fort de nos 600 édiles, on travaille pour aller conquérir d’autres mairies et passer en bonne et due forme ce scrutin », assure Pierre-Yves Bournazel. Ce rendez-vous en mars 2026 fera office d’épreuve-test pour Édouard Philippe. Ça sera également l’occasion de creuser l’écart avec ses potentiels concurrents du socle commun, à un an de la présidentielle. Comme par exemple un certain François Bayrou, alors que plusieurs de ses proches le poussent à se présenter à l’élection suprême.
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