
C’est une guerre qui ne se déroule pas sous le feu des canons mais dans le clair-obscur d’une société française habituée à s’interroger sempiternellement sur la crise des banlieues et des émeutes urbaines. Or cette ségrégation-là est plus silencieuse, plus pernicieuse. Elle trace une frontière invisible entre ceux qui ont tous les droits et ceux qui ont tous les devoirs. Entre ceux qui sont méprisés et ceux qui règnent en maîtres sur un système qui a été construit pour eux et par eux. Le gouffre est béant entre ces deux camps dont l’un se nomme le pays profond et l’autre les élites. Les élites des centres-villes qui ont inventé les ZFE, les zones à faible émission. Nombre de communes sont d’ailleurs en train de les rejeter face à la gronde populaire. Les mêmes qui décident des lois et des normes, des taxes et des surtaxes, qui dictent la vitesse à laquelle on doit rouler sur les routes et font flamber les prix de l’immobilier, rendant impossible pour les gens modestes l’accès à l’habitat dans les centres-villes.
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Un pays nu et déchiré
C’est précisément ce qu’analyse depuis des années le géographe Christophe Guilluy, avertissant que cette France périphérique que l’on tente de reléguer à chaque fois un plus loin finira un jour par se révolter. Bonnets rouges, Gilets jaunes, agriculteurs : à chaque fois la rébellion est rudement matée. Puis invisibilisée grâce à un système médiatique aux œillères idéologiques bien arrimées. Même chose pour l’insécurité, les violences, le narcotrafic, l’immigration incontrôlée : mais non voyons braves gens, ce n’est qu’un « sentiment ».
Ces gens ordinaires défendent un modèle de civilisation qui ne veut pas disparaître
N’oubliez pas que c’est cette même caste qui monopolise le magister moral et intellectuel depuis quarante ans, excommuniant et ostracisant tous ceux qui ont le malheur de penser différemment. C’est ce ressort profond qui explique en grande partie, j’en suis convaincue, le succès de médias comme CNews, Europe 1, ou bien sûr le JDD et le JDNews, qui décrivent le pays tel qu’il est dans sa réalité, c’est-à-dire nu et déchiré, mais toujours debout.
Un basculement est possible
L’autre traduction de cet éloignement des plaques tectoniques françaises, c’est ce vote massif qui n’est plus seulement un vote de colère, ni même « populaire », et qui s’amplifie d’élection en élection. Aujourd’hui, il dépasse les clivages politiques, se moque des anathèmes et exprime un pur réflexe de survie. C’est ce qui a prévalu aux États-Unis avec cette classe des oubliés, allant des Rednecks aux Latinos en passant par les Afro-américains et les classes moyennes, qui a voté Donald Trump pour le meilleur ou pour le pire, à la stupéfaction des élites piquées à l’Ozempic et au wokisme débridé. Dans son dernier essai Métropolia et Périphéria, Christophe Guilluy l’affirme : « L’Occident s’effondre parce que ses élites ont rompu avec les gens ordinaires. » Ces gens ordinaires défendent instinctivement un modèle de civilisation qu’ils ne veulent pas voir disparaître. Ils ont compris qu’un basculement est possible, qu’il est en train de s’opérer et qu’ils ont le pouvoir de le provoquer. À condition qu’on ne leur confisque pas la parole, une fois de plus. Une fois de trop.
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