
« C’est une vraie cacophonie », réagit un automobiliste parisien. Il ne comprend plus rien et il n’est pas le seul. Depuis le 1er janvier dernier, l’interdiction de circulation est théoriquement appliquée, pour les véhicules essence immatriculés avant 2005 et pour les véhicules diesel avant 2011, dans les fameuses zones à faibles émissions (ZFE) des communes de plus de 150 000 habitants. La décision avait été votée dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, afin d’améliorer l’air des villes. Résultat : les voitures concernées devaient apposer un macaron Crit’Air 3 sur le pare-brise, et disparaître des rues de centre-ville.
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Mais la colère populaire a fait son effet. Les élus de douze villes, sur la quarantaine de communes concernées, ont déjà annoncé qu’ils n’appliqueraient pas la mesure. Le 18 février dernier, 35 députés de la droite et du centre déposaient par ailleurs une proposition de loi pour suspendre ces ZFE pendant cinq ans, et décrivaient les réactions des maires concernés : devant la contestation populaire, « ils oscillent entre injonctions contradictoires et volte-face de dernière minute ». Dijon, Montpellier, Toulon… font partie de ces villes devenues réfractaires. Même Grenoble a rejoint la cohorte, alors que ses élus voulaient initialement chasser les véhicules Crit’Air 2 (voitures essence immatriculées entre 2006 et 2011) dès l’été prochain ! Dans le Grand Paris, la communication grand public sur ces zones a été stoppée, et il n’est plus question de verbaliser qui que ce soit en 2025… On parle désormais d’une année « pédagogique ».
« La ségrégation géographique engendrée par cette mesure pénalise les personnes habitant loin des villes », note Corentin Le Fur, député LR des Côtes-d’Armor, qui signe la proposition de loi aux côtés de Laurent Wauquiez, Jean-Didier Berger, Philippe Gosselin ou encore Olivier Marleix. Il pointe le caractère d’autant plus absurde de la mesure que les véhicules les plus âgés sont tous tenus de passer le contrôle technique… lequel comporte depuis peu de très nombreux points de vérification antipollution ! « Il était temps que les parlementaires se saisissent très concrètement du sujet », souffle la Ligue de défense des conducteurs, vent debout contre la mesure depuis l’été 2021. Il était temps, « avant que cette mesure injuste et antisociale ne prenne l’ampleur du mouvement des Gilets jaunes, souvenir qui donne des sueurs froides aux élus », insiste-t-elle, forte des 305 000 signatures recueillies sur sa pétition en ligne.
Le souvenir des Gilets jaunes donne des sueurs froides aux élus
Pour étayer leur proposition de loi – aucune inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée n’est encore connue –, les députés s’appuient sur le site mieux-respirerenville.gouv.fr, qui indique en effet que la « qualité de l’air s’est largement améliorée en France » ces vingt dernières années, avec une baisse de 60 % des émissions d’oxydes d’azote et de 53 % des particules fines. Un discours rassurant qui tranche avec celui de Santé publique France, qui martèle que la pollution atmosphérique est responsable de 40 000 décès prématurés et aggrave certaines pathologies comme l’asthme. Et pour répondre aux militants de l’environnement, qui pointent régulièrement les particules provenant de l’abrasion des pneus sur la chaussée, les parlementaires précisent que « l’entretien des routes devient ici fondamental et la responsabilité de l’État et des collectivités locales ne peut être écartée ».
Le scrutin municipal est dans un an, et les élus n’ont pas l’air pressé de se fâcher avec les quelque dix millions d’automobilistes propriétaires de ces véhicules, qui n’ont manifestement pas les moyens de les remplacer par des hybrides ou des électriques. Les ZFE attendront donc !
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