Les faux médecins esthétiques, comme les faux chirurgiens esthétiques, prospèrent grâce aux réseaux sociaux, avec de graves conséquences sur la santé. Face à ce phénomène qui prend de l’ampleur, les professionnels demandent une meilleure information des femmes, afin de les préserver de telles escroqueries. Huit cas graves de complications liées à des injections illégales de botox ont été recensés entre juin et septembre 2024. Les patientes ont présenté des symptômes sévères de botulisme : difficulté à parler ou à avaler, difficulté à marcher et à respirer, vision floue ou double… Plusieurs d’entre elles ont dû être hospitalisées en réanimation.
« Seuls des médecins habilités peuvent acheter et administrer des produits injectables à usage esthétique », rappelle l’Agence du médicament (ANSM), qui a révélé cette affaire. « La toxine botulinique est un médicament. Nous appelons chacun à la plus grande vigilance face à des pratiques dangereuses qui peuvent faire l’objet d’une promotion via les réseaux sociaux et constituent un exercice illégal de la médecine », poursuit-elle. En effet, l’acide hyaluronique et le botox bénéficient d’autorisations de mise sur le marché et sont utilisés dans un cadre médical légal, notamment pour réduire les rides du visage.
Ces gestes ne sont pas anodins
Comment peut-on avoir envie d’aller se faire injecter du botox ou de l’acide hyaluronique dans l’arrière-cuisine d’un salon de coiffure sans précaution ? C’est pourtant ce que font bon nombre de femmes chaque année, attirées par de fumeuses promesses de beauté, sans conscience de conséquences sans doute sous-évaluées. « Il n’y a pas de données sur la fréquence de ces pratiques illégales. Nous menons des campagnes auprès de nos confrères pour qu’ils déclarent les complications graves comme les nécroses, les infections liées à ces activités illégales, explique le docteur Martine Baspeyras, dermatologue à Bordeaux et présidente du groupe Vigilance esthétique de la Société française de dermatologie. Nous avons eu le cas d’une femme qui avait bénéficié d’une séance de cryolipolyse sauvage, avec l’intention de maigrir, et qui s’est retrouvée en réanimation, avec une importante nécrose de la peau ayant nécessité une greffe. Notre groupe reçoit deux cas par mois de complications liées à l’exercice illégal de la médecine esthétique ! » Les victimes sont souvent de très jeunes filles, qui se laissent convaincre par leurs « copines » ou via les réseaux sociaux. En cas de complications, elles attendent longtemps avant d’aller voir un médecin, souvent sans leur raconter – par honte – qu’elles ont eu recours à de tels « traitements » esthétiques.
« C’est désormais un vrai problème de santé publique »
Les injecteuses illégales recrutent sur les réseaux sociaux. Elles sont souvent coiffeuses, esthéticiennes, pédicures, se forment sur YouTube, achètent des produits sur le marché noir d’Internet et font des injections sans précaution, en partageant parfois les seringues d’injection. « J’ai vu sur YouTube un tutoriel qui montrait une fille avec de grands ongles vernis en violet pratiquant des injections sans démaquiller la “victime”. Elles mettent souvent des gants pour un semblant de sérieux… mais ne les changent pas entre les clientes ou après avoir mangé, être allées aux toilettes ! » poursuit le docteur Baspeyras.
Une publication récente relate l’histoire d’une Américaine qui présente une grosse pustule plusieurs mois après être passée entre les mains d’une « fausse injecteuse ». Cette pustule contenait un entérocoque, une bactérie provenant uniquement du tube digestif… Récemment, des médecins ont décrit le cas d’une jeune fille qui a gardé un œil fermé pendant six mois après une injection inadaptée de botox. Certes, des complications peuvent survenir lors d’injections pratiquées chez des médecins dûment formés. Très rares cependant, elles peuvent être prises en charge rapidement.
La suite après cette publicité
Le risque ne s’arrête pas là. « Il y a de faux injecteurs mais également de faux chirurgiens esthétiques qui proposent par exemple des liposuccions, prévient le docteur Sydney Ohana, longtemps président de la Société française de chirurgie esthétique (Paris). Les personnes non qualifiées qui pratiquent la médecine ou la chirurgie esthétique de manière illégale sont très difficiles à tracer, car elles changent régulièrement d’identité. Quand il y a un problème, elles changent de nom, de profession, de ville et vont poursuivre leurs pratiques illégales dans une autre arrière-boutique. » Le docteur encourage les victimes à porter plainte. « Nous, chirurgiens esthétiques, poursuit-il, nous recevons les plus grosses complications de ces pratiques illégales et faisons remonter les informations vers les syndicats professionnels pour les diffuser. C’est désormais un vrai problème de santé publique. »
Un phénomène mondial
Comment lutter ? « La seule façon, c’est d’informer la population par le biais de ces mêmes réseaux », affirme le docteur Ohana. Il veut faire savoir que ces gestes ne sont pas anodins, « même s’il s’agit d’esthétique ». Car lui aussi à son lot de témoignages : « J’ai reçu une patiente qui présentait une nécrose massive après avoir reçu, hors de tout cadre médical, de grosses quantités de produits volumateurs pour gonfler ses fesses… » La leçon à retenir : ces injections ne peuvent être légalement pratiquées que par des médecins dûment formés. Le botox est quant à lui réservé à certaines spécialités que pratiquent les médecins et chirurgiens esthétiques, les dermatologues, ORL ou neurologues. Le défi n’est pas seulement français, le phénomène est mondial.
Depuis plus de dix ans, la littérature scientifique évoque des cas d’embolies pulmonaires après injection illégale d’acide hyaluronique ; des décès après vaginoplasties accompagnées d’injections illégales de produits de comblement ; des cicatrices importantes du visage après injection de produits frelatés… L’alerte est sérieuse.
Source : Lire Plus