Je n’oublierai jamais le jour où ma fille a dit « maman » pour la première fois. Les larmes m’ont envahie de bonheur. Je n’oublierai jamais non plus le jour où elle a dit « wesh », dix ans plus tard. Elle, pourtant première en grammaire et en orthographe, a succombé, le temps d’un instant, je l’espère, au mimétisme des cours de récréation. Aujourd’hui, certains font des blocus pour interdire des cours ou des conférences à l’université, d’autres cherchent à faire des blocus pour apprendre le français au lycée. Les élèves du lycée Albert-Camus de Nîmes cherchent par tous les moyens à manifester leur colère. Cela fait trois mois qu’ils sont sans professeur de français en première, pourtant l’année du bac. Tout le déclin de notre langue se résume à cette situation.
En France, rester sans enseignant au moment du bac de français est inacceptable. La pénurie de professeurs dans cette matière est un problème récurrent au sein de plusieurs collèges et lycées. Nous célébrons la Semaine de la langue française et de la francophonie du 15 au 23 mars, partout dans le monde. Pourtant, le français est à l’image d’une France délaissée, piétinée, abandonnée. L’étude de l’OCDE de décembre dernier, dans le cadre du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (Piaac), rappelait les difficultés dans l’expression orale et la lecture, en affichant des performances inférieures à la moyenne des pays membres, notamment en littératie, des constats déjà observés dans différents rapports Pisa.
Une identité pour quel rayonnement ?
Avec environ 300 millions de locuteurs, le français est l’une des langues les plus parlées au monde. Elle figure parmi celles qui sont officielles dans de nombreux pays, en particulier en Afrique, où elle est souvent perçue comme un symbole d’identité et d’appartenance. Elle est aussi l’une des langues employées au sein des grandes organisations internationales telles que l’ONU, l’Union européenne et l’Union africaine, ce qui lui confère une certaine importance diplomatique et économique à l’échelle mondiale. Il est toutefois préoccupant que des pays comme le Mali choisissent de la retirer de leurs langues officielles, la reléguant à un statut de langue professionnelle, tandis que le Gabon et le Togo rejoignent le Commonwealth, marquant ainsi une prise de distance avec la France. Au-delà de son rôle en tant que vecteur culturel, le français est une arme diplomatique.
On en vient parfois à regretter les grands défenseurs de la langue française. Le 23 mars 1965, le général de Gaulle, par exemple, conscient des dangers qui la menacent, adresse une lettre à l’Institut de France, affirmant : « Je veux faire part d’une opinion récemment exprimée par votre compagnie concernant l’usage de la langue française dans les réunions internationales, à mon assentiment le plus entier. Il est en effet déplorable que la langue française, remarquablement adaptée par sa clarté et sa précision à l’expression de la science, soit trop souvent trahie par ceux dont c’est l’incombe de maintenir son usage. »
La langue est le reflet de notre culture, de notre histoire et de notre identité
En 1965, le président Georges Pompidou, lui, a décidé de fonder le Haut Comité pour la défense et l’expansion de la langue française. Au fil des siècles, de nombreux défenseurs se sont levés pour protéger et promouvoir notre langue. Des figures emblématiques telles que Voltaire, Victor Hugo et André Gide ont œuvré pour faire briller le français sur la scène littéraire mondiale. Aujourd’hui, le travail de l’association Défense de la langue française est à souligner. Elle a pour objectif de « maintenir la qualité de notre langue tout en ayant le souci de son évolution ».
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Créée en 1958, l’organisation, indépendante de tout courant de pensée religieux, philosophique ou politique, avec comme secrétaire général Pierre Gusdorf, est très active et dépose de nombreux recours contre les mauvais usages en application de la loi Toubon. Le président Xavier Darcos, chancelier de l’Institut de France, remet chaque année le prix Richelieu de la défense de la langue française à une personnalité. Une récompense qui m’a été décernée l’an dernier et qui m’a permis de découvrir le travail acharné, parfois encore trop discret, de cet organisme
Pourquoi est-il crucial de défendre notre langue ?
La langue n’est pas qu’un simple outil de communication ; elle est le reflet de notre culture, de notre histoire et de notre identité. En la préservant, nous protégeons notre patrimoine culturel. Une langue vivante est un vecteur de transmission des valeurs, des traditions et des savoirs d’une génération à l’autre. Défendre notre langage nous permet d’affirmer notre singularité. J’y associe également la fierté nationale, la force de l’expression culturelle et l’identité personnelle. Dis-moi comment tu t’exprimes et je te dirai qui tu es. La langue est le principal outil par lequel les idées, les croyances et les valeurs sont transmises. Les conversations familiales, les contes et les récits sont souvent partagés dans le langage maternel, ce qui facilite la transmission des valeurs culturelles.
Une langue partagée favorise la cohésion nationale
Une langue partagée favorise la cohésion nationale. Son importance dans la vie d’un pays ne saurait être sous-estimée. À l’occasion de la Semaine de la francophonie, rappelons-nous l’importance de défendre notre identité. Notre français, riche et divers, mérite d’être célébré et protégé. Il est de notre devoir de veiller à sa pérennité. Prenons le temps d’observer les menaces qui pèsent sur lui, chaque jour, car c’est souvent en toute inconscience que nous le laissons se détériorer
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