Pascal Praud dans le JDD : Guerre et peut-être paix

Retrouvez toutes les chroniques de Pascal Praud

C’est l’essentiel. L’Europe est absente de la négociation. Elle n’est plus qu’une machine à inventer des normes. Je me souviens combien j’ai cru à cette Europe qui rendrait le Vieux Continent plus dur au mal et plus facile à vivre. À partir de 1995, aller à Rome ou partir pour Lisbonne était un jeu d’enfant. Madame von der Leyen et ses amis ont détourné mon rêve européen en cauchemar bureaucratique. D’Artagnan est mort à Maastricht. J’aurais dû me méfier.

L’Europe est absente de la négociation. Elle n’est plus qu’une machine à inventer des normes

Le monde change. On m’objectera que toujours il a bougé. Le carrossier a remplacé le maréchal-ferrant. Cette semaine, l’Assemblée nationale a reçu les fondamentalismes islamiques dans ses couloirs ; la ministre des Sports, Marie Barsacq, a jugé que le port du voile n’était pas de l’entrisme ; le match de Ligue des champions Lille-Dortmund a connu un arrêt à la huitième minute pour marquer la rupture du jeûne. Nouvelle demande. Nouvelles mœurs. Nouvelle société. Appelons ça le grignotage de l’islam. Ou la soumission à ses oukases.

La suite après cette publicité

Le camp du bien résiste

Nos gouvernants, nos éditorialistes, nos intellectuels valident ces temps qui excluent peu à peu la souveraineté des peuples. Pourquoi demander leurs avis ? Les Américains ont renvoyé les messagers du politiquement correct dans les campus d’Harvard ou de l’UCLA. 76,8 millions de citoyens ont voté pour Donald Trump. Sa légitimité est garantie. Trump parle en leur nom quand Emmanuel Macron et tant d’autres parlent au nom du bien puisque leurs électeurs ne répondent plus.

C’est facile et c’est confortable de parler au nom du bien. Vous aimez le quinoa ? Eh bien, vous avez quelques affinités avec le camp du bien. Vous avez aimé la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques ? Voici un deuxième symptôme qui ne ment pas. Vous chérissez les frères Dardenne ; vous préférez le chemin de fer à l’aéroplane ; vous honnissez à jamais Gérard Depardieu ? Vous voici sur la bonne voie. Évidemment, vous détestez le foie gras, le nucléaire, les automobiles ? Nul doute : vous cochez toutes les cases de cette religion qui vous a foudroyé au berceau comme Dieu apparut dans Notre-Dame à Paul Claudel.

Car nous le savons et vous le vivez : le camp du bien est une religion ; le raisonnement est inutile. Vous avez la foi, voilà tout. Celle du charbonnier qui roule à vélo les jours de pluie dans la ville. Jean-Paul Sartre hier, Yann Barthès aujourd’hui ont leur photo sur votre réfrigérateur. Heureux homme ou femme que vous êtes ! Vous êtes de gauche depuis votre première tétine. Ce doit être dans vos gènes. Vous êtes né à gauche. Vous mourrez à gauche. Je vous connais depuis si longtemps. Vous étiez dans les années 1960 ce qu’on appelait « un intellectuel de gauche ». Il était interdit d’interdire. La gauche a muté. Aujourd’hui, il est impératif de censurer. Vous êtes passé par la case bobo. Vous voici arrivé à destination : le camp du bien, celui du vaccin obligatoire et du réchauffement climatique, des anti-Trump et des éoliennes en mer.

Le camp du bien, celui du vaccin obligatoire, des anti-Trump et des éoliennes en mer

J’envie votre constance. Vous parlez dans les dîners comme on cause chez Léa Salamé le samedi soir. Avec esprit de sérieux, vous expliquez la vie sans gluten. Vous pratiquez l’exclusion, la purification, l’inquisition. En paroles, évidemment. Comme disait je ne sais plus qui : « Vous avez les mains blanches, mais vous n’avez pas de mains. » Sous-entendu : vous choisissez la pureté, mais vous ne vous mouillez pas beaucoup. Vous préférez brûler les hérétiques avec un Aperol Spritz au bar.

Le retour du fascisme est votre obsession. À chaque coin de rue, la bête immonde surgit. Bruno Retailleau ? Extrême droite ! La loi immigration ? Raciste ! Le barbecue ? Fasciste ! Votre logiciel tient du poste à galène. J’entends Hitler, Pétain, Vichy dès que vous ouvrez la bouche.

Affiches ignominieuses

Ce n’est pas le Rassemblement national qui a ciblé cette semaine Cyril Hanouna et votre serviteur. Ce n’est pas le Rassemblement national qui a publié une image en noir et blanc de Cyril, le visage modifié et déformé par la colère. Elle rappelle l’affiche du Juif Süss, film de propagande nazie tourné en 1940 qui désigne les juifs avec un nez crochu et des oreilles saillantes. Ce n’est pas le Rassemblement national qui reprend les pires codes de l’antisémitisme culturel. La France insoumise a retiré cette image de son compte X. « Nous préparons des actions judiciaires », a déclaré Me Stéphane Hasbanian, l’avocat de Cyril Hanouna. « LFI recycle l’iconographie anti-juive », a estimé la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) sur X. L’avocat Arno Klarsfeld a dénoncé une affiche « clairement antisémite ».

La tête de Cyril Hanouna est mise à prix. La mienne également. LFI appelle à manifester le 22 mars « contre l’extrême droite, ses idées et ses relais ». LFI illustre son propos en affichant nos photos sur X. J’observe le silence de la gauche et de ses affidés. La gauche souffre d’hémiplégie. LFI est de la famille. Quoiqu’il arrive. Reporters sans frontières n’écrit aucun communiqué. Les sociétés de journalistes restent muettes. Je ne leur en veux pas.

Je ne porterai pas plainte. À quoi bon ? Donner une tribune à LFI et alimenter la polémique ? En revanche, Cyril a raison d’intenter une action devant les tribunaux. Depuis le 7 octobre 2023, La France insoumise est le combustible de l’antisémitisme dans notre pays. LFI a beau jeu de souligner que jamais elle ne fut condamnée. Puisse cette ignoble photo rappeler à tous qu’une parole, qu’une photo, qu’un acte antisémite constitue un délit.