Les muscles raidis par l’effort, deux tailleurs de pierre déposent délicatement un imposant bloc de roche sur son lit de mortier. Une salve d’applaudissements s’élève pour saluer l’action, réalisée à près de 30 mètres de hauteur. Ce vendredi 14 mars, la première pierre de la seconde flèche de la basilique Saint-Denis a été posée. Sous un ciel pluvieux, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a donné le coup d’envoi d’un chantier monumental visant à rebâtir la flèche de la cathédrale des rois de France. À peine trois mois après l’achèvement de la reconstruction de Notre-Dame de Paris, c’est au tour de la prestigieuse basilique Saint-Denis d’entrer en chantier.
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Un chantier de cinq ans
Si les habitants de la ville éponyme se sont habitués à la vision, désormais familière, d’une cathédrale possédant une seule flèche, il n’en a pas toujours été ainsi. Construite entre le XII et le XIIIe siècle, la basilique Saint-Denis possédait à l’origine deux flèches, sur le modèle habituel des cathédrales gothiques. Mais au XIXe siècle, la tour nord, est fragilisée par les intempéries et la foudre. Les architectes Debret et Viollet le Duc, décident alors de démonter l’entièreté de la flèche, afin de mieux la reconstruire. Mais le temps et l’argent manquent, et la basilique Saint-Denis restera dans cet état jusqu’à aujourd’hui.
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C’est finalement la ministre de la Culture qui jouera les maçons en cette froide matinée d’hiver
Le chantier de reconstruction qui débute ce vendredi 14 mars durera cinq ans. L’association Suivez la flèche, est le maître d’ouvrage du projet. Pour l’heure, seule la forêt d’échafaudages, qui couvre le flanc gauche de l’édifice indique les bouleversements à venir.
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Pose de la première pierre
La première partie de cette journée « historique » débute par l’arrivée matinale de la ministre de la Culture, Rachida Dati, accueillie par le maire socialiste de la ville de Saint Denis, Mathieu Hanotin. À l’origine, le président Emmanuel Macron en personne, aurait dû présider l’évènement. Mais c’est finalement la ministre de la Culture qui jouera les maçons, en cette froide matinée d’hiver. Accompagnée du député LFI Éric Coquerel et de Stéphane Bern, la représentante du gouvernement a visité les ateliers de taillages de pierre, avant de monter sur le toit de la basilique. Là, entouré par une équipe d’ouvriers, la première pierre de la flèche attend son heure.
« C’est un beau moment pour la France, ce projet fait partie de notre histoire commune, c’est un symbole de cohésion, de communion »
Prenant dans ses mains un burin et un maillet, Rachida Dati frappe avec entrain le bloc de roche, faisant voler des éclats de calcaires. La pierre fondatrice est ensuite posée par deux artisans sur une couche de mortier. La reconstruction de la deuxième flèche de la basilique, est officiellement lancée. « C’est un beau moment pour la France, ce projet fait partie de notre histoire commune, c’est un symbole de cohésion, de communion », lance Rachida Dati, depuis le parvis de la basilique. « On est ravis de poser cette pierre. Ce chantier sera ouvert, annonce la ministre, ouvert aux habitants, aux enfants, aux écoles. Tout le monde pourra découvrir le chantier et les métiers d’arts ».
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La construction de la deuxième flèche de la basilique Saint-Denis est un projet de taille. La pointe de l’édifice doit culminer à 90 mètres de hauteurs, contre seulement 56 pour la flèche déjà existante. Ce projet, de 37 millions d’euros, est financé en partie par un système de parrainage des pierres de la reconstruction. Plus de 15 000 blocs de pierres seront employés, dont une grande partie taillée à la main. « Lorsque l’on m’a proposé de travailler sur ce chantier, j’étais emballé, et ait tout de suite accepté ». Nathan, 21 ans, est l’un des artisans qui travaille à là la reconstruction de la flèche. Tailleur de pierre, le jeune homme ne cache pas sa joie, et sa fierté, de faire partie de ce chantier. « La durée, la dimension historique, ce chantier est exceptionnel, lance l’artisan au JDD. On a déjà commencé à travailler certains blocs, on taille en hiver, pour qu’ils soient posés par les maçons durant l’été ».
Bénédiction de la pierre
Après la cérémonie laïque, place au religieux. Sur les coups de 14h, l’évêque de la cathédrale, Étienne Guillet, crosse en main et mitre posée sur la tête, s’engage à son tour dans l’ascenseur pour la terrasse. Avec lui, quelques prêtres, plusieurs fidèles, une poignée de journaliste, et le maire de Saint-Denis. « Nous allons maintenant bénir cette pierre », lance d’une voix forte l’homme d’Église. Après quelques chants, entonnés à pleins poumons par la petite assemblée, l’évêque se saisit du goupillon, et bénit la pierre. Se dirigeant ensuite vers le parapet, qui surplombe le parvis, Monseigneur Guillet projette de l’eau bénite sur la ville de Saint-Denis.
« Cette pierre, que nous avons bénie, est une pierre de fondation, qui rappelle le Christ »
Alors que quelques gouttes de pluie commencent maintenant à tomber, les cloches de la basilique sonnent à toutes volées, faisant vibrer les gargouilles et autres chimères. « Ce chantier est une bénédiction pour nous chrétiens. Il a une dimension laïque importante certes, mais surtout une dimension spirituelle », se réjouit auprès du JDD l’évêque de la basilique. « Cette pierre, que nous avons bénie, est une pierre de fondation, qui rappelle le Christ. Ici, l’histoire de France se déploie, une histoire vivante, humaine », lâche-t-il avec enthousiasme.
Le cours de l’histoire
Exceptionnellement, la châsse contenant les reliques de Saint-Denis a été sortie de la basilique, et placé en surplomb, au-dessus de la pierre fondatrice. À ses pieds, Hélène, retraitée, paraît très émue. « Je suis paroissienne, j’aime beaucoup cette basilique, elle est très importante pour moi », confie l’habitante de Saint-Denis. Celle qui vit à quelques mètres de l’église ne pensait pas voir de son vivant la flèche reconstruite : « Je l’espérais, mais je ne pensais pas que ça allait se réaliser. C’est un très grand moment… »
« Ces chantiers nous réapprennent à créer, et à nous faire agir en grand »
Henri d’Anselme, le pèlerin de cathédrales, a assisté aux deux cérémonies. L’auteur du livre Sur le chemin des Cathédrales, ne pouvait manquer une journée aussi importante, pour l’une des plus belles cathédrales de France. « Tout comme Notre-Dame de Paris, ce chantier est la preuve que nous sommes toujours un peuple de bâtisseur de cathédrale. Ce “remontage », est la suite logique du cours de l’histoire depuis le XIIe siècle. L’on redonne son intégralité à la basilique Saint-Denis », s’exclame sourire aux lèvres, l’amoureux des Dames de Pierre. « Ces chantiers nous réapprennent à créer, et à nous faire agir en grand. C’est une incarnation de la matière, qui nous projette, tout comme la flèche, vers le ciel ».
En contrebas de la basilique, sur la place Victor Hugo, un village des métiers d’art accueille les visiteurs. Durant cinq ans, les habitants de la ville vont vivre au rythme du chantier de la cathédrale. Après 200 ans d’absence, la grande flèche de la basilique Saint-Denis s’apprête à montrer de nouveaux aux habitants de la ville royale, le chemin du ciel.
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