
Porter un voile sur un terrain de foot n’a rien à voir avec l’entrisme religieux. C’est ce qu’a déclaré la ministre des Sports Marie Barsacq, appelant à éviter les « amalgames » lors de son audition à l’Assemblée nationale mercredi 12 mars. Des propos qui ont provoqué de vives réactions, intervenant quelques semaines seulement après l’adoption par le Sénat d’une proposition de loi soutenue par le gouvernement interdisant le voile dans les compétitions sportives. Le lendemain, dans le journal L’Équipe, son entourage a maladroitement plaidé une « position d’équilibre » entre l’interdiction du port de signes religieux en compétition et la liberté religieuse des sportifs amateurs. Cette tentative de clarification n’a pas suffi à apaiser les critiques, le député macroniste Charles Rodwell appelant même à sa démission sur X.
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Le port du voile dans le sport a des visées civilisationnelles
« Ce discours est une parfaite démonstration d’incompétence sur le sujet, s’agace Médéric Chapitaux, auteur de Quand l’islamisme pénètre le sport (PUF). Je ne suis pas étonné, étant donné le désintérêt du ministère des Sports pour cette question, qui accumule un retard notable par rapport aux autres ministères. Quand le rapport de la mission flash Odoul et Yadan ainsi qu’une récente enquête du Figaro révèlent que des jeunes filles sont obligées de porter le voile pour jouer dans certains clubs, on est bien dans l’affichage d’une religiosité et dans une forme d’entrisme religieux. » Ce phénomène, désormais bien documenté, a été dénoncé à plusieurs reprises, notamment par Bertrand Chamoulaud, directeur national du renseignement territorial, qui alerte régulièrement sur l’influence des Frères musulmans dans les secteurs de la santé, de l’éducation et du sport.
Dans le droit fil de cette analyse, Nicolas Bauer, membre de l’European Centre for Law and Justice (ECLJ), soutient lui aussi que le port du voile dans le sport a des visées politiques et civilisationnelles. Ce juriste a analysé la question en détail lors de l’affaire des Hijabeuses, un collectif de footballeuses qui a contesté devant le Conseil d’État l’interdiction de porter le voile lors des compétitions, imposée par la Fédération française de football. Le Conseil d’État avait rejeté leur recours en juin 2023, jugeant cette interdiction nécessaire pour prévenir les conflits durant les matchs. Le collectif a ensuite saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), arguant d’une atteinte à la liberté de religion. Nicolas Bauer a pris une part active dans cette affaire en rédigeant des observations pour la CEDH, où l’ECLJ intervenait comme tierce partie.
« Dans la plupart des pays de tradition musulmane (Algérie, Maroc, Tunisie, Palestine, Turquie, Pakistan…), le football féminin ne prévoit pas le port du hijab dans sa tenue réglementaire, à part de rares pays islamistes comme l’Arabie saoudite ou l’Iran », souligne-t-il, avant d’ajouter qu’« en France, la tenue réglementaire féminine permet de se couvrir la tête par des accessoires, comme le bandana ou le bonnet cités en exemple par la Fédération française de football (FFF). Les Hijabeuses ont ainsi la possibilité de se couvrir à l’occidental, sans importer pour autant les tenues islamiques saoudienne ou iranienne ». Une alternative qu’elles choisissent pourtant de ne pas adopter.
Quant à l’argument de la liberté religieuse avancé par l’entourage de la ministre, Médéric Chapitaux y voit une contradiction flagrante : « La ministre défend le port du voile au nom de la liberté religieuse, puis se contredit en mentionnant l’interdiction de faire des prières durant les matchs. Elle serait prête à autoriser une joueuse voilée sur le terrain, alors qu’un joueur affichant un message religieux sur son maillot est aujourd’hui immédiatement sanctionné d’un carton jaune. On est totalement dans l’incohérence ! » Cette liberté religieuse a aussi été invoquée par les Hijabeuses devant la CEDH. Nicolas Bauer fait valoir qu’il n’est pas contraire à la liberté de religion d’imposer une tenue pour des compétitions sportives. Mais il souligne surtout un paradoxe : elles revendiquent un droit au nom d’un principe que leur propre religion ne reconnaît pas.
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