Le coup d’épée est tombé, tel le glaive d’un gladiateur portant le coup fatal au milieu du cirque romain. Dans la cité des Antonin, égérie de l’empereur Auguste, c’est un ancien sénateur qui endosse le laticlave du chef. Maire de Nîmes depuis près d’un quart de siècle, Jean-Paul Fournier est le grand patron d’une ville qui a dépassé la barre des 150 000 habitants en 2015, connaissant une forte expansion démographique au cours des trente dernières années.
Une dynamique et une ambition affirmées au travers de quelques œuvres qui portent la signature de l’actuel locataire de l’Hôtel de Ville, comme le Musée de la Romanité, le stade nautique Nemausa, la nouvelle patinoire, Paloma, la salle de concerts ou encore H2, le futur Centre des Congrès. Reste le parc urbain Jacques Chirac, un projet devant transformer d’anciennes pépinières sur 14,5 ha, brutalement mis à l’arrêt après la découverte sur le site d’une espèce protégée, le moineau friquet, qui, avec un tel nom, n’a que faire des 19 M€ engagés !
À bientôt 80 ans, Jean-Paul Fournier connaît tout de Nîmes ; lui, le Cévenol natif de Génolhac, autant attaché à son territoire qu’à sa croix huguenote. Adjoint de Jean Bousquet entre 1983 et 1995, secrétaire départemental du RPR puis de l’UMP, l’ancien conseiller général du Gard, qui a ravi en 2001 la mairie de Nîmes au communiste Alain Clary, a toujours su affirmer son autorité. Au-delà des nécessaires alliances de circonstance qui ont favorisé deux réélections successives, avec l’appui du centriste Yvan Lachaud, rapidement devenu l’un de ses principaux rivaux.
Apogée d’une inimitié difficile à masquer, le retrait de la délégation des finances à Yvan Lachaud, alors président de l’Agglo, pendant la séance du conseil municipal du 18 novembre 2017, à la suite d’un différend sur une délibération. À l’été 2020, l’ancien député UDF puis Nouveau Centre est battu par Jean-Paul Fournier lors du second tour d’une élection municipale se jouant en quadrangulaire avec le RN et le PCF. Celle-là même qui avait coûté la mairie à Jean Bousquet en 1995, lors d’un conflit suicidaire avec le docteur Camille Lapierre.
Qui sera l’héritier ?
Trente ans après la fin du règne municipal de « Cacharel », la succession tarde à se définir… Jean-Paul Fournier prend son temps pour désigner son favori, même si Franck Proust apparaît comme l’élu des LR nîmois depuis fort longtemps. L’actuel président de l’Agglo a été récemment blanchi par la justice dans un dossier de favoritisme et de trafic d’influence pointé par son ennemi de toujours, Yvan Lachaud.
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Casus belli dans la Rome française !
Mardi prochain, Franck Proust doit annoncer sa candidature, dans l’espoir de retrouver le fauteuil de maire qu’il a occupé pendant six mois, lors de l’intérim de 2016, alors que Jean-Paul Fournier se remettait d’un malaise et d’un quadruple pontage coronarien. Problème, l’actuel premier adjoint, Julien Plantier, s’est déjà déclaré le 23 janvier, prenant tout le monde de court, y compris les instances nationales de son parti. Une anticipation que l’ancien conseiller municipal à la Jeunesse puis élu aux Sports a doublée par la création du groupe « Nîmes Avenir » au sein de la majorité municipale.
Casus belli dans la Rome française ! Jean-Paul Fournier parle de trahison et annonce le retrait de la délégation à l’Urbanisme à son premier adjoint, ainsi que celles des dix autres « félons » qui ont décidé de le suivre dans le nouveau groupe. Parmi eux, Pascal Gourdel, un fidèle de la première heure, Olivier Bonné, l’ancien président du Rugby club nîmois ou encore les « jeunes recrues » de 2020 comme l’ancien arbitre professionnel Nicolas Rainville. Une décision prise à regret, précise le maire, qui loue « le bon travail » d’élus pour lesquels il avait « de l’affection pour certains ».
Exclusion et déconnexion
Mais en politique, les cadeaux n’existent pas. Quelques anciens lieutenants de Jean-Paul Fournier en ont déjà fait les frais en 24 ans de mandat : du très proche Richard Flandin, redevenu conseiller municipal, au docteur Marc Taulelle, exclu de la majorité pour avoir rejoint les rangs de Reconquête à l’automne 2021 avant de devenir cadre local d’Identité Libertés, la formation de Marion Maréchal. En coulisses, certains élus déplorent une forme de déconnexion de la part de l’édile.
En coulisses, certains élus déplorent une forme de déconnexion de la part de l’édile
Une raison qui a poussé Jean-Paul Fournier à prendre la parole en conférence de presse, entouré de sa « nouvelle majorité », pour adresser un nouveau tacle à Julien Plantier et à son acte de candidature : « Ça n’est pas parce qu’on est le premier adjoint qu’on est légitime. Je trouve qu’il était trop jeune et je le lui ai dit qu’il devait un peu attendre. Il n’a pas voulu. Il faut qu’il en assume les conséquences ». Des mots forts pour expliquer en sous-texte un sentiment « d’autorité bafouée », entend-on dans les couloirs du très fermé cabinet du maire.
Le 25 mars prochain, un conseil municipal extraordinaire devra entériner la nomination de nouveaux adjoints, avec le retour de deux cadres centristes, anciens soutiens d’Yvan Lachaud, figurant chez les non-inscrits, jusqu’alors bannis par Jean-Paul Fournier : Corinne Ponce-Casanova et Thierry Procida, qui récupéreront les délégations de la Santé et des Sports, respectivement. Deux soutiens extérieurs à la liste de 2020 qui permettront ainsi au maire de Nîmes de conserver la majorité absolue au sein de l’assemblée municipale.
Plusieurs projets en lice
De son côté, Julien Plantier se veut ferme sur ses positions, défendant un projet différent de celui de Franck Proust, avec un partage des rôles entre le maire de Nîmes d’un côté et le président de l’Agglo de l’autre. Un différend qui n’empêche pas Julien Plantier de continuer à tendre la main à Franck Proust, désormais adoubé par Jean-Paul Fournier. Dans un communiqué, le nouveau groupe « Nîmes Avenir » dit être persuadé « qu’une candidature commune aux élections municipales de mars 2026 nous permettra de proposer un projet ambitieux et porteur d’avenir pour les Nîmois ».
« Cela donne une image catastrophique de la politique ; il n’y a plus d’idées, il n’y a que des arrangements »
Sur les rangs de l’opposition, on se délecterait presque du spectacle proposé… Pendant que le groupe RN observe un silence de convenance, l’ancien député Yvan Lachaud souligne une situation similaire à celle qu’il a vécue en 2017, « avec un pouvoir réparti entre 2-3 personnes et un cabinet qui dirige tout. Cela donne une image catastrophique de la politique ; il n’y a plus d’idées, il n’y a que des arrangements ». À gauche de l’échiquier, où l’union se prépare activement, Vincent Bouget avoue porter « un regard un peu inquiet sur la façon de fonctionner de la mairie. La Droite nîmoise, dans ce qu’elle considère être ses pantoufles et son palais, se soucie peu de l’avenir et de l’actualité de la ville », assène l’ancien patron du PCF gardois.
Le RN en embuscade
Alors que réapparaît l’ombre de la bérézina de 1995 pour la Droite nîmoise, le collectif « Nîmes citoyenne à gauche » multiplie les réunions, notamment dans les quartiers sensibles où Jean-Paul Fournier avait fait la différence en 2001 face au maire PCF sortant. Candidate déclarée, Valérie Rouverand, responsable départementale de Renaissance, a reçu la visite et le soutien de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal. Un clan « présidentiel » dans lequel figure également Yvan Lachaud, référent du parti Horizons, dont on imagine qu’il s’impliquera une nouvelle fois contre Franck Proust. Tout cela sous le regard du RN qui, faute d’incarnation forte sur Nîmes, peut se targuer d’un Grand Chelem sur les six circonscriptions du département lors des dernières législatives.
Au cœur de la Rome française, faute d’une succession maladroitement esquissée, la guerre des droites s’est déclenchée en pleine campagne. Celle des municipales promet d’être à couteaux tirés.
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