Le JDD. Quelle est la raison de votre venue à Paris ?
Donald Tang. Nous sommes une plateforme mondiale d’e-commerce avec un modèle de production à la demande, portée sur l’innovation technologique et l’intelligence artificielle. La France est l’un de nos marchés principaux, c’est pourquoi j’y passe beaucoup de temps. J’y rencontre nos équipes, nos conseillers et les principaux acteurs du secteur.
Shein s’impose sur le marché français : avec des millions de clients en 2024, la France est-elle votre marché le plus important en Europe ?
Nous sommes reconnaissants d’avoir une communauté fidèle de clients en France. La réalité est que Shein leur apporte une vraie valeur, et c’est la raison de notre succès. Nous nous engageons à maintenir des prix accessibles, car nous savons à quel point cela compte pour les consommateurs que nous servons. Selon un sondage récemment réalisé par l’Ifop, 60 % des Français renoncent à acheter des vêtements pour des raisons financières. Chez Shein, nous voulons que la mode reste accessible à tous. L’étude révèle que nos clients ont un budget annuel moyen de 347 euros pour l’habillement, et que chaque euro compte. Grâce à notre modèle à la demande, nous garantissons le meilleur rapport qualité-prix. 83 % des sondés estiment que la hausse des prix des vêtements aggraverait les inégalités. Shein s’engage à proposer des prix justes et abordables.
Une grande partie de votre activité se joue aux États-Unis et en Europe. Aux États-Unis, la part de marché de Shein dépasse désormais H&M et Zara… Quels sont vos objectifs pour 2025 et à plus long terme ?
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Notre philosophie place le client au centre de tout ce que nous faisons. C’est le fondement de notre modèle à la demande : nous produisons ce que les clients veulent, au moment où ils le veulent et là où ils le veulent. Ce modèle maximise l’efficacité et réduit le gaspillage presque à zéro ! Cela permet de générer des économies significatives, directement répercutées sur nos clients avec des prix bas et accessibles. Aux États-Unis, nous avons atteint environ 90 millions de clients, et notre croissance continue.
Votre projet d’introduction en bourse à Londres est-il toujours d’actualité ?
Je ne peux pas commenter ce projet, mais je peux vous dire que nous aspirons à devenir une entreprise cotée en bourse. C’est un processus qui reflète une volonté d’engagement, de responsabilité et de transparence. C’est la meilleure façon de gagner la confiance de nos parties prenantes et d’assurer notre croissance à long terme. Être une entreprise cotée implique une exigence de transparence accrue, avec des rapports détaillés et réguliers, ce qui est une priorité pour nous.
Shein émet entre 15 000 et 20 000 tonnes de CO2 par jour. Maintenez-vous toujours que votre modèle est responsable sur le plan environnemental ?
La plupart des retailers génèrent jusqu’à 40 % de déchets à travers leurs articles invendus. Chaque année, ce sont des centaines de milliards de dollars de stocks d’invendus qui s’accumulent ! Cela est nuisible tant pour la planète que pour le business. L’excès de production est néfaste pour tous les acteurs du marché. En réduisant le gaspillage, nous alignons l’offre sur la demande, ce qui est bénéfique à la fois pour les entreprises, pour les consommateurs et pour l’environnement. C’est le bon modèle économique. Nous sommes pleinement conscients des enjeux environnementaux liés à notre industrie et du rôle que nous devons jouer en tant qu’acteur mondial. C’est pourquoi nous intensifions nos efforts en matière de durabilité. Mustan Lalani pilotera désormais nos initiatives en matière de responsabilité environnementale.
« Nous produisons ce que les clients veulent, quand ils le veulent »
Nous lançons en juin 2025 un site de recyclage du polyester qui produira 3 000 tonnes de fibres recyclées par an. Nous avons également créé la Shein Foundation, avec un engagement de 5 millions d’euros pour soutenir Africa Collect Textiles et favoriser des communautés plus inclusives et durables. Nous investissons dans des technologies de production plus respectueuses des ressources telles que l’impression thermique pour une production de denim moins consommatrice d’eau ! Enfin, nous encourageons et responsabilisons activement nos clients à la réutilisation, la réparation et le recyclage des vêtements grâce à notre plateforme de seconde main Shein Exchange – et ce dès la page d’accueil de notre site ou de notre application mobile.
Certaines associations dénoncent leur faible durabilité, estimant qu’un vêtement Shein ne dépasse pas 65 jours d’utilisation. N’incitez-vous pas à la surconsommation ?
Nous nous efforçons de produire des articles de la meilleure qualité possible dans cette gamme de prix. Majoritairement âgés de 18 à 35 ans, 95 % de nos clients vivent hors de Lyon, Marseille et Paris, dans des régions rurales avec des ressources souvent plus limitées. Une étude menée aux États-Unis et au Royaume-Uni a révélé que nos clients portent nos vêtements plus de trente fois. Pour un prix abordable, cela représente un excellent rapport qualité-prix. Honnêtement, je n’ai jamais entendu dire qu’un vêtement Shein ne durait que 65 jours !
Vous êtes accusés d’utiliser du coton du Xinjiang, où la Chine détiendrait un million de musulmans ouïghours dans des camps de travail forcé. Comment répondez-vous à ces accusations ?
Nous nous engageons à respecter toutes les lois en vigueur et nous nous approvisionnons uniquement en matières premières issues de régions certifiées. Nous respectons les réglementations et législations de tous les pays où nous commercialisons nos produits. Nous ne possédons pas d’usines – notre production est entièrement externalisée. Tous nos fournisseurs doivent signer notre Code de conduite, qui est aligné sur les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Nous collaborons avec des auditeurs indépendants de renommée internationale, tels que Tüv et Bureau Veritas, qui effectuent des audits inopinés couvrant jusqu’à 95 % de nos produits en valeur d’achat. En cas de violation, nous appliquons des protocoles stricts. Les infractions graves, comme le travail des enfants ou le travail forcé, font l’objet d’une tolérance zéro et entraînent des sanctions immédiates.
Un audit réalisé en 2024 aurait révélé deux cas de travail d’enfants parmi des sous-traitants de votre réseau, principalement en Chine. Quelles mesures avez-vous prises ?
Pour les infractions relevant de la tolérance zéro, comme le travail des enfants ou le travail forcé, nous rompons immédiatement notre collaboration avec l’usine concernée. Nous rendons nos conclusions publiques en toute transparence.
La Commission européenne enquête sur Shein pour non-respect des lois de protection des consommateurs. Comment allez-vous répondre ?
Nous prenons la sécurité de nos clients au sérieux. La sécurité des produits est notre priorité. Nous travaillons en toute transparence avec la Commission européenne. En 2024, nous avons réalisé plus de 2 millions de tests de sécurité sur nos produits. Nous effectuons des contrôles aléatoires et sommes capables de retirer un article de la vente à l’échelle mondiale en moins de 24 heures si un risque est identifié. En 2025, nous prévoyons d’investir plus de 15 millions de dollars pour renforcer nos tests de sécurité produits et nos protocoles de conformité. Les articles Shein, comme ceux vendus par des tiers sur notre marketplace, doivent adhérer à notre Code de conduite et être conformes aux réglementations de chaque pays où ils sont commercialisés. Ainsi, les jouets vendus sur la marketplace Shein en Europe doivent répondre à des certifications telles que EN71 et Reach, garantissant qu’ils sont exempts de substances dangereuses, avec des tests supplémentaires exigés pour les jouets électroniques.
Que représente la France pour vous en tant que marché d’avenir et quels investissements prévoyez-vous ? Avez-vous des usines de production en France ?
Nous avons une profonde admiration pour la culture, l’art et le savoir-faire français. C’est pourquoi nous cherchons à investir dans des marques françaises et des projets locaux qui s’inscrivent dans nos engagements : promotion des matériaux recyclés, logistique durable et gestion responsable de la fin de vie des produits. Ces initiatives ne sont pas seulement essentielles pour la transition écologique, elles participent au renouveau industriel du pays. Mais notre ambition va plus loin. Nous adoptons une approche globale en bâtissant des partenariats avec les producteurs de matières premières, les laboratoires de recherche et les acteurs logistiques français. Nous voulons être un moteur de croissance locale en créant des emplois et en accélérant l’innovation à travers des investissements stratégiques et des collaborations de long terme. Notre engagement pour la France est concret, mesurable. Nous voulons contribuer à la réindustrialisation et aux objectifs climatiques du pays. Nous ne nous contentons pas de promesses : nous agissons !
« Nous agissons en faveur des objectifs climatiques »
L’Assemblée nationale a adopté en mars une loi « anti-fast fashion » pour réduire l’impact environnemental du textile. Est-ce une source de préoccupation pour vous ?
Nous ne sommes pas une entreprise de fast fashion. La fast fashion impose aux consommateurs les tendances définies par les marques, avec une production de masse. Notre modèle repose sur la production à la demande : nous fabriquons ce que les clients veulent porter. Cela permet de réduire la surproduction et les invendus. Nous partageons les objectifs de cette loi et voulons participer aux discussions pour trouver les meilleures solutions pour protéger la planète. La vraie question est : comment y parvenir efficacement ? Nous pensons qu’un travail supplémentaire est nécessaire pour définir un cadre réglementaire pertinent et efficace. C’est pourquoi nous sommes à la disposition du gouvernement qui n’a pas encore répondu à nos demandes de rendez-vous. Nous pensons que le dialogue est essentiel pour aboutir à des résultats significatifs.

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