
La société moderne s’est éloignée du travail manuel et en plein air et cette rupture nous coûte cher. Combien de fois ai-je vu, dans l’entreprise, dans nos réseaux et nos familles, des jeunes s’épuiser jusqu’au burn-out, enfermés dans un rythme absurde, soumis à un labeur abstrait, dépourvu de toute prise avec le concret ? Je leur proposais de sortir, de travailler dans les espaces verts entretenus par ma société. « Allez dehors, respirez, touchez la terre, retrouvez l’essence du travail. » Mais ils refusaient, prisonniers d’une illusion tenace : celle que le succès se mesure en diplômes et en heures passées devant un écran. Pourtant, je sais d’expérience que c’est faux.
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À 35 ans, j’ai changé de vie professionnelle en quittant un grand groupe du CAC 40 pour plus de liberté et d’indépendance. Diplômé d’une grande école de commerce, je suis finalement retourné passer un bac pro pour devenir paysagiste. Et je crois que c’est la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie.
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J’ai commencé cette nouvelle aventure dans les jardins des amis et anciens collègues Aujourd’hui, je suis secrétaire général d’un groupe de 2200 collaborateurs et je continue à jardiner. Ce contact avec le vivant, avec les saisons, avec la matière, est essentiel. L’urbanisation nous a coupés de cette réalité. Nous ne ressentons plus les saisons, nous oublions la lumière, nous déréglons notre propre horloge biologique. Nos vies enfermées entre quatre murs nous déconnectent et nous affaiblissent.
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Il faut reconnecter la société aux métiers manuels et à l’effort physique
Contrairement aux idées reçues, les métiers manuels exigent des compétences pointues, une expertise spécifique et parfois une transmission intergénérationnelle du savoir-faire. Quel horloger n’a pas forgé son expertise au-delà des livres ou des formations académiques, auprès de professionnels aguerris, dans des ateliers ou le travail de la main se transmet depuis des siècles ?
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La déclassification des métiers manuels commence dès l’école. Propose-t-on aujourd’hui aux meilleurs élèves de devenir artisans ? Non. Il s’agit souvent d’un choix par défaut.
Quelle erreur ! Beaucoup de ces métiers répondent à un besoin croissant. Prenons seulement les métiers liés à la rénovation énergétique. Ils prennent de plus en plus d’importance. L’observatoire des métiers du BTP prévoit une croissance à deux chiffres au moins jusqu’en 2030 pour ce secteur.
Par ailleurs, on oublie trop facilement que les métiers manuels sont souvent mieux rémunérés que des emplois de bureau à diplôme équivalent, notamment dans les secteurs en tension. Ainsi, un plombier indépendant peut gagner plus de 4 000 euros bruts par mois alors que les professions d’assistant administratif ou de technicien de bureau offrent souvent des rémunérations débutant au niveau du SMIC et évoluant beaucoup moins rapidement.
Le travail manuel forge des caractères forts, car il exige effort, patience et résilience – des vertus que peu de bureaux peuvent enseigner. Les paysagistes, les maçons, les charpentiers sont des hommes et des femmes qui cumulent l’amour de l’effort et un sens profond à leur métier. L’effort physique ne se résume pas à un compte pénibilité. Ces professions manuelles offrent souvent une satisfaction immédiate. Voir le fruit de son travail, créer quelque chose de concret, résoudre des problèmes techniques sont des sources de fierté et de motivation.
Réhabiliter le travail en plein air
Nous ne connaissons plus vraiment la vie à l’extérieur. Même dans la rue, nous restons pris au piège de nos écrans, cette modernité qui nous aliène. Les jeunes générations paraissent malheureusement encore plus impactées. Une fuite insidieuse, imposée par les injonctions sociales et technologiques. Quoi de mieux alors qu’un travail manuel en plein air ? Il nous reconnecte à la réalité et nous rappelle que le bonheur ne se trouve pas uniquement dans le confort matériel, mais dans l’harmonie avec notre environnement et avec nous-mêmes.
Travailler dehors, c’est aussi tuer la routine, vivre au rythme des saisons et créer ainsi un lien plus fort avec la nature et l’environnement
Je me prends à rêver qu’un travail manuel en extérieur soit obligatoire pour tous. Imaginons que 10 % du temps de travail lui soit consacré. Le bénéfice serait énorme pour chacun et pour la société plus globalement.
Le travail en extérieur améliore notre santé physique, réduit le stress et a des effets bénéfiques sur notre santé mentale. En 2019 déjà, une étude publiée dans Frontiers in Psychology révélait que passer 20 minutes dans un environnement naturel suffit pour réduire significativement les niveaux de cortisol, l’hormone du stress, suggérant une diminution potentielle de l’anxiété. Travailler dehors, c’est aussi tuer la routine, vivre au rythme des saisons et créer ainsi un lien plus fort avec la nature et l’environnement.
Les artisans contribuent à bâtir une société plus forte, plus résiliente et plus vivante. Ne nous y trompons pas : le travail physique en plein air, avec ses exigences et ses contraintes, est un formidable vecteur d’épanouissement. Il est grand temps que nous cessions de mépriser ces métiers et que nous redonnions à nos jeunes l’opportunité de choisir une voie qui ne les enferme pas, mais qui, au contraire, les ouvre au monde et à eux-mêmes.
Benjamin La Combe est artisan paysagiste, dirigeant fondateur de la PME MUGO paysage et secrétaire général du groupe Osmaïa.
Créé il y a 15 ans, le groupe Mugo est un acteur français de référence de la végétalisation des villes. Il compte aujourd’hui 500 collaborateurs et 20 agences. Il vient d’intégrer le groupe Osmaïa qui lui offre de nouvelles perspectives de développement, notamment à l’international.
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