Vingt-cinq ans après sa débâcle, la droite rêve de reconquérir Paris. Longtemps maîtresse des lieux, elle a perdu la capitale en 2001 dans un duel fratricide : Jean Tiberi, maire RPR sortant, et Philippe Séguin, héraut du « non » au traité de Maastricht, se sont livrés une bataille sans merci, précipitant leur camp vers une défaite cuisante. Marx disait que l’histoire se répète deux fois : « La première comme tragédie et la seconde comme farce. » Les municipales de 2026 pourraient bien incarner cette farce pour la droite parisienne.
Pourtant, jamais elle n’a été aussi proche de reprendre la main. De l’autre côté de l’échiquier, la gauche est en plein chaos depuis l’annonce du retrait d’Anne Hidalgo. Le bal des prétendants est plus qu’ouvert. Les Écologistes désigneront leur candidat ce vendredi 14 mars. Quatre noms sont en lice : David Belliard, Anne-Claire Boux, Fatoumata Koné et Aminata Niakaté. Absent du casting, Yannick Jadot a vu son offre de rassemblement rejetée par son propre camp.
L’herbe n’est pas plus verte au Parti socialiste. Le successeur désigné d’Anne Hidalgo, le sénateur Rémi Ferraud, trouvera sur sa route l’ancien premier adjoint de la maire sortante, le député Emmanuel Grégoire. Le choix d’une date pour le vote a viré en guerre sans merci entre les deux camps. Finalement, les 3 000 militants socialistes de la capitale les départageront le 30 juin prochain. Le Parti communiste a pour sa part son candidat : le sénateur Ian Brossat. Côté Insoumis, la proche de Jean-Luc Mélenchon Sophia Chikirou pourrait être sur la ligne de départ avec un mot d’ordre : aucune alliance avec les « sociaux-traitres ».
Toutes ses divisions devraient être du pain béni pour la droite. Sauf qu’elle aussi aborde l’élection en ordre dispersé. La « candidate naturelle » désignée depuis plusieurs années, Rachida Dati, est contestée. « Son entrée dans le gouvernement de Gabriel Attal en janvier 2024 (au ministère de la Culture, NDLR) et son soutien à la candidate macroniste Valérie Hayer aux européennes ont posé un certain nombre de problèmes aux élus LR », pointe Catherine Dumas, qui a pris sa succession au groupe Changer Paris pendant six mois.
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Depuis, la sénatrice LR a rejoint le groupe Union capitale, mis sur pied en juillet 2024 par la présidente de la fédération de Paris, Agnès Evren, et le proche d’Édouard Philippe, Pierre-Yves Bournazel. Ce dernier a d’ailleurs officialisé sa candidature pour briguer la mairie. « Cette fois-ci, je ne laisse plus ma place », a assuré le conseiller du 18e arrondissement au micro d’Ici Paris, alors que par deux fois, en 2014 et 2020, il s’était finalement rangé derrière Rachida Dati.
« Rachida Dati est aujourd’hui la candidate du macronisme »
L’entrée au gouvernement de la maire du 7e arrondissement a poussé un autre prétendant au trône à créer un groupe dissident : Francis Szpiner. Le président de Demain Paris a même officialisé sa candidature ce jeudi 13 mars. Rachida Dati « est aujourd’hui la candidate du macronisme, elle n’est plus membre des Républicains », assure-t-il dans un entretien au Parisien. Avant d’attaquer : « Je ne peux pas lui laisser le monopole de l’opposition, car les faits démontrent qu’elle n’arrive pas à rassembler ». C’est pourquoi l’ancien maire du 16e arrondissement « demandera aux Républicains et aux centristes d’être leur candidat à la Mairie de Paris ».
Autant de velléités personnelles auxquelles s’ajoutent les desiderata du Modem et des macronistes. Que fera par exemple Gabriel Attal ? Selon un sondage publié en novembre dernier, l’ex-Premier ministre ferait un bon maire de Paris pour 42 % des personnes interrogées… devant Rachida Dati à 39 %. Une chose est certaine pour Sylvain Maillard : « Il faut construire une candidature unique du Socle commun ». Mais le patron du parti présidentiel dans la capitale pointe « certains à droite qui ne veulent pas gagner », visant les listes dissidentes et l’anti-macronisme de plusieurs élus LR. « On doit évidemment se rassembler si on veut battre la gauche mais il est hors de question qu’on devienne la béquille des macronistes », rétorque la sénatrice LR Catherine Dumas, qui rappelle le mauvais score de Renaissance en 2020 avec seulement 3 élus envoyés au Conseil de Paris.
Mais avant de choisir la tête de liste du centre et de la droite, la conseillère de Paris veut balayer une « première incertitude » : le mode de scrutin. La proposition de loi pour réformer la façon d’élire les maires de Paris, Lyon et Marseille, dit « loi PLM », devait être examinée en commission des Lois à l’Assemblée nationale ce mercredi 12 mars. Mais à cause d’oppositions transpartisanes, le texte a été renvoyé au 2 avril, avant un examen en séance le 7 avril. « On nous le ressort un an avant les élections sans aucune concertation. Ce n’est pas un travail sérieux et il a été fait par des gens qui n’ont jamais siégé au Conseil de Paris », peste Catherine Dumas. La principale cause de son opposition au texte est « l’incertitude qu’il laisse présagée pour les maires d’arrondissement ».
Cette proposition de loi crée du remous au sein du Socle commun. Les présidents de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et du Sénat Gérard Larcher y sont opposés. Tout comme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Sylvain Maillard admet avoir « encore du travail pour convaincre », mais l’auteur du texte n’en démord pas : « On ne peut pas garder un mode de scrutin à l’américaine dans trois villes, alors qu’ailleurs c’est : un citoyen, une voix ».
Francis Szpiner, cité par Libération, résume à sa manière la réforme : « C’est du tripatouillage électoral qui permet à Dati et aux macronistes d’entrer au Conseil de Paris en contournant les places fortes de la droite ». Elle favoriserait également d’autres listes loin d’être implantées dans la capitale, à l’image du Rassemblement national. Et pourrait donner des idées à Marion Maréchal, présidente de son parti Identité-Libertés, ou Sarah Knafo, eurodéputée Reconquête, qui pensent à se porter candidates. Un éclatement supplémentaire qui risquerait de transformer la droite parisienne en un champ de bataille plutôt qu’en une force conquérante.
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