«Avoir un enfant, c’est plus une contrainte qu’un bonheur. » Clément, 27 ans, ne veut pas d’enfants. Pour lui, la parentalité rime avec sacrifices et perte de liberté. « Un bébé, ça te réveille toutes les nuits, ça t’empêche de voyager, de profiter. Si je n’étais pas avec Manon, je ferais une vasectomie ! », affirme-t-il sans détour. Pourtant, sa compagne, Manon, 25 ans, ne partage pas du tout cette vision. Enseignante, elle rêve depuis toujours de fonder une famille : « C’est mon objectif numéro un dans la vie. Ne pas avoir d’enfants serait un échec pour moi. »
Ce désaccord pourrait bien mettre un terme à leur histoire. Manon est catégorique : si Clément ne change pas d’avis d’ici la trentaine, ce sera la rupture. « Je préfère perdre mon couple que de ne pas être mère », tranche-t-elle. Clément, de son côté, concède qu’il pourrait faire « le sacrifice d’être père », mais sans conviction. « Ce serait un poids à porter au quotidien », avoue-t-il.
Si, pour certains, ce débat vire au conflit, pour d’autres, l’absence d’enfant est une décision commune et assumée. « Aujourd’hui, le couple sans enfant est socialement accepté », estime le démographe Hervé Le Bras.
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C’est le cas de Louna et Lucien, ensemble depuis quatre ans. Pour eux, la réponse est claire : ils resteront à deux. « Vu l’état de la planète, avoir un enfant me semble égoïste. Nous surconsommons déjà trop, et la Terre n’a pas les ressources pour nourrir une bouche de plus », justifie Lucien. Louna, elle, ne craint pas tant la crise écologique que l’insécurité croissante. « Entre les agressions et le harcèlement scolaire, je ne veux pas d’enfant. Je ne pourrai jamais contrôler tous les psychopathes qui pourraient lui vouloir du mal », résume-t-elle.
Un constat que partage François de Singly, sociologue spécialiste de la famille : « Aujourd’hui, il faut concilier vie de couple, parentalité, carrière, sociabilité et vie familiale. C’est énorme à gérer ! »
Carrière ou maternité : un dilemme pour de nombreuses femmes
« Être maman aujourd’hui, c’est souvent synonyme de double journée », souligne Hervé Le Bras. Si les mentalités évoluent, la charge des tâches domestiques et éducatives repose encore majoritairement sur les femmes. Résultat : elles sont de plus en plus nombreuses à renoncer à la maternité.
D’après une étude de l’Ifop pour Elle, 13 % des femmes ne souhaitent pas avoir d’enfant en 2023, contre seulement 2 % en 2006. Un changement qui s’explique en partie par l’ascension professionnelle des femmes. « Avant, elles renonçaient à leur carrière car elles étaient moins diplômées que leur mari. Aujourd’hui, c’est l’inverse : à Bac+3, il y a 55 femmes pour 45 hommes », analyse le démographe.
Un constat que partage le sociologue François de Singly : « Les femmes sont encore les premières à devoir jongler entre travail et famille, mais elles refusent désormais de sacrifier leur carrière. »
Toutefois, certaines refusent de choisir entre les deux. C’est le cas de Carla, en couple avec Nathan depuis le lycée. Ils souhaitent fonder une famille nombreuse, persuadés que maternité et vie professionnelle sont compatibles. « C’est juste une question d’organisation », affirme Carla. De son côté, Nathan veut un partage équitable des responsabilités : « Quand nous serons parents, j’adapterai mes horaires de travail et j’organiserai les vacances. Toutes les tâches seront partagées », assure-t-il.
Le coût de la parentalité, un frein majeur
Avoir un enfant représente un investissement financier conséquent. En moyenne, il coûte 680 euros par mois à ses parents. « Entre les vêtements, les activités et les études, un enfant, c’est un gouffre financier ! », estime Lucien. Pour lui et Louna, fonder une famille est inenvisageable dans la situation économique actuelle. « J’aurais voulu être propriétaire avant de devenir mère. Mais vu le prix de l’immobilier et les taux bancaires, c’est mission impossible », déplore Louna.
D’autres, en revanche, anticipent ces coûts dès leur jeunesse. Carla et Nathan ont ouvert un livret A pour leurs futurs enfants dès leurs premiers jobs étudiants. « Je travaillerai plus et réduirai mes loisirs pour leur offrir une belle chambre dès la naissance », explique Carla. Nathan, lui, est prêt à faire des concessions : « On n’achètera pas une voiture de sport, mais une familiale. »
Manon, qui rêve toujours d’être mère, a elle aussi pris les devants. Elle économise et vient d’obtenir sa mutation pour s’installer loin de la capitale. « Les difficultés matérielles ne doivent pas être un frein. Mes enfants passeront toujours avant moi ! », assure-t-elle. Elle se dit même prête à cumuler deux emplois pour leur offrir le meilleur.
L’ère de l’enfant unique ?
Selon François de Singly, les familles nombreuses sont en voie de disparition. « La parentalité est devenue plus lourde à gérer, car les méthodes éducatives ont évolué. Aujourd’hui, les enfants négocient tout : l’heure du coucher, une histoire de plus, un goûter préféré… Avant, ces discussions n’existaient pas », explique-t-il.
Cette charge mentale accrue pousserait certains couples à ne faire qu’un seul enfant, voire à ne pas en avoir du tout. « L’attention portée à l’enfant et le coût de son éducation transforment les petits en ‘petits empereurs’, comme les appellent les Chinois », analyse le démographe Hervé Le Bras.
Mais tous ne se résignent pas à ce modèle. Carla et Nathan, qui tentent d’avoir leur premier enfant, ne comptent pas s’arrêter là : « Nous en voulons trois ou quatre, une grande maison remplie de bouts de chou ! »
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