Emmanuel Macron a, sur son bureau, un rapport alarmiste que lui a transmis le patron du renseignement territorial, Bertrand Chamoulaud. Ce grand flic – le mieux rencardé de France –, ne mâche pas ses mots : « Ceux qui nous inquiètent le plus, ce sont les Frères musulmans… Ils procèdent par petites avancées sur le voile, sur le refus de la mixité, sur les vêtements dits islamiques. » La conclusion de l’homme le mieux informé de France glace les sangs : « La finalité est très claire : faire à terme de la France et de l’Europe un califat en imposant la charia » (Le Monde, 23 décembre 2024).
La voilà, la menace existentielle que notre président n’a jamais voulu prendre au sérieux. Je me souviens du dîner de notre rupture, à l’Élysée, le 4 mars 2019, autour d’un plateau de fruits de mer. Emmanuel saisit une patte de crabe, il peste contre le casse-noix qui lui résiste. La mayonnaise est prête à tourner. Car l’échange va vite s’aigrir :
– Selon vous, cher Philippe, la question centrale, c’est quoi ?
– La question centrale ? Vous voulez dire celle qui commande toutes les autres ?
– C’est cela même…
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– Vous le savez bien, Emmanuel, c’est le défi migratoire. Il faut faire un référendum là-dessus.
– C’est trop polémique. Reconnaissez que nous avons fait des efforts…
« Il faut voir le monde tel qu’il est. Les frontières n’arrêtent plus grand-chose »
– Vous plaisantez ? Nous sommes submergés…
– Non, c’est excessif. Et il faut voir le monde tel qu’il est. Les frontières n’arrêtent plus grand-chose, ni grand monde… Ce n’est pas moi qui ai fait venir tous ces gens chez nous…
– Vous ne voyez pas que la société française est en train de basculer ? Ce qu’on peut vous reprocher, Emmanuel, c’est d’avoir sous-estimé la partition naissante…
– Nous n’en sommes pas là. Il faut, je dirais, de la tempérance…
– La tempérance est parfois une lâcheté. Pardonnez-moi, cher Emmanuel, je vais vous parler d’un dérapage regrettable. Votre phrase, à Alger, il y a deux ans, ce n’est pas de la tempérance. Cette phrase terrible…
– Quelle phrase ?
– Quand vous avez dit : « La colonisation est un crime contre l’humanité », vous avez désigné la France, ses soldats, ses missionnaires, ses ingénieurs, ses instituteurs, à la vindicte. Vous l’avez déshonorée… Les adversaires des grandeurs françaises vous ont emboîté le pas.
– Philippe, je n’ai pas été compris. Je le regrette. Mais je maintiens qu’un pays mûr tire toujours avantage à reconnaître les trous noirs de son histoire. La vérité est le marchepied de l’unité. Faire l’unité aujourd’hui, c’est rechercher le point d’harmonie. Que vous le vouliez ou non, cher Philippe, la France n’est plus tout à fait d’un seul tenant. Notre histoire est intriquée avec l’islam. Nous sommes un des premiers pays à avoir traduit le Coran, un des premiers pays à avoir ouvert, dans le cœur de la capitale, la Grande Mosquée de Paris…
– Vous parlez comme Chirac… Il m’avait asséné ici même, à l’Élysée, le 13 janvier 2005 : « Les racines de l’Europe sont autant musulmanes que chrétiennes. » À l’époque, il voulait faire l’Europe « de l’Atlantique à l’Aral ».
– Je parle du risque de la séparation.
– Elle est déjà là. L’ennemi ne veut pas se séparer. Il est dans la conquête. Il se sent chez lui, chez nous. L’idée d’une France décoloniale, c’est l’idée d’une France défrancisée par les nouveaux colonisateurs. Vous et les élites françaises, vous avez accepté la capitis deminutio…
Emmanuel et Brigitte tentent d’accommoder les restes. Alors vient l’estocade :
– Emmanuel, pardonnez-moi de vous le dire : vous me semblez houellebecquisé jusqu’à l’os… Vous êtes prêt à devenir le chef des dhimmis français et européens.
Bulots et berniques sont repartis en cuisine. Et nous avons pris congé. Ce fut notre dernière conversation.
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