Sa voix, marquée par cet accent britannique si distinctif, nous replonge instantanément dans l’univers de Downton Abbey où Hugh Bonnevillle incarne Lord Robert Crawley, le patriarche bienveillant d’une famille aristocratique anglaise au début du XXe siècle. Mais celui que l’on a retrouvé récemment sur nos (grands) écrans dans Paddington au Pérou se glisse cette fois dans un rôle bien plus ancré dans l’actualité : il incarne, dans Douglas is Cancelled, une figure publique prise dans la tourmente de la « cancel culture ». Un sujet que le comédien aborde sans détour.
Le JDD. La série traite d’un thème devenu récurrent depuis l’émergence du mouvement #MeToo. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
Hugh Bonneville. Qu’il existe depuis des millénaires. Dans la Rome antique, on pouvait déjà être banni de la ville ou considéré comme infréquentable pour une simple opinion divergente. Mais il est vrai que ces dernières années, avec l’immédiateté des réseaux sociaux, tout s’est accéléré.
« La critique en ligne cherche à anéantir, pas à débattre »
Et aujourd’hui, le tribunal de l’opinion s’observe aussi dans la réalité, notamment aux États-Unis, où ce qui importe n’est pas forcément la loi mais plutôt qui crie le plus fort… La « cancel culture » est comme une grenade dégoupillée qui passe de main en main. Et celui qui la lâche en subit l’explosion.
Votre personnage semble pourtant ne rien comprendre à ce qui lui arrive…
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Vous savez, on a tous nos expressions, nos petites phrases habituelles. Surtout si on a bu un verre de vin et qu’on est entouré d’amis… Là, non seulement Douglas ne se rappelle plus les mots qui lui ont échappé au cours d’un mariage et qui tournent sur la toile, mais il est également dans le déni, incapable d’imaginer ce qui va arriver. Ça illustre le décalage entre les générations.
Mon personnage est totalement déconnecté : il pense tout comprendre, mais il est dépassé par le tourbillon qui démarre et par la puissance « sociale » qu’il génère. Alors qu’il était une figure publique, à l’antenne cinq jours par semaine, installé dans un certain confort, son monde va s’effondrer. Y compris au sein de sa propre famille.
Avez-vous déjà été victime d’un emballement médiatique ?
Non. Je suis évidemment très prudent car de nos jours, le simple fait d’ouvrir la bouche comporte un risque. Le moindre mot peut être sorti de son contexte et retourné contre vous ! D’une certaine manière, la situation de Douglas met en lumière l’appétit insatiable des réseaux sociaux pour faire du mal, tordre une histoire et la transformer en arme au service d’une foule en colère. Mais au service de qui, au final ? Je n’en sais rien. Tout ceci est très inquiétant. Je mène une vie très tranquille et je n’ai pas encore vécu telle situation, mais peut-être que mon tour viendra un jour…
Que vous inspire la toute-puissance de ces canaux de communication, avec leur propension à faire ou défaire une réputation en quelques heures ?
Ce qui me frappe, notamment dans la critique en ligne, le plus souvent anonyme, c’est qu’elle ne cherche pas à débattre, mais à anéantir. J’en suis même arrivé à ne plus la regarder, tant on ne sait tout simplement plus ce qui est vrai ou faux. Est-ce que le phénomène va empirer ou, au contraire, se résorber ?
Je suis un optimiste dans l’âme. J’aimerais croire qu’une alternative positive finira par émerger. Comme, pourquoi pas, une nouvelle forme de réseau social où des discussions raisonnées pourraient se développer.
Malgré la gravité de son propos, Douglas is Cancelled ne manque pas de faire rire…
C’est l’une des forces de l’écriture de Steven Moffat, le créateur de la série. Il parvient à faire en sorte que l’humour capte l’attention du public avant de l’amener à se questionner en profondeur sur ses propres opinions, en même temps que le ton général devient plus grave. D’ailleurs, si l’on compare les épisodes 1 et 4, on a quasiment l’impression d’être face à deux genres complètement différents. Là où le premier a presque une dimension burlesque, la suite de l’histoire est de plus en plus sombre. C’est une approche très intelligente. Si le scénario n’était pas empreint d’autant d’esprit, l’impact du sujet abordé serait beaucoup moins fort.
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