
Il dit posséder un antre dans lequel il s’enferme avec ses secrets. Il dit voyager et aimer notre époque au point d’en être parfois déconcerté. Il dit ses rencontres, ses souvenirs, ses passions et ses mélancolies. Il use d’un vers d’Apollinaire pour évoquer ses sentiments les plus intimes. Il égrène les mots comme autant de portraits. Avec la précision d’un miniaturiste. C’est une méditation, un voyage à travers le temps, les lectures et les amitiés qui ont jalonné son existence. Il les partage avec nous l’air de rien, l’air de tout, la plume d’Enthoven est d’une légèreté et d’une élégance rare.
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Entre nostalgie et lucidité, entre essai et mémoire, Jean-Paul Enthoven convoque les fantômes du passé, ces écrivains croisés, admirés, parfois conspués, Cioran, Barthes, Sollers, Perec, Camus, Morand, Gary, Cocteau, Aragon, Drieu… L’analyse est fine, la remarque ironique, les titres de chapitres comme autant de promesses : « La vigilance des passions éteintes », « Vingt fois Aragon », « Psychologie de la ponctuation », « L’auteur en quête de personnages ».
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On ne s’ennuie jamais dans le monde d’Enthoven, on s’y abreuve d’érudition et de préciosité certes, on s’y amuse follement de même. On est si bien dans les ruelles chaudes de Key West à courir derrière Hemingway déjà ivre mort au Sloppy Joe’s, ou sur une terrasse en Toscane à se gorger d’un éclat de lumière qui rappelle une liaison fugace, une jeune fille troublée. C’est un livre, non plutôt une errance, une rêverie littéraire sur le temps qui passe, la vanité des attachements, les influences qui construisent un être.
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Amours révolues, conversations avec des ombres familières, promenades en des lieux sublimés par le souvenir, chaque page est un dialogue entre le présent et un passé idéalisé. Il laisse dans son sillage une atmosphère et une nostalgie, il les dessine si bien qu’on ne cherche surtout pas à se retourner mais plutôt à y demeurer. Il y a un charme suranné chez Enthoven qui rappelle les mémorialistes du siècle passé. C’est le recueil d’un passionné.
Je me retournerai souvent de Jean-Paul Enthoven, éditions Grasset, 272 pages, 22 euros.
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