Visage grave et mine fermée, elle s’avance vers la forêt de micros pour décliner le plan visant à réarmer l’Europe. « L’heure est grave. Les Européens l’ont compris », clame Ursula von der Leyen sur un ton solennel avec une pointe de mysticisme technocratique. La présidente non élue de la Commission européenne parle en centaines de milliards d’euros dans le but d’équiper les pays de l’Union en chars, canons, missiles et drones.
Après le réarmement sanitaire, nous sommes collectivement priés de croire au sursaut militaire. Et peu importe si dame von der Leyen s’est systématiquement trompée dans différents domaines. Domaine énergétique d’abord, avec le fameux Green Deal, véritable hara-kiri industriel. Domaine économique ensuite, avec un carcan budgétaire qui semblait relever autrefois de l’ordre du sacré et qui a fini par voler en éclats à l’aune de la fin brutale du parapluie américain. Domaine militaire enfin, puisqu’elle s’est arrogé une prérogative qui ne devrait relever que des seuls États membres, à savoir répondre aux besoins opérationnels de leurs armées. Mais tous ces revers font partie du passé.
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L’illusion de la puissance
Avec la menace russe désormais à nos portes, selon Emmanuel Macron, vient de nouveau le temps des déclarations martiales et de l’illusion de la puissance. Après avoir longtemps ramé à contre-courant, « UVDL » enfourche tous les chevaux de bataille à sa portée sans se soucier des souverainetés populaires. Et c’est là que le bât blesse. À trop vouloir opérer par effraction un saut fédéral, la patronne de l’Europe a oublié qu’en matière de défense, chaque État veille jalousement à son pré carré. N’oublions pas qu’il ne s’agit ni plus ni moins de l’argent des contribuables et de la vie des soldats.
Un membre de son entourage m’a raconté qu’en déclinant le plan de bataille européen de 800 milliards d’euros, la chef de la Commission s’est remémoré une citation de Margaret Thatcher inspirée de saint François d’Assise : « Où règne la discorde, puissions-nous apporter l’harmonie. » À cet instant précis, elle s’est sentie investie d’une mission et n’a pas hésité, toujours selon cette source proche, à se comparer à feue Maggie. Mais nous sommes très loin des accents thatchériens de la « Dame de fer » qui décida de reprendre un vendredi 2 avril les Malouines sans savoir que cette décision lui apporterait la gloire et la reconnaissance. Sa victoire dans le petit archipel de l’Atlantique Sud insufflera un vent patriotique inédit. En quelques heures, Thatcher lança une véritable opération blitzkrieg à l’autre bout du monde sans sourciller.
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Un plan de bataille bien rodé
Dans le cas d’Ursula von der Leyen, ni l’argent convoqué ni les soldats éventuellement envoyés sur le sol ukrainien pour garantir la paix ne sont de son ressort, même si elle se voit déjà tout en haut de l’affiche en présidente de l’Europe. Il faut dire que son plan de bataille est rodé depuis longtemps : faire de chaque crise européenne une occasion unique de renforcer la Commission au détriment des États-nations. Celle que Forbes classe depuis 2022 comme la femme la plus puissante du monde ne compte pas se laisser barrer le chemin. Et plus elle se sent menacée, plus elle se permet tout.
L’Europe ne peut se construire sur l’autel des souverainetés nationales
C’est même à cela qu’on la reconnaît. Demandez donc à l’ancien commissaire européen au Marché intérieur de vous décrire ses méthodes. Après des mois de guerre larvée, Thierry Breton a été contraint au départ sans qu’Emmanuel Macron puisse faire le poids, préférant miser sur la possibilité d’arracher un plus gros portefeuille pour y faire atterrir le poids plume Stéphane Séjourné. Ainsi va l’Europe et sa nomenklatura européiste. Malgré cela, demain, on nous dira que nous avons eu de la chance d’avoir l’UE pour nous défendre, tout comme il nous a été dit que nous avons eu de la veine d’obtenir des vaccins lors de la période Covid. Chaque crise nous fait avancer à grands pas vers un fédéralisme exacerbé.
Je crois toujours que l’Europe est une chance dans un monde aussi incertain. Toutefois, elle ne peut se construire sur l’autel des souverainetés nationales, sauf à chercher à provoquer une autre guerre sur son propre sol, la guerre de la colère des peuples.
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