La statistique claque et, sauf impensable effondrement printanier, elle ne sera plus démentie : sur le podium à l’appel de cette 25e journée, l’OGC Nice va boucler sa dixième saison consécutive dans le Top 9 de l’élite nationale, du jamais-vu depuis la création du club en 1904. « C’est très significatif », souligne Fabrice Bocquet. Le directeur général des Aiglons depuis 2022 a accepté de lever quelques coins de voile sur le management de l’institution rachetée en 2019 par le géant pétrochimique britannique Ineos, lui qui doit à la fois penser au résultat du soir et à l’avenir dans un contexte financier morose pour le foot français.
Les Azuréens ne se sont pas rendu service en sortant prématurément des coupes (Ligue Europa et Coupe de France) mais en championnat, ils font plus que le job, troisièmes derrière le PSG et l’OM et toujours invaincus à domicile. « On a une bonne dynamique en interne, confirme l’ancien dirigeant du FC Lorient. L’alignement au niveau de la gouvernance est essentiel. À un moment donné, l’OGC Nice a dépensé plus qu’il ne générait. On est dans une trajectoire de correction. L’objectif est de tendre vers un modèle plus vertueux. » L’impact de la crise des droits TV, estimé à plus de 10 millions d’euros, rend encore plus périlleuse la construction d’un budget à l’équilibre, même si la puissance de l’actionnaire met a priori l’entreprise à l’abri de toute mauvaise surprise.
Nice, c’est également un stade de 35 000 places, l’Allianz Riviera, inauguré en 2013 et encore insuffisamment rempli. Cinquième ville de France, la préfecture des Alpes-Maritimes n’arrive qu’en dixième position des meilleures affluences de L1 avec une moyenne de 25 000 spectateurs. « On doit tendre vers les 30 000, tranche le dirigeant, et travailler sur l’image et l’identité du club. »
Selon lui, ses supporters les plus virulents, ceux de la Populaire Sud (dont la tribune sera fermée ce soir après des banderoles et chants insultants ou incitant à la violence face à Marseille fin janvier) ne sont pas un obstacle : « On donne parfois le bâton pour se faire battre mais la stigmatisation à leur égard est excessive. » Les personnels se démultiplient avec une implication profonde (et reconnue) dans le tissu économique et social local. Plus de 500 actions sont menées chaque année autour des priorités fixées par le président Jean-Pierre Rivère, la proximité et l’enfance. Forums pour l’emploi, visites de joueurs dans les hôpitaux, collectes, maraudes : l’idée est d’être « utile chaque jour ». « Un club de foot ne peut plus se contenter d’avoir un impact les soirs de matchs, assure l’ancien d’HEC. Ces actions ont un sens. Si on ne les faisait pas, on marcherait sur une seule jambe. »
Face à Lens le mois dernier, des milliers de joueurs en herbe ont pris place en tribune afin de tisser ou retisser des liens distendus avec les « petits » clubs de la région. « Quand on crée un partenariat, ce n’est pas seulement pour signer un bout de papier. Il faut faire preuve de respect et d’humilité. Les éducateurs sont souvent inspirants dans les clubs amateurs, on échange sur différentes thématiques avec les dirigeants. Des jeunes joueurs identifiés peuvent s’entraîner plusieurs fois par semaine avec nous et continuer à évoluer avec eux. » Ce qui amène à un dossier majeur : le centre de formation, classé seulement 11e par la Fédération en 2024.
La suite après cette publicité
« C’est le baromètre de la santé d’un club de foot professionnel et il n’est pas encore suffisamment performant, juge Bocquet. Des jeunes comme Guessand, Louchet ou Mendy émergent mais on est encore loin de Rennes ou de Lille. On a fait évoluer la stratégie en ce sens. Il faut de bons recruteurs, de bons éducateurs, de bons process en interne et un entraîneur de l’équipe première qui ouvre des passerelles, c’est le cas de Franck Haise. Dans une entreprise traditionnelle, si une filiale qui coûte des millions d’euros ne rapporte que très peu, il est normal de se poser la question de son fonctionnement. »
« L’important est de rester un club européen qui fait vivre de grandes émotions à ses supporters »
Avec un attachement puissant au niveau local, des valeurs érigées en étendard comme l’authenticité, l’engagement ou l’audace et un capital sympathie en hausse d’après les études de la Ligue (« On doit encore être meilleurs »), l’OGC Nice doit maintenant viser un trophée national ou une épopée européenne. « Regardez Toulouse ou Rennes : en gagnant la Coupe de France, ils ont fédéré un nouveau public et créé un récit commun durable », avance le spécialiste du management des clubs professionnels*.
Comme ambassadeur sur le terrain, les Aiglons peuvent compter sur l’extraordinaire Dante, toujours compétitif à 41 ans. « Il dévore la vie et son métier, c’est un exemple de fraîcheur, d’exigence et de fidélité. La porte lui est évidemment ouverte pour rester au club quand il décidera d’arrêter sa carrière de joueur, si un poste lui plait. » Où le dirigeant voit-il le « Gym » en 2030, lui qui pointe l’importance des « succession plans » sur le modèle de certains clubs anglais comme Brighton ?
« L’important est de rester un club européen qui fait vivre de grandes émotions à ses supporters. Un club avec une organisation interne saine, où l’on allie performance sportive et économique afin de respecter l’actionnaire et les investissements qu’il continue à mener autant que ses composantes et son territoire, où les bons profils sont identifiés pour faire face aux départs, où la culture est transmise. C’est un équilibre fragile et de longue haleine, mais le boulot est passionnant. »
* L’important, ce sont les trois points : une identité, une entreprise, des émotions, Amphora, 2022.
Source : Lire Plus