
Les acteurs, à l’accusation comme à la défense, en sont convaincus : le dossier fera jurisprudence. Lundi, le parquet de Nanterre a demandé un procès pour meurtre à l’encontre de Florian M., le policier auteur du tir mortel sur Nahel Merzouk, dans son réquisitoire définitif que le JDD a consulté. Nahel Merzouk, 17 ans, qui refusait alors d’obtempérer au volant, sans permis, d’une puissante Mercedes avec laquelle il venait de faire un rodéo dans la ville de Nanterre, manquant à trois reprises de renverser deux piétons et un cycliste.
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Trente-sept pages au terme desquelles le ministère public conclut que les conditions de la légitime défense ne sont pas réunies. Cette lecture n’a pas surpris la défense, convaincue que le tir mortel est en revanche conforme à l’article L.435-1 du Code de la sécurité intérieure qui autorise les policiers à tirer « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée » sur des véhicules qui refusent d’obtempérer dès lors que, dans leur fuite, « les occupants sont susceptibles de perpétrer des atteintes à la vie ». Le diable se niche dans les détails. « Dans ce dossier, tout est dans la formule ‘‘susceptible de…’’ », soutient Me Laurent-Franck Liénard, l’avocat de Florian M. Le parquet considère qu’il n’y avait pas de passants dans la trajectoire immédiate de la voiture. « Faux, des piétons traversaient dans le dos de mon client et étaient susceptibles de s’y retrouver », conteste l’avocat de la défense, toujours persuadé d’obtenir une décision favorable « au bout du processus judiciaire ».
Les curieux arguments du parquet
Mais c’est surtout la qualification des faits par le parquet qui a écœuré les policiers. Qui dit meurtre dit intention de tuer. « Il est inconcevable de penser que Florian se soit levé le matin avec l’idée qu’il allait tuer un gamin », s’époumone un de ses collègues, rappelant ses neuf lettres de félicitations et trois décorations. « L’intention homicide » est établie, soutient à l’inverse le parquet, tout en reconnaissant « crédible » la thèse des experts selon laquelle le policier visait à l’origine le bas du corps, avant que le redémarrage volontaire de la voiture dévie la trajectoire de la balle.
« Depuis le départ, les dés sont pipés »
Autre argument étonnant : « Si l’objectif de Florian M. était exclusivement d’empêcher le conducteur de la Mercedes de redémarrer, il lui était possible de tirer sur le capot ou sur les pneus du véhicule », écrit Virginie Deneux, procureure adjointe de Nanterre. « On nous ressort l’histoire des pneus », s’agace un des 2 450 policiers mobilisés mercredi dernier à l’appel du syndicat Alliance. En effet, cette technique est totalement prohibée au sein de la police. D’abord parce que de plus en plus de voitures sont équipées de pneus « run flat » qui permettent, en cas de crevaison, de continuer de rouler des dizaines de kilomètres. Surtout parce qu’il existe un risque de ricochet, voire de dommages collatéraux.
Un procès déjà joué ?
Les avocats des deux parties ont désormais un mois pour formuler des observations, avant que les deux juges d’instruction ne prennent la décision de suivre ou non ces réquisitions. « Depuis le départ, les dés sont pipés. Par la violence de la vidéo puis par le positionnement politique de certains. Mais j’espère que les juges prendront ce dossier avec responsabilité et indépendance », veut croire Me Liénard. Après la première nuit d’émeutes, Emmanuel Macron avait en effet qualifié l’intervention de la police d’« inexcusable » et d’« inexplicable »… Ceci expliquant peut-être cela ?
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