
Allons, si vous pouvez vous en plaindre, c’est qu’il n’y a pas de problème ! Dans son essai Liberté d’inexpression (L’Artilleur, 2019), Anne-Sophie Chazaud réfutait d’emblée cette objection : « De Charybde en fatwas, c’est toute la sphère possible des modes d’expression les plus variés qui s’est trouvée frappée d’interdits, de pressions et d’inquisitions aussi loufoques que tragiques dans un vaste mouvement de censure polymorphe qui s’est précipité et aggloméré en quelques années. » Y figure en bonne place la « cage aux phobes », trouvaille de Philippe Muray il y a un quart de siècle : nous n’en sommes pas à la psychiatrie punitive de l’URSS, mais le suffixe -phobe a proliféré depuis et rôde toujours, prêt à apposer son sceau d’infamie.
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L’accusation de « transphobie » clôt tout débat sur la question trans, régi par la terreur et la censure, comme l’a montré l’accueil réservé au livre-enquête Transmania. Derrière « l’islamophobie », concept complaisamment avalisé par une partie des médias et des politiques, le délit de blasphème ressurgit… et pour les terroristes, il a un prix, celui du sang. Le -phobe a un cousin, -sceptique, plus sournois mais tout aussi « problématique » : Philippe Verdier a été licencié de France Télévisions en 2015, pour un livre jugé « climatosceptique ». Chaque crise a ses « folies » : au covid a succédé la guerre en Ukraine, dans laquelle toute mise en perspective du soutien légitime à un pays agressé était forcément formulée par un « suppôt de Poutine »… Ce dernier étant lui-même fou, bien entendu.
Les traqueurs de phobies deviennent vite accusés à leur tour
La psychiatrisation est partout, des politiques – Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron – au peuple lui-même : un dirigeant de La République en Marche avait accusé « 15 % du corps électoral » d’être atteint de « désordres mentaux ». Patrick Cohen avait reproché à Frédéric Taddeï de donner la parole à des « cerveaux malades » dans ses émissions. Nombre de médias se présentent comme un remède. La justice n’est pas en reste, et les lois contre « la haine » menacent les critiques (phobiques) de la politique d’immigration, ou légitiment simplement l’intimidation péremptoire : « Ce n’est pas une opinion, mais un délit. »
Les révolutionnaires finissaient par monter sur l’échafaud à leur tour, et les valeureux réfugiés politiques s’écharpent sur le réseau Blue Sky, le « safe space » rêvé loin des griffes d’Elon Musk : les traqueurs de phobies deviennent vite accusés à leur tour. Miser sur l’effondrement de la police de la pensée paraît tout de même imprudent : les adeptes du « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » ont le sens des priorités et il faudrait être… fou pour ne pas voir le danger.
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