Mars, le Dieu de la guerre, avait 24 heures d’avance. Il a tonné le 28 février à la Maison-Blanche, balayant les espoirs de paix en Ukraine. Deux mots grommelés dans sa barbe par Volodymyr Zelensky à l’intention du vice-président J.D Vance : « Súka blyat ! » En russe, sa langue maternelle qu’il prétend ne plus parler. En V.F. : « Fils de pute ! » Ou « Fuck ! ». Une insulte ou un juron mais pas un langage diplomatique. Très déplacé dans le Bureau ovale. L’endroit est sacré, un tabernacle dans le temple du pouvoir US. La vitrine où le président américain exhibe ses invités. La règle implicite, c’est qu’ils le flattent et qu’il plaisante. Macron et Starmer y ont rivalisé de flagornerie pour rentrer en grâce. Ils ont obtenu que Zelinsky soit convié et puisse plaider sa cause. Il est venu et cela s’est terminé en sacrifice humain.
Le président ukrainien est arrivé dans son costume de scène. Il n’avait pas pensé à mettre une veste en gage de bonne volonté. Les Américains l’ont moqué, il n’a pas ri. Il peinait aussi à garder les yeux ouverts. Le décalage horaire, le stress, trop de chimie ingurgitée ? Il est éreinté et commet deux erreurs fatales.
La première, c’est de parler anglais. Un traducteur lui aurait permis de réfléchir et d’aller au bout de ses phrases. On n’interrompt pas un étranger qu’on ne comprend pas. Surtout, il tient un discours beaucoup trop carré pour le Bureau ovale. On ne négocie pas en public. Le spectacle live offert aux médias américains, c’est comme le grand lever du roi à Versailles. De la com. Alors que la diplomatie a besoin du secret.
Dans la réalité, il ne passe rien pendant 40 minutes. Les hommes se flairent
Le 28 février, les caméras tournent et le monde sidéré assiste à la scène de ménage. Il faut la scruter en détail pour en comprendre les ressorts. La télé n’a pas cette patience. Elle ne retient que les portes qui claquent. Ne montre que la volée finale d’un match en cinq sets. Elle monte en une minute le désastre diplomatique ukrainien qui tourne en boucle. Volodymyr Zelensky est tancé par Donald Trump et J.D. Vance sans réussir à s’en faire entendre. On dirait un guet-apens.
Dans la réalité, il ne se passe rien pendant 40 minutes. Les hommes se flairent. Donald Trump complimente son hôte. Se vante d’être un homme de paix. Du deal sur l’exploitation du sous-sol qu’ils s’apprêtent à signer. Il reste impassible quand Volodymyr Zelensky traite Vladimir Poutine de « tueur » et réclame des garanties de sécurité comme un dû. L’Américain divague sur la troisième guerre mondiale qu’il faut éviter. L’Ukrainien insiste en rappelant que les Russes ont violé à 25 reprises le cessez-le-feu qu’ils avaient signé en 2014. Argumente comme s’il parlait à des ignorants. Prend sur lui, fronce les sourcils, secoue la tête en signe de dénégation. La tension monte. Il croise les bras. Coupe la parole à Trump. Affirme que Poutine devra payer la reconstruction, qu’il veut annexer la Pologne.
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À 41’15’’, le Donald s’échauffe : il parle de la haine qui anime son interlocuteur. C’est le signal qu’attendait J.D. Vance qui accuse l’Ukrainien d’avoir été irrespectueux. L’autre lui répond : un jour, les Russes menaceront l’Amérique elle-même. La phrase de trop. La bagarre peut commencer.
Elle dure dix minutes, avant que Zelensky soit raccompagné au perron par une employée. Le monde est stupéfait. L’Europe s’indigne et s’agite. Son impuissance rappelle la SDN. Le Kremlin se tait, signe d’euphorie. Volodymyr Zelensky est out. Prochain épisode, la rencontre entre Poutine et Trump en Arabie saoudite. D’ici là, le bain de sang peut continuer.
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