
« Vous m’appelez pour l’homme qui a mis un “quatriplé”, comme disait Carmelo Micciche ? » Au bout du téléphone, Philippe Hinschberger se marre à l’évocation des formules à l’emporte-pièce de son ancien coéquipier au FC Metz dans les années 1980. Lui qui attend sereinement un nouveau poste d’entraîneur après la liquidation des Chamois Niortais l’été dernier se souvient très bien de Serhou Guirassy, l’homme qui a mis un « quadruplé », donc, avec son équipe du Borussia Dortmund (6-0 face à l’Union Berlin le 22 février). C’était à Laval, en Ligue 2, il y a plus de onze ans. « Il jouait avec l’équipe réserve et venait parfois s’entraîner avec nous. Je l’avais lancé à l’automne 2013 (face au Havre, NDLR), puis sur d’autres matchs. Un bon gamin du centre de formation, un attaquant puissant, attiré par les trente derniers mètres, pas le genre à avaler les kilomètres. Pour moi, il n’était clairement pas destiné à aller aussi haut. »
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Et quand on dit haut, c’est désormais très haut, sans même parler de son 1,87 mètre : par la grâce de dix réalisations, le natif d’Arles est actuellement le meilleur buteur de la Ligue des champions devant les superstars du foot européen, les Lewandowski, Raphinha, Kane, Haaland et autre Mbappé. « Son art du déplacement dans la surface de réparation est assez impressionnant », poursuit Hinschberger. Lothar Matthaüs ne s’y était pas trompé à l’été 2023, quand la légende allemande avait conseillé au Bayern Munich de recruter l’international guinéen plutôt qu’Harry Kane, s’attirant des moqueries qui ont fort mal vieilli.
Admettons que le joueur de (bientôt) 29 ans y ait un peu mis du sien, avec une carrière qu’on qualifiera d’atypique. Laval, donc, puis Lille en 2015, où il ne joue que neuf matchs pour un petit but, Auxerre, Cologne pour trois saisons et moins de cinquante matchs… Dans l’impasse, le « gros nounours qui avait peur des remontrances de sa maman au moindre écart de conduite » (Hinschberger) va se relancer à Amiens. « C’est un garçon qui a une très belle éducation, des valeurs, souligne Bernard Joannin, l’emblématique président du club picard. À l’été 2020, on l’avait transféré à Rennes. Il était venu me dire : “Président, je veux absolument jouer avant de partir.” C’était un jeudi, on jouait le surlendemain contre Nancy. Combien auraient fait les chochottes, avancé la peur de se blesser… Il a fait un super match et mis le but de la victoire (1-0). À l’époque, je le voyais performer dans un très bon club, mais au plus haut niveau européen, c’était complexe à imaginer. C’est le résultat du travail et du talent, j’en suis très heureux pour lui. »
Guirassy est un attaquant exceptionnel
Nico Kovac, son entraîneur
Après Rennes, Guirassy découvre l’Allemagne, à Stuttgart, en 2022. La révélation d’un championnat sans doute taillé pour ses qualités. Un an plus tard, il démarre la saison en inscrivant dix buts en… cinq rencontres. Recruté l’été dernier par Dortmund pour 18 millions d’euros, il en vaudrait aujourd’hui deux à trois fois plus. « C’est un attaquant exceptionnel », assure son entraîneur Niko Kovac. « Lille ? J’étais trop jeune, trop impatient. Mais j’y ai appris les vices du foot professionnel, où personne ne se fait de cadeau », confiait Guirassy l’été dernier au « Club des 5 ». Mardi, en huitièmes de finale aller de la Ligue des champions (21 h, sur Canal+), son ancien club pourrait le vérifier à ses dépens.
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