
« Chaque fois que j’exécute une figure acrobatique, j’ai peur mais cela me transcende. Et comme j’ai évalué les risques, il n’y a aucune raison que je tombe. » Lilou Ruel n’est pas une tête brûlée, c’est une « traceuse ». À 21 ans, la Toulousaine est déjà double championne du monde de parkour, cette discipline qui consiste à évoluer dans un univers urbain jalonné d’obstacles avec rapidité et fluidité. Elle était aussi l’un des neuf porteurs de la flamme olympique, masqués et costumés façon Assassin’s Creed, qui déambulaient sur les toits de la capitale lors de la cérémonie d’ouverture des JO. « J’étais la seule femme du groupe, raconte-t-elle. Avec le masque et la capuche, j’avais l’impression de voir à travers une passoire et je devais réaliser certaines figures à l’aveugle. Je n’apparais que quinze secondes dans le premier tableau sur l’île Saint-Louis, mais c’est un moment gravé à tout jamais dans ma mémoire. »
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Le 3 mai 2022, elle avait franchi un palier en devenant la première femme à réussir le Manpower à Évry, un saut vertigineux de 4,50 mètres entre deux bâtiments, à 16 mètres au-dessus du sol. Un « spot » depuis la fin des années 1980. C’est là, au milieu des barres d’immeubles de cette ville d’Essonne, qu’une bande d’adolescents crée le parkour. Cet art du déplacement urbain prend de l’ampleur en 2001 avec le film Yamakasi* d’Ariel Zeitoun, qui retrace l’histoire de ces mômes qui bravent le danger en bondissant sur les toits, les rampes d’escaliers avec une agilité affolante. Aujourd’hui, la discipline poursuit sa croissance.
« Il y a un appel du pied du CIO pour que le parkour intègre le programme olympique et c’est un sacré challenge », m’explique Charles Perrière, l’un des neuf fondateurs du mouvement Yamakasi et président de la commission parkour à la Fédération internationale de gymnastique. « Mais pour que l’on entre et qu’on y reste, il faut que les fondations soient solides, que notre discipline se structure. L’expérience olympique mitigée du breakdance à Paris doit nous servir de leçon. »
En 2001, le film « Yamakasi » a révélé ces acrobaties au grand public
Depuis 2020, une Coupe du monde et un championnat du monde rassemblent les meilleurs « traceurs » dans deux disciplines. Le « speed run », une déambulation chronométrée comme cela se fait en BMX, et le « freestyle » qui se déroule sous forme de duels à l’image du breakdance. « Une cinquantaine de pays sont déjà engagés sur le circuit, et les États-Unis sont en train de rallier le mouvement, ajoute Charles Perrière. La décision finale sera aussi politique, mais on a notre place aux Jeux. » Dès Los Angeles 2028 ? Il reste une petite chance, mais plus probablement à Brisbane en 2032.
En France, le nombre d’adeptes a doublé en quatre ans avec près de 7 000 pratiquants sur les 343 000 licenciés que compte la Fédération française de gymnastique. Et pour accueillir, dès l’âge de 10 ans, une jeunesse en quête de sensations fortes, 247 clubs sont déjà équipés d’espaces dédiés et sécurisés. En attendant de vivre les JO pour de bon, Lilou Ruel enchaîne les formations pour devenir cascadeuse. Prochain objectif : décrocher un rôle de James Bond Girl, « Mon rêve ! », et devenir la Belmondo au féminin.
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*Yamakasi : « esprit fort, homme fort, corps fort » en lingala, langue très répandue dans les deux Congo.
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