
Non seulement la prison est une réponse sociale inefficace, mais elle est aussi au-dessus de nos capacités financières. Il faut, en conséquence, trouver d’urgence une alternative à cette réponse pénale périmée. Les Français aspirent à plus de sécurité. Qui pourrait leur reprocher d’exiger de l’État qu’il leur procure ce bien qui conditionne la jouissance de tous les autres ? Reste à déterminer les moyens à mettre en œuvre pour satisfaire cette légitime demande. Si la première mission incombe aux forces de l’ordre, la justice a, elle aussi, un rôle important à tenir.
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Je ne crois guère à l’effet dissuasif de la peine. C’est un espoir d’honnête homme que le déshonneur effraie. Ceux qui franchissent la frontière de la légalité sont portés par une passion qui les aveugle ou bien persuadés qu’ils ne seront pas pris. Au fil du temps, les peines ont été significativement alourdies aussi bien dans la loi que dans les décisions judiciaires. Peut-on prétendre que cette sévérité a amélioré les choses ?
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« Le juge a une mission de sanction, mais il n’exerce pas un pouvoir de vengeance »
Les petites infractions, commises par des individus parfois très jeunes, exaspèrent ceux qui en sont les victimes directes ou indirectes. Comment ne pas le comprendre ? Ce type de délinquance donne rarement lieu à des emprisonnements. Certains s’en plaignent, rêvent d’effacer l’excuse de minorité et souhaitent qu’on envoie ces jeunes marginaux derrière les barreaux. Je ne partage pas cette revendication, moins portée par la raison que dictée par la colère. Le juge a une mission de sanction, mais il n’exerce pas un pouvoir de vengeance.
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La prison a plusieurs fonctions : elle est d’abord une punition, une pénitence supposée : conduire le condamné à la conscience de sa faute. Ce cheminement d’inspiration chrétienne, qui part de la faute pour aboutir à l’amour du bien par l’effet salvateur du repentir, me paraît désormais marqué par la désuétude. La prison, même pour une courte durée, donne au jeune marginal ses galons de délinquant à part entière. Il réintégrera la cité auréolé du prestige du voyou consacré par la décision judiciaire.
Un autre effet est à redouter : la rencontre d’individus plus enracinés que lui dans le crime qui lui auront donné le goût et les recettes pour devenir plus asocial qu’il ne l’était avant de subir sa peine. Sans compter que la prison coûte cher, très cher, aussi bien à construire qu’à faire fonctionner. On estime la journée de prison à plus de 100 euros par détenu et ils sont environ 80 000… soit 3 milliards d’euros par an en chiffres ronds.
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Il est faux de dire que les juges n’assument pas leur mission, absurde de les accuser de ne pas prévoir ce que pourraient faire ceux qu’ils libèrent, injuste de les prétendre laxistes et inefficaces. En revanche, de vraies questions se posent : leur donne-t-on les moyens légaux d’apporter des réponses utiles ? L’arsenal pénal est-il adapté à ce qu’est devenu notre monde ? Pour que la décision de justice soit efficace, il faut qu’elle soit rapide et qu’elle permette d’espérer une réelle réinsertion des petits délinquants.
« Je ne doute pas que nos militaires répondent présents à la demande de la Nation »
Les jeunes délinquants, mineurs ou jeunes majeurs, sont pour la plupart dépourvus d’éducation, de morale et d’espoir. Faisons-les encadrer par une structure sérieuse, solide, sans complaisance pour l’illégalité et amoureuse du devoir : l’armée. Donnons-leur les leçons dont les hasards de la vie les a privés. Le coût d’un tel système sera faible. Nous disposons de nombreuses casernes dont on ne sait que faire. Il faudra peut-être les aménager, mais la haute sécurité, si onéreuse, sera inutile, car on y logera des gamins égarés et non des criminels dangereux. Quant à l’encadrement – fondamental pour que le système réussisse – je ne doute pas que nos militaires répondent présents à la demande de la Nation. Est-il déraisonnable de penser qu’à force de dire « Mes respects, mon Colonel », ils trouveront naturel de saluer celles qu’ils croiseront d’un « Bonjour, Madame » ?
Reste le cas – bien différent – des grands criminels qu’il faut écarter de la société pour s’assurer qu’ils n’y feront pas de nouvelles victimes. Les peines, même longues, ont une fin et l’on est bien obligé de relâcher les terroristes, les violeurs et les assassins. Opter pour moins de prison et plus d’éloignement constitue une réponse rationnelle à la crainte légitime que suscitent ces libérations inévitables. Il nous reste suffisamment de terres insulaires et lointaines pour les y installer avec interdiction d’en sortir, sous réserve d’un avis psychologique et d’une décision judiciaire susceptible de mettre fin à la mesure.
Qu’on ne me dise pas que je veux restaurer le bagne ! Ce placement contraint au bout du monde – qui mérite une étude détaillée – devra être humainement admissible, matériellement convenable et placé sous la surveillance vigilante des contrôleurs des lieux de détention. Ne fantasmons pas sur les bienfaits illusoires de prisons que nous n’avons pas les moyens de nous offrir. Éduquons les uns et éloignons les autres. Ne cherchons plus en vain un financement que nous ne trouverons pas. Un peu d’imagination et d’audace législatives pourrait redonner à la justice une efficacité dont notre société tout entière se féliciterait.
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