L’essentiel
- Dans la foulée de l’interpellation de Mohamed Amra il y a dix jours en Roumanie, de nombreuses interpellations ont eu lieu dans l’entourage plus ou moins proche du fugitif.
- Dix-huit personnes, en plus de Mohamed Amra, sont mises en examen dans cette affaire. Huit personnes sont toujours en garde à vue.
- Une partie des suspects appartiennent à la Black Manjak Family.
Peu à peu, les pièces du puzzle s’assemblent. Dix jours après l’arrestation de Mohamed Amra en Roumanie, les enquêteurs s’attachent à retracer le parcours du fugitif et à mettre en lumière les complicités dont il a pu bénéficier tout au long de ses 284 jours de cavale. Lundi, huit personnes ont été interpellées, en Ile-de-France, dans la région de Rouen, d’où est originaire ce délinquant chevronné, et autour de Dreux. Un coup de filet qui pourrait venir gonfler les rangs des suspects : dix-huit personnes soupçonnées d’avoir aidé, à divers degrés, Mohamed Amra, ont été mises en examen. Deux personnes, dont le rôle semble central, devraient également être extradées d’Espagne et du Maroc dans les prochaines semaines.
La majorité des personnes interpellées étaient dans le viseur des enquêteurs de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLO) depuis de longues semaines et faisaient l’objet d’une surveillance accrue. « Nous avons jugé nécessaire d’attendre de mettre la main sur Mohamed Amra pour procéder aux interpellations, mais certains sont identifiés depuis le début ou presque », souffle une source proche de l’enquête. Mais localiser ce criminel de haut vol ne fut pas une mince affaire. Sa trace se perd quelques heures après le guet-apens qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, à la barrière de péage d’Incarville, le 14 mai 2024.
Une cavale qui se dessine
Si les enquêteurs ont désormais la certitude qu’il a passé « une bonne partie » de sa cavale à Compiègne, dans l’Oise, ils peinent encore à reconstituer les premiers jours de son évasion. « Nous ne savons pas encore très bien où il se trouvait au début », poursuit cette source. En revanche, il est désormais acquis qu’après s’être caché à Compiègne, il a rejoint la région rouennaise, d’où il est originaire. C’est de là qu’il est parti début février vers la Roumanie à bord d’une voiture louée, traversant l’Allemagne, l’Autriche, la Slovaquie et enfin la Hongrie. Selon nos informations, les deux personnes qui se trouvaient avec lui à bord du véhicule – un Français et un Albanais – sont toujours activement recherchées.
Toutefois, coup de filet après coup de filet, les contours de la galaxie Amra se dessinent. A commencer par le commando du guet-apens mortel. Sur les images de vidéosurveillance du péage, cinq silhouettes apparaissent. Les enquêteurs ont la conviction que parmi les suspects figure Fernando D., un trentenaire reconnaissable à sa démarche particulière. Il a été interpellé en Espagne peu après Mohamed Amra. Il pourrait être l’un des tireurs – voire le tireur – à l’origine de la mort des deux agents. Alan G., arrêté au même moment au Maroc, figure également parmi les suspects de premier plan. Lors d’une perquisition au domicile de ses parents, les enquêteurs ont découvert un sac-poubelle contenant des vêtements, chaussures et une cagoule similaires à ceux utilisés sur l’attaque. Surtout, le pantalon porte des traces de sang, en cours d’analyse. Tous deux devraient rapidement être extradés.
Un membre du commando décédé, un autre en fuite
Un troisième assaillant serait décédé en novembre dernier dans un accident de la route. Mais selon nos informations, tous les membres du commando n’ont pas été interpellés : au moins l’un d’eux serait en fuite à l’étranger. En revanche, deux hommes soupçonnés d’avoir fait le guet dans un bar, devant le tribunal judiciaire de Rouen où était auditionné Mohamed Amra le jour de son évasion, ont été mis en examen et écroués. Identifiés grâce aux images de surveillance, ils sont soupçonnés d’avoir alerté le commando en voyant partir le convoi pénitentiaire.
Parmi les personnes interpellées, beaucoup sont soupçonnées d’avoir pris part à la logistique, tant lors de l’évasion qu’au cours des neuf mois de cavale : location de véhicules ou de planques, achat de matériel, notamment d’outils, à l’instar de la meuleuse retrouvée dans un des véhicules ayant servi lors du guet-apens. Leur degré d’implication est toutefois extrêmement divers. Certains semblent avoir joué un rôle de premier plan, en contact direct avec Amra. Pour d’autres, le lien est plus ténu, et il s’agira de déterminer s’ils savaient qu’ils participaient à une entreprise criminelle.
Black Manjak Family
Une partie des suspects a été identifiée au fil de l’enquête dite « d’environnement » : les différents cercles de Mohamed Amra – familial, amical et criminel – ont été passés au peigne fin pour tenter d’établir des connexions. Plusieurs mis en cause sont liés à une organisation criminelle normande spécialisée dans le trafic de stupéfiants : la black manjak family (BMF). Ce groupe a notamment des accointances avec le rappeur Koba LaD, sans que son nom ne ressorte à ce stade de l’enquête, a appris 20 Minutes, confirmant une information du Parisien.
Parmi les membres de la BMF, un nom ressort : Jean-Charles P. une figure du grand banditisme, actuellement en détention et soupçonné d’être l’un des « cerveaux » de l’opération. Il était déjà incarcéré lors de l’évasion d’Amra, mais les deux hommes auraient eu de nombreux échanges en détention. Les enquêteurs estiment qu’il a tenu une place prépondérante, en faisant notamment jouer son réseau au service d’Amra.