Jusqu’ici en retrait à l’égard du RN, en raison des déclarations polémiques de Jean-Marie Le Pen sur le « point de détail de l’Histoire », l’État hébreu revoit sa position. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, vient d’officialiser l’instauration de relations formelles avec trois partis de droite européens : Vox en Espagne, les Démocrates de Suède et le Rassemblement national en France.
Ce rapprochement s’est intensifié ces dernières semaines. Sa’ar, figure de la droite radicale israélienne, défend une décision réfléchie. « Nous examinons chaque parti au cas par cas. Nous vérifions leurs attitudes envers Israël. Nous analysons également leurs positions sur l’antisémitisme, le négationnisme de l’Holocauste », précise-t-il. « Certains partis ont des racines problématiques. Mais nous regardons leurs actes sur le terrain aujourd’hui. Dénoncent-ils ou excluent-ils ceux qui dans leur parti tiennent des propos antisémites ? »
Derrière Gideon Sa’ar, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou est à la manœuvre avec un objectif : renforcer ses liens avec l’extrême droite européenne. Comme Viktor Orbán, leader du Fidesz en Hongrie, ou Andrzej Duda, du parti nationaliste polonais Droit et justice (PiS) en Pologne, il mise sur ces alliances pour notamment asseoir son projet de colonisation au sein des instances européennes.
Le maire de Perpignan, Louis Aliot, apparaît comme un acteur central de ce rapprochement entre Israël et le RN, auquel il travaille depuis longtemps. Dans ce contexte, le 7 octobre 2023 a fait l’effet d’un accélérateur. « La géopolitique mondiale est en pleine recomposition, partout en Europe, détaille Aliot. Les défis liés à l’immigration, à l’islam radical, aux conflits au Moyen-Orient se posent de la même manière pour tous. Les partis politiques européens s’adaptent à cette nouvelle donne. » Pour Jean-Yves Camus, politologue et codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques, « côté israélien, on considère qu’on ne peut pas faire porter à Marine Le Pen les préjugés de son père, même si un flou persiste quant à la position réelle du parti, notamment vis-à-vis de la communauté juive de France », explique-t-il au JDD.
Louis Aliot travaille depuis longtemps à ce rapprochement
Jusqu’ici, les grandes organisations juives françaises entretiennent peu, voire pas de relations avec les élus du RN, à quelques rares exceptions. « Les relations entre Robert Ménard (proche mais non adhérent du RN) et la petite communauté juive de Béziers existent, tout comme entre Louis Aliot et la communauté juive de Perpignan », précise Jean-Yves Camus. Pour autant, Louis Aliot affirme que les lignes bougent : « Certaines organisations juives, à l’échelle européenne aussi, bâtissent des ponts et nouent des relations avec nous en dehors du réseau du Crif », assure-t-il, sans toutefois préciser lesquelles.
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Marine Le Pen n’a jamais tenu de propos ouvertement hostiles à Israël. « Mais il reste des points sur lesquels le RN doit apporter des clarifications définitives s’il arrive au pouvoir, notamment sur l’abattage rituel et le port de signes religieux dans l’espace public », précise Jean-Yves Camus. Quant à Gideon Sa’ar, il semble ne pas se préoccuper des publications, peu empreintes de philosémitisme en France, émanant de certains élus ou militants du RN, parfois sanctionnés a posteriori. « Ce qu’Israël regarde, ce sont les votes à l’Assemblée nationale, au Sénat ou dans un conseil départemental, décrypte Camus, ce sont les élus qui comptent. »
Pour les adversaires du RN, ce rapprochement passe mal. À l’image de la récente rencontre entre le président du RN Jordan Bardella et le ministre israélien de la Diaspora Amichai Chikli, qui a suscité les critiques de Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, jugeant que cette initiative pourrait nuire à l’image de la France à l’international. Au-delà de la polémique, un changement de paradigme est à l’œuvre. Un revirement qui s’explique d’une part par la posture ferme adoptée par Emmanuel Macron face à Israël dans son affrontement avec le Hamas et le Hezbollah, au point de bousculer les repères traditionnels de la diplomatie israélienne, et d’autre part par la perspective envisageable d’une victoire du RN en 2027.
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