Cette sordide histoire commence comme très souvent sur les réseaux sociaux en 2020. Caché derrière son ordinateur, Rohan R., étudiant d’une très grande école de commerce de la région d’Antibes, passe le temps sur la plateforme de chat internationale Discord. Venu d’Inde pour ses études, le jeune homme s’ennuie alors que le confinement lié à l’épidémie de Covid-19 vient de mettre le pays à l’arrêt. « Il va se retrouver à ce moment-là complètement siphonné par ces chats et cette vie virtuelle. Cela va devenir très vite son nouveau cercle de sociabilité », raconte une de ses avocats Irina Kratz.
Rohan R. décide de créer un forum de discussion baptisé CVLT où il réunit des adeptes du fascisme, du nazisme et des théories du complot. « Un endroit où il vient clamer sa haine du juif et du musulman », d’après une autre source proche du dossier. Ce forum finit par rassembler près de 150 personnes que les enquêteurs peinent encore aujourd’hui à identifier. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Discord et ses outils de discussions multiples permettent au jeune homme alors âgé de 23 ans de discuter avec des filles de toutes nationalités. Il cible des profils précis comme il le dira en garde à vue : des juives, des musulmanes, des Mexicaines et des féministes dénonçant Hitler ou Mussolini. Ces filles sont toutes mineures et psychologiquement fragiles. Rohan R. le sait et c’est ce qu’il souhaite pour accomplir son plan machiavélique. Trouver la faille pour mieux manipuler sa proie.
Ce mode opératoire, l’étudiant en fait même un guide « How to get a girl ». Dans ces lignes, il explique comment les soumettre : « Apprends à connaître la fille et trouve une faille dans sa vie. Cela peut être des problèmes avec son père, des complexes physiques. Exploite cette faille pour la maltraiter ». Dès lors la machine s’emballe et Rohan R. approche de nombreuses mineures sans jamais être inquiété dans un premier temps. « Le passage à l’acte est une combinaison de plusieurs phénomènes : pas de modération sur ces sites, pas de sanctions non plus ni de filtres pour les mineurs qui accèdent en quelques clics à des contenus super violents. Derrière son écran, les barrières morales tombent et Rohan comme d’autres jeunes hommes, rentrent dans une surenchère de provocations, de contenus extrêmes et de comportements cruels et violents pour atteindre le paroxysme que l’on connaît », explique son avocate.
« Mon but est de créer une réserve inépuisable d’esclaves pour satisfaire mon sadisme »
Ce paroxysme, c’est d’abord un jeu de séduction avec ces filles choisies avec soin. Rohan R. parvient à les convaincre de lui envoyer des photos d’elles dénudées. Le piège se referme ainsi. Une fois en possession des clichés, le jeune homme se livre à un véritable chantage : il menace ses victimes de révéler les images si elles n’exécutent pas ses ordres. Ces derniers sont alors d’une absolue perversité : il a demandé à des jeunes filles de s’automutiler. « Certaines se sont retrouvées à pratiquer ces actes infâmes en direct sur le forum Discord devant Rohan et d’autres membres. Une jeune fille de confession juive s’est même dessinée des croix gammées sur le corps au cutter », révèle une source proche du dossier. D’autres victimes ont dû avaler de la javel ou encore mimer des actes sexuels avec des couteaux. L’une d’elles affirme encore avoir été poussée au suicide. L’humiliation à l’état pur.
Au total, au moins 12 mineures qui habitent pour la plupart aux États-Unis ont été victimes de ces actes odieux. Des membres du groupe ayant participé aux agissements de Rohan R. sont poursuivis par la justice américaine. C’est d’ailleurs le FBI qui a mis fin aux actes criminels du jeune homme qui est considéré comme le « donneur d’ordre » dans ce dossier. La France ouvre dans la foulée une enquête judiciaire et le place en détention provisoire en avril 2021. En fouillant son ordinateur, les enquêteurs découvrent des vidéos édifiantes et ce message, tel un aveu : « Mon but est de créer une réserve inépuisable d’esclaves pour satisfaire mon sadisme ».
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« Ce masculinisme est la lame de fond de ce dossier »
Rohan R. n’a eu aucun mal à reconnaître les faits au cours de ses auditions. Devant les enquêteurs français, il se décrit même comme « un psychopathe dénué de toute émotion ». Son histoire, c’est celle d’un homme plongé dans un monde virtuel, sans barrière où l’ultra violence est le langage principal. Les jeunes filles n’y sont que des proies haïes par des hommes. « Ce masculinisme est la lame de fond de ce dossier et ressort très clairement de ses interrogatoires », révèle une source proche du dossier. « Rohan R. ne va pas le renier pendant le procès, il a beaucoup de recul sur ce qu’il est », confirme son avocate Maître Kratz. Lundi, s’ouvrira ce procès inédit en France. Quatre jours d’audience devant la cour criminelle et 20 ans de réclusion criminelle comme peine maximum possible. Sauf si le président de la cour décide ce 3 mars de renvoyer cette affaire aux Assises, où Rohan R. risquerait cette fois la perpétuité.
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