
Malgré la pluie lilloise, quelque cinq cents personnes se sont mobilisées pour écouter le Vendéen dans la Halle aux sucres, ancien bâtiment portuaire en briques rouges, construit en 1847 au cœur du Vieux-Lille. Le président de la Fédération LR du Nord Antoine Sillani est d’humeur joyeuse : « Il y a deux choses qui motivent dans le Nord, le LOSC et Bruno Retailleau. » Sur l’air d’À nos actes manqués de Jean-Jacques Goldman, le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, qui a déjà apporté son soutien au candidat Retailleau, fait son entrée. Les derniers arrivés peinent à trouver une place assise, ce qui n’est pas pour déplaire au président de la région qui fanfaronne : « J’ai rarement vu la Halle aux sucres aussi remplie. On est au-delà de la capacité, il ne faut pas le dire à Martine Aubry. »
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« Homme de travail », « constance », « cohérence », « rassembleur », les discours des élus, dont le sénateur du Nord Marc-Philippe Daubresse, se succèdent à la tribune, dressant le panégyrique de leur sauveur, après des années sous les radars, laissant le peuple de droite dispersé façon puzzle entre le camp macroniste, celui du RN et un parti déclinant jusqu’à son retour aux affaires, en septembre dernier. Retailleau n’en est-il pas la révélation, à un ministère qui permet à la droite de redonner de la voix ? Quant aux critiques émises par Laurent Wauquiez sur l’incompatibilité entre Beauvau et la présidence du parti, Xavier Bertrand se charge de les balayer. « Bruno Retailleau saura cumuler ses activités de ministre et de candidat. Il y a un sacré précédent quand même. Nicolas Sarkozy l’a fait, Bruno saura le faire. »
Puis, c’est au tour de Bruno Retailleau de discourir, une heure durant, sans notes, sur l’air du « rassemblement ». Le ministre inscrit sa candidature dans l’élan retrouvé de la droite, celle des victoires d’Élisabeth de Maistre à Boulogne et de Kristell Niasme face à Louis Boyard à Villeneuve-Saint-Georges. Le ministre appuie sur le régalien, thème fédérateur de son électorat : immigration, tensions avec l’Algérie, État de droit… Sur les valeurs aussi, la droite résiste contre les « folies pédagogistes et wokistes à l’école ». Les applaudissements ponctuent les punchlines, les « Bruno président » fusent. Après La Marseillaise, Bruno Retailleau reprend le micro et enjoint les militants à adhérer ou réadhérer : « Faites des adhésions matin, midi et soir. » Dans un parti qui revendique 43 000 adhérents, le recrutement de nouveaux convertis peut facilement faire basculer la victoire d’un côté comme de l’autre.
À l’entrée de la salle, un stand adhésion et parrainage a été dressé pour l’occasion. Samuel, un ingénieur de la région lilloise qui se dit « proche des idées de Xavier Bertrand » vient de remplir le feuillet d’adhésion. « Cela faisait quatre ans que je n’adhérais plus, la vague trop droitière m’a fait peur mais son discours sur l’idée de rassembler toutes les droites m’a convaincu », confie-t-il. Clémence, la vingtaine, a elle aussi décidé de reprendre sa carte. « On aurait davantage dit un discours pour la présidentielle qu’un discours pour la présidence d’un parti mais j’adore le personnage » s’enthousiasme-t-elle. Les jeunes LR qui tiennent le stand attestent d’un « effet Retailleau » : « Il se passe un truc de fou avec sa candidature. Dans nos opérations de phoning, quasiment tous répondent qu’ils vont voter pour lui. Des militants UDR (le mouvement d’Éric Ciotti, NDLR) reviennent même au bercail grâce à lui. »
Les jeux sont pourtant encore loin d’être faits
Il n’y avait toutefois pas que des militants LR en cette soirée d’hiver. Au-delà des soutiens, quelques curieux sont venus passer une tête au meeting. Patrick, 64 ans, originaire de Tourcoing est un adhérent Reconquête. « Je suis là pour me renseigner, Bruno Retailleau m’inspire confiance, raconte-t-il. Éric Zemmour est trop clivant, je n’aime pas le programme économique du RN et de toute façon Jordan Bardella est trop jeune. » Il l’assure, dans un duel Marine Le Pen-Bruno Retailleau, il choisirait le second, qu’il trouve « malin ». Parmi les nombreux jeunes présents, Hugo, 20 ans, membre de l’organisation étudiante UNI (Union nationale interuniversitaire) confie être adhérent au RN. « Le ministre qui vient ici c’est un événement, c’est pour ça que je suis là. Il incarne un changement sans pour autant réussir à l’appliquer, explique-t-il. Je regarde, je m’intéresse mais les LR, ajoute-t-il un brin sceptique, ont déjà été au pouvoir, on voit ce que ça a donné. Je voterai quoi qu’il arrive pour Marine Le Pen. » La palette est large parmi l’assemblée : Frédéric, professeur des écoles à Boulogne-sur-Mer et ancien adhérent au Parti socialiste, avoue ne plus se reconnaître dans ce qu’est « devenue la gauche », et sort de la salle emballé après le « super discours » de Retailleau. Et Laurent Wauquiez qui a suspendu sa campagne après l’attentat de Mulhouse ? « Je pense qu’il a compris qu’il n’avait aucune chance », estime Frédéric.
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Les jeux sont pourtant encore loin d’être faits. Selon un sondage Ifop pour Valeurs actuelles, 26 % des partisans LR estiment que Bruno Retailleau est le leader de la droite française contre 27 % pour Laurent Wauquiez. Colomban, adhérent LR de 21 ans, affiche un soutien prudent au ministre de l’Intérieur. « Je penche pour Bruno Retailleau, il donne confiance mais je ne m’interdis rien, j’aime bien Laurent Wauquiez aussi. » Il reste désormais moins de trois mois à Bruno Retailleau pour gagner la confiance des adhérents, et ce, malgré un emploi du temps de ministre. Xavier Bertrand l’affirme, « Il est costaud le Vendéen… » Façon de dire que Bruno Retailleau n’est pas un candidat en sucre.
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