La visite du président ukrainien à la Maison-Blanche le 28 février dernier s’est soldée par un règlement de comptes digne d’O.K. Corral. Jamais Volodymyr Zelensky, porte-étendard de la résistance contre la Russie et « héros » du monde libre européen, n’avait été aussi humilié, réduit à sa place de dirigeant d’un pays trop petit face à « l’ogre » américain. L’acharnement de Donald Trump contre Zelensky est la preuve que le nouveau locataire de la Maison-Blanche est las de ce conflit et qu’il compte bien conclure un accord, que le président ukrainien le veuille ou non.
Trump négocie entre puissants, ce n’est pas nouveau. Il accorde peu d’intérêt aux dirigeants qui n’ont pas d’influence sur la géopolitique mondiale. Cela peut stratégiquement se comprendre. Rarement cependant, une telle violence verbale avait émané de Washington à l’encontre d’une Ukraine envahie par la Russie. Alors que Joe Biden et son administration n’avaient eu de cesse de soutenir Kiev, cette résistance n’était financièrement qu’un mirage, malgré un courage humain sans faille depuis 2022. Mais Trump n’a qu’une obsession : signer un cessez-le-feu avec la Russie pour renouer au plus vite les liens entre l’Occident et le pays de Poutine. Et dans ce « deal », Zelensky fait figure de poids plume, face à une Amérique boxeuse et une Russie déterminée. Trump aime les rings, cela s’est vu.
Les relations entre les deux hommes sont exécrables depuis longtemps. Trump nourrit une hostilité envers Zelensky, principalement pour des raisons politiques et personnelles. D’abord, l’affaire du quid pro quo en 2019, où Trump avait tenté de faire pression sur Zelensky pour enquêter sur Joe Biden, a conduit à sa première destitution – une humiliation qu’il n’a jamais digérée. Ensuite, Trump considère que l’Ukraine reçoit trop d’aide des États-Unis et critique Zelensky pour son insistance à en demander davantage. Son inclination pour Vladimir Poutine le pousse également à minimiser le rôle de l’Ukraine dans la politique internationale. Le 28 février, Trump a publiquement accusé Zelensky d’ingratitude, lui reprochant de ne même pas avoir remercié les États-Unis pour leur soutien depuis 2022. Enfin, Trump instrumentalise l’Ukraine dans le débat politique américain, utilisant l’aide à Kiev comme un levier pour attaquer l’administration Biden, qu’il exècre.
Ce qui s’est passé à la Maison-Blanche s’apparente à un assassinat politique en règle du président ukrainien. Zelensky espérait faire fléchir Trump une dernière fois sur les garanties de sécurité américaines dans l’après-guerre, mais tout était déjà joué d’avance. L’Ukraine perd beaucoup et Zelensky compte désormais les jours : “Soit vous signez un accord, soit nous partons », lui a asséné Trump dans le Bureau ovale, avant d’écourter l’entretien et d’annuler la conférence de presse conjointe. Et de surenchérir : “Vous ne faites pas preuve de reconnaissance. Vous avez dit merci pour tout ce que les États-Unis ont fait ? Non.” Des propos choquants ? Pas vraiment. Ils sont l’expression parfaite de la rhétorique trumpienne, où le bluff et l’arrogance priment.
Trump n’accorde aucune importance à l’Ukraine, ni même à l’Europe, car selon lui, elles lui coûtent plus cher qu’elles ne lui rapportent. Qu’importe si cela heurte les sensibilités du Vieux Continent : aux yeux de Trump, l’Europe est un fardeau, un frein au commerce mondial avec ses valeurs, ses idéaux et ses embargos. Comme dans bien des conflits, la loi du plus fort prévaut, et les dommages collatéraux sont inévitables. L’Ukraine en est un. Trump veut récupérer l’argent dépensé par Washington ces trois dernières années et compte bien faire payer la facture aux deux belligérants. L’accord sur les terres rares est un moindre mal pour Kiev, tant les incertitudes sur ses ressources sont grandes. Quant à la Russie, à l’origine du conflit, Trump a un objectif simple : reprendre les affaires avec le plus grand pays du monde, malgré sa démographie déclinante, et compenser les pertes engendrées par un conflit interminable.
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Trump veut régler ce dossier au plus vite pour se concentrer sur ses priorités réelles
Au moment de la visite de Zelensky, Trump avait sans doute déjà tout négocié avec Moscou : les termes du cessez-le-feu, la ligne de démarcation, le contrat sur les terres rares, le refus des garanties de sécurité américaines… et le départ du président ukrainien avec la convocation de nouvelles élections. Reste une question : quelle place Zelensky occupera-t-il dans l’histoire ? Tout dépendra du point de vue. Sera-t-il vu comme celui qui s’est laissé envahir, pour les partisans de Trump ? Comme le héros qui a tenu tête à Poutine, pour les Européens ? Comme un responsable de la destruction de l’Ukraine, pour les pro-Kremlin ? Ou enfin, comme celui qui laisse derrière lui un pays exsangue, pillé à la fois par la Russie et les États-Unis ?
De toute façon, Trump veut régler ce dossier au plus vite pour se concentrer sur ses priorités réelles. Selon lui, un rapprochement avec la Russie permettra de fragiliser la Chine et d’accélérer les négociations commerciales avec Pékin. Et Trump l’a confié en privé à plusieurs reprises : il est même prêt à lâcher Taïwan, cette île stratégique pour l’économie mondiale et les semi-conducteurs. Alors l’Ukraine…
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