
Comme dans un bon scénario, cette 50ᵉ cérémonie des César aura réservé son lot de rebondissements jusqu’à la remise de son prix le plus prestigieux, décerné à Emilia Pérez de Jacques Audiard, le grand vainqueur de la soirée avec sept statuettes, dont celles de la meilleure réalisation et de la meilleure musique originale (le duo Camille/Clément Ducol), récoltées au nez et à la barbe de ses principaux concurrents, les deux grands déçus de la soirée : Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte et L’Amour ouf de Gilles Lellouche. Seulement deux récompenses techniques (décors et costumes) pour le premier ; rien qu’une pour le second, remise à Alain Chabat dans la catégorie du meilleur second rôle.
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Et comme dans un bon film, la cérémonie aura évité les longueurs qu’on lui a si souvent – et à juste titre – reprochées par le passé. Un mot d’ordre : du dynamisme. Pas de discours interminables donc ; certains gagnants s’en sont d’ailleurs amusés pendant le leur, redoutant la petite musique « clouage de bec ».
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La soirée est passée vite. On aurait aimé voir davantage son principal animateur, Jean-Pascal Zadi. Son entrée en matière était réussie, avec notamment une vanne lors de son énumération des nominations d’Emilia Pérez, ajoutant un « meilleur tweet » en référence aux messages racistes ou islamophobes de son actrice principale, Karla Sofia Gascón, exhumés fin janvier. Mais le prix du meilleur comique de la soirée revient à Franck Dubosc. Son discours de lauréat du (faux) César pour ceux qui n’en ont jamais eu – une mini-statuette – fut le moment le plus drôle de la soirée.
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« Je pense à ma femme qui me regarde et qui aime me rappeler que ce n’est pas la taille qui compte », a-t-il lancé, faussement ému. Avant de remercier Jacques Audiard, qui ne l’a jamais engagé sur un de ses films, de dire à Julia Roberts (récompensée d’un César pour l’ensemble de sa carrière), « Je ne sais pas si vous avez l’honneur de me connaître », puis d’espérer un Grand Chelem sans Oscar ni prix d’interprétation à Cannes et de concourir pour « le mini-Ours d’or » à Berlin afin de compléter sa collection de mini-prix.
La cérémonie, dédiée à l’Ukraine – sa présidente Catherine Deneuve portait un badge aux couleurs de son drapeau – aura été sage, dénuée d’événements ou de prestations polémiques. Sans que cela ne vire au meeting politique, il y a eu des discours engagés : le cinéma est aussi là pour dénoncer la violence du monde. « Parfois, pour le changer, il suffit d’un film », dira Karin Viard avant de remettre un César d’honneur à Costa-Gavras. Sa naïveté circonstancielle prête à sourire.
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Le discours de l’élégant réalisateur de L’Aveu, 92 ans, oscillait entre un retour émouvant sur son parcours et sa découverte du cinéma, une reconnaissance à la « France accueillante » et une colère froide à propos de la récente agression par un groupe cagoulé d’extrême droite d’un militant de la CGT, lors d’une projection de son long-métrage Z dans les locaux d’une association d’immigrés turcs et kurdes.
Indirectement, et bien qu’amplement mérité, le César de la meilleure révélation masculine, décerné à Abou Sangaré pour son rôle de livreur sans papiers dans L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine, a également politisé la soirée. Régularisé au début de l’année, le mécanicien guinéen, déjà récompensé d’un prix d’interprétation à Cannes, a bouleversé l’Olympia lors de son discours, comme son personnage l’a fait dans les salles face à 586 000 spectateurs – un très beau score au regard du budget du drame social.
« J’ai traversé la Méditerranée, j’ai connu la misère, tout ce qu’est l’être humain, le bon comme le mauvais », a-t-il dit, très ému. Les trois autres statuettes remises à ce magnifique film, dont celle du meilleur scénario et du second rôle féminin à la talentueuse Nina Meurisse, font partie des surprises de cette soirée. Parmi les autres : le César du meilleur acteur attribué au formidable Karim Leklou pour Le Roman de Jim des frères Larrieu, celui de la meilleure actrice à Hafsia Herzi pour Borgo de Stéphane Demoustier, ou encore celui de Maïwène Barthèlemy, étudiante en BTS agricole, pour Vingt Dieux de Louise Courvoisier, lauréate du meilleur premier film.
Le faible nombre de prix remportés par Le Comte de Monte-Cristo et L’Amour ouf a surpris, ces derniers ayant dominé les nominations. Certains annonçaient cette cinquantième cérémonie comme celle où les gros succès au box-office seraient enfin récompensés, mais les résultats décevants des deux premiers (plus de neuf millions d’entrées pour l’un, cinq millions pour l’autre) et le retour les poches vides de Un p’tit truc en plus d’Arthus (plus de dix millions) et de En fanfare d’Emmanuel Courcol (deux millions cinq) ont confirmé que les spectateurs n’avaient guère leur mot à dire.
C’est finalement le moins vu des trois favoris (un million deux tout de même), Emilia Pérez, qui a tout raflé. La flamboyante fable musicale d’Audiard avait déjà remporté un Prix du jury et un Prix d’interprétation collectif à Cannes, ainsi que quatre Golden Globes. Elle est nommée aux Oscars à treize reprises. Verdict dans la nuit de dimanche à lundi. Les retardataires pourront la découvrir mardi soir sur Canal+.
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