
La situation géopolitique actuelle impose à la France et à l’Europe de repenser leur modèle de défense. Les récentes déclarations des responsables américains, évoquant une possible remise en cause de l’engagement des États-Unis au sein de l’OTAN, rappellent que l’Europe doit être en mesure d’assurer sa propre sécurité. Cette évolution stratégique implique un effort financier majeur pour renforcer les capacités militaires nationales et garantir une autonomie stratégique.
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Face à ces défis, l’augmentation des dépenses de défense apparaît incontournable. Le seuil des 5 % du PIB, soit une augmentation de 150 % des budgets actuels, illustre l’ampleur de l’effort nécessaire pour moderniser les équipements, renforcer l’innovation technologique et combler les lacunes capacitaires. Cette dynamique doit s’accompagner d’un soutien à l’ensemble de la chaîne industrielle, car sans investissement dans les sous-traitants et les producteurs nationaux, les nouvelles commandes bénéficieront essentiellement à des industriels étrangers. La souveraineté passe donc autant par la commande publique que par le développement d’un tissu industriel performant.
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L’État doit jouer un rôle structurant dans ce plan de financement kaki. Il doit garantir la stabilité des commandes publiques en respectant la trajectoire définie par la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, qui prévoit 413 milliards d’euros sur la période. Il peut aussi innover en matière de financement, notamment par la création d’un livret d’épargne dédié à la défense, permettant aux citoyens de contribuer directement à l’effort industriel, évoqué récemment par le président de la République et le ministre des Armées, ou encore par la mise en place de mécanismes incitatifs, à l’image de ceux existants pour l’investissement vert et socialement responsable.
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Mais au-delà des initiatives publiques, c’est aux acteurs privés d’investir. Les récents propos du ministre des Armées, dénonçant l’effet d’éviction des financements pour les entreprises de défense causé par la taxonomie européenne, soulignent une réalité préoccupante : notre capacité à innover et à produire dans le domaine de la défense est menacée par des critères de financement inadaptés.
« C’est en coopérant avec le secteur privé que la montée en puissance de l’industrie de défense sera assurée »
Ce constat rejoint celui de nombreux parlementaires qui, ces dernières années, ont plaidé pour que l’épargne populaire puisse bénéficier à la BITD. Plusieurs rapports ont pointé du doigt les obstacles structurels qui entravent le financement de ces entreprises : difficulté d’accès aux marchés cotés, exigences de conformité toujours plus lourdes, notamment en matière de critères ESG, et phénomène de « sur conformité » bancaire qui font obstacle à leur accès au crédit. S’ajoutent à cela l’intensité capitalistique et la longueur des cycles industriels du secteur, qui freinent l’investissement privé.
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Certains pourraient s’interroger : la défense peut-elle être considérée comme un investissement responsable ? La réponse est oui. Protéger notre démocratie, nos valeurs et notre capacité à agir de manière autonome sur la scène internationale est une condition sine qua non pour garantir un avenir durable.
Orienter l’épargne des Français vers la défense suppose deux mesures essentielles : clarifier les réglementations pour garantir que l’investissement dans la défense ne dégrade pas les notations ESG et s’assurer que ce secteur soit présenté sous l’angle de la souveraineté et de l’intérêt national, et non amalgamé avec des industries controversées. La France doit peser de tout son poids dans les négociations européennes en cours sur la simplification de nos régulations économiques pour que cet enjeu soit pris en compte.
Il est aussi impératif de favoriser l’émergence d’acteurs financiers spécialisés – sociétés de gestion, fonds d’investissement, plateformes de financement participatif – capables de sélectionner et d’accompagner les entreprises de la défense. L’investissement est un métier, et ni l’État ni les grands groupes industriels ne peuvent à eux seuls structurer un écosystème financier robuste.
Ainsi, l’État peut impulser la dynamique, mais c’est en coopérant avec le secteur privé que la montée en puissance de l’industrie de défense sera assurée. Toutes les formes de financement doivent être mobilisées : fonds propres, dette, financement d’actifs et de projets. Faire connaître ces opportunités aux investisseurs est une priorité.
Finalement, la résilience nationale repose sur une approche collective. L’« économie de guerre » ne signifie pas seulement l’augmentation des budgets militaires : elle implique que chaque acteur économique s’interroge sur sa contribution à la souveraineté nationale. À l’instar de la lutte contre le changement climatique, où chaque action compte, il s’agit ici de mobiliser toutes les forces disponibles, et comme pour l’environnement, il y a urgence à en prendre conscience collectivement.
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