Le Salon de l’agriculture se termine ce dimanche 2 mars. Deux jours avant la fin de l’événement à la porte de Versailles à Paris, Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, fait le point sur le moral du monde paysan, sur les récentes élections aux chambres agricoles et sur des incidents survenus au Parc des expositions cette semaine.
Le JDD. C’est votre troisième Salon de l’agriculture en tant que présidente de la Coordination rurale. La colère reste-t-elle vive dans le secteur ?
Véronique Le Floc’h. La colère est toujours là, mais elle est plus intériorisée. Les agriculteurs prennent sur eux mais ont toujours l’envie de se battre. J’ai échangé avec la ministre Annie Genevard cette semaine sur notre stand.
Je lui ai dit que je trouvais dommage que, un an après, tous les engagements n’aient pas été respectés. Les prêts garantis à deux milliards d’euros par l’État ne sont toujours pas en place. Elle a en effet admis que cela prenait trop de temps. On a l’impression de se bagarrer sur tous les dossiers.
L’adoption définitive du projet de loi d’orientation agricole par le Sénat, juste avant le lancement du Salon de l’agriculture, n’a donc pas suffi à calmer la gronde…
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Pas vraiment. On savait que cette loi d’orientation n’apporterait pas grand-chose. Elle a mis beaucoup trop de temps à arriver et ne favorise pas l’installation des jeunes, par exemple.
Au premier jour du Salon, les bonnets jaunes de la Coordination rurale se sont vu bloquer l’accès aux allées par les forces de l’ordre. Que s’est-il passé ?
Il y avait des consignes pour empêcher les membres de la Coordination rurale qui arboraient des signes distinctifs de progresser dans les allées. Deux des nôtres ont été placés en garde à vue au commissariat de police des Invalides pour de supposées provocations. On a réussi, grâce au préfet Laurent Nuñez, à les faire sortir le lendemain matin. L’un d’entre eux s’est fait encercler et presque traîner. C’est honteux et très grave ! Les provocations de la part des pouvoirs publics sont trop récurrentes. Lors de nos précédentes mobilisations, il y avait presque un policier derrière chaque agriculteur.
La Coordination rurale a réalisé une percée lors des élections des chambres d’agriculture, qui se sont tenues du 15 au 31 janvier. Quel est votre sentiment après cette victoire ?
Je suis très fière ! Nous avons obtenu au moins onze départements de plus. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs sont passés sous la barre des 50 %, c’est donc une large victoire.
Je suis toutefois déçue du vote dans certaines régions où l’agro-industrie domine. Est-ce parce que les agriculteurs sont satisfaits de la situation ? Ou ont-ils subi des pressions pour voter en faveur de la FNSEA et des JA ? Je suis d’ailleurs tombée sur un message de la FNSEA qui appelait ses responsables à « obliger » les agriculteurs à voter et à « s’assurer du vote qu’ils font ».
Des tensions perdurent en Lozère et en Gironde depuis ces élections, où la Coordination rurale a récolté le plus de voix. Malgré cela, la FNSEA a maintenu son siège dans ces deux départements. Y voyez-vous un déni de démocratie ?
C’est même un hold-up. Les agriculteurs ont voté pour un modèle, pour une équipe et, au final, leur choix n’est pas respecté. Cela va amplifier la colère sur le terrain, mais aussi ouvrir les yeux à certains. Est-ce que la chambre sera gouvernable ? On peut se poser la question.
Des tags anti-FDSEA et JA ont d’ailleurs été inscrits sur la N88 près d’Allenc, en Lozère…
Je ne sais pas qui les a inscrits. Il y a des façons d’agir qui ne sont peut-être pas sympas, mais qui sont tout même révélatrices du sentiment des agriculteurs. Je préfère qu’ils expriment leur colère en l’écrivant, plutôt qu’en commettant des actes irréversibles.
Prévoyez-vous de nouvelles mobilisations ?
Cela pourrait venir. Cela va dépendre des orientations que les responsables politiques vont annoncer.
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