
Louis Pauwels fut en son temps un auteur célèbre et un journaliste à succès. Il ne fut pourtant jamais considéré comme un grand écrivain. Non parce que le talent lui manquait. Mais parce qu’il était de droite et qu’il ne l’a jamais caché. Certes, d’une droite à l’autre, il a multiplié les conversions, du spiritisme au paganisme pour aboutir au catholicisme. De même, il a évolué de la Nouvelle Droite au libéral-conservatisme et a porté, au début des années 1980, avec Le Figaro Magazine, qu’il avait créé, la première riposte à grande échelle contre l’hégémonie culturelle de la gauche, qui ne lui a jamais pardonné. Pauwels, toute sa vie, fut diabolisé. Il en souffrait, comme il l’a confessé dans son journal Un jour, je me souviendrai de tout.
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On ne disait pas le mot « libertarien », à l’époque, mais à sa manière, Pauwels l’était devenu. Il était viscéralement opposé à l’égalitarisme, inévitablement niveleur, coupant ce qui dépasse, bureaucratique, confiant le pouvoir à une caste d’experts tatillons et spoliateurs pratiquant ce qu’on appelle l’ingénierie sociale. Il pourfendait le socialisme, sans jamais faire de concessions à ce qu’il traitait moins comme une idéologie que comme une pathologie – ce en quoi il avait raison. Pauwels fut aussi profondément patriote et sonna l’alarme, avec d’autres, devant la noyade démographique. Il voyait venir Marianne voilée. Au moment de Maastricht, il affichera son soutien au « non », en disant préférer à « l’Europe des européistes » « l’Europe des Européens ».
« Dès que j’aimerais suggérer un de ses ouvrages, je suis embêté : aucun n’a été réédité »
« Le fond de la pensée de gauche, comme la pensée fasciste, c’est qu’il y a, entre l’humanité et le législateur, le même rapport qu’entre l’argile et le potier. L’homme n’est qu’une matière à modeler. » Il y a là une vérité profonde. L’homme démiurge, qui veut non pas transmettre et améliorer la société mais la créer par décret, et obliger tout le monde à se conformer à la place qui lui est réservée dans l’utopie qu’il projette, sera inévitablement tyrannique. Nous avons tardé à comprendre que la social-démocratie thérapeutique wokisée représentait la poursuite de l’URSS par d’autres moyens, la violence en moins, ce qui le rendait paradoxalement bien plus efficace, sur la longue durée.
Il faudrait relire Pauwels. Mais dès que j’aimerais suggérer un de ses ouvrages, je suis embêté : aucun n’a été réédité. Je recommanderais Ce que je crois, réflexion sur la nature spirituelle de l’homme éternel, et Comment devient-on ce que l’on est, où Pauwels fait le procès d’un progressisme devenu machine à broyer singularités et cultures. Ou encore Les Orphelins, magnifique roman sur notre décadence. Mais je recommanderais surtout de lire ses éditoriaux du Figaro Magazine. Ceux de sa période Nouvelle Droite, rassemblés dans Le Droit de parler, et ceux de sa période libérale dans La Liberté guide mes pas, même si ce dernier recueil ne rend pas justice à l’écrivain politique génial qu’il était. Il faudrait les rééditer. Les Français constateraient que le libéralisme, chez eux, n’est pas une philosophie d’importation mais une tradition oubliée.
Pauwels était hanté par l’idée qu’il gâchait sa vie dans les journaux. N’aurait-il pas dû se mettre en retrait du monde, se vouer à ses romans, à la poésie ? « Quand on a l’obligation professionnelle de plaire au plus grand nombre – ou tout au moins de fournir des agréments à 700 000 lecteurs –, c’est une volupté de songer à un livre pour quelques-uns. » Pourtant, qui fait le pari de lire ses écrits apparemment éphémères, comme tout autant de pages d’une vraie littérature politique rédigée au contact des événements, trouvera là un style, une énergie, un courage, une intelligence aussi, qui lui feront dire : cet homme ne s’est pas perdu en de vains combats, et dans la presse libre se trouvent ses héritiers, qui souvent, ne savent pas qu’ils le sont.
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