Au fond, Michel Onfray est un descendant du petit garçon qui crie « Le roi est nu ! » dans Les Habits neufs de l’empereur, le conte d’Andersen. Quand une certaine gauche se drape de bons sentiments et prétend incarner à elle seule le camp du Bien, L’autre Collaboration la déshabille sans ménagements. De Sartre à Genet, de Garaudy à Foucault, de Plenel à Deleuze, l’antisémitisme et la complaisance à l’endroit de l’islamisme et du terrorisme ont pavé le chemin vers l’islamo-gauchisme, aujourd’hui incarné par La France insoumise.
Le JDNews. En quoi les massacres du 7 octobre 2023 commis par le Hamas en Israël, point de départ de votre livre, vous ont-ils incité à chercher « les origines françaises de l’islamo-gauchisme » ?
Michel Onfray. Ce n’est pas tant ce « 7 octobre » que le remplacement du logiciel marxiste-léniniste après la chute de l’empire soviétique en 1992 associée à l’échec de la social-démocratie au pouvoir avec Mitterrand en 1983, par un logiciel islamo-gauchiste qui, aujourd’hui, fait la loi au NFP. Le « 7 octobre » est la preuve tangible, en France, de l’existence de cet islamo-gauchisme dont il a été dit par ses agents, comme avec la théorie du genre, qu’il n’existait pas : mentir fait partie de la stratégie de qui avance masqué.
Vous faites justice de l’idée reçue selon laquelle tout homme de gauche serait nécessairement philosémite. Non seulement les contre-exemples abondent sous votre plume, mais cela commence avec Marx !
Mon travail philosophique depuis 1989 est un travail de démystification, de démythologisation – les monothéismes, l’idéalisme, le freudisme, le sadisme, le marxisme, le communisme, l’européisme, le germanopratisme, etc. Je souhaitais détruire cette mythologie d’une gauche philosémite et d’une droite antisémite.
« L’antisémitisme s’est métamorphosé habilement en antisionisme »
Mon livre en reste aux philosophes français du XXe siècle. Mais une introduction générale n’épargne pas les « progressistes » que sont Meslier, Sade, Helvétius, D’Holbach, Voltaire, l’abbé Grégoire, Fourier, Toussenel, Proudhon mais aussi Jaurès – pour en rester aux seuls Français. On pourrait sinon ajouter Luther, Kant, Hegel, Schopenhauer, Heidegger… La philosophie n’empêche pas la haine. Au contraire. Elle la raffine.
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Ainsi que vous le montrez, le soutien d’une partie de la gauche au Hamas, qualifié par certains de « mouvement de résistance », s’inscrit dans une longue tradition. En témoigne par exemple la justification par Sartre du terrorisme palestinien des années 1970.
Ce moment antisémite de gauche associe le capitalisme, l’industrie, le sionisme, les États-Unis, l’Occident en général. L’extrême gauche des années 1970 illustre ce compagnonnage avec le terrorisme palestinien qui embarque Sartre, Beauvoir, Edwy Plenel et quelques autres éminents gauchistes. Le texte odieux de Sartre est difficilement trouvable, escamoté par ses thuriféraires tant il est abject – ses héritiers m’ont d’ailleurs interdit de le citer…
Qu’il s’agisse des considérations antisémites du philosophe Alain ou des sympathies pétainistes de son confrère Paul Ricœur, les textes que vous citez sont pour la plupart faciles d’accès. Comment expliquer que ces écrits soient passés sous silence, comme s’ils n’avaient jamais existé ?
Le pavlovisme empêche de penser : il est convenu dans le monde intellectuel de dire que la gauche a résisté et que la droite a collaboré, on ne parle donc jamais des deux années au cours desquelles le PCF, en vertu du Pacte germano-soviétique, a collaboré avec l’occupant nazi – entre le 23 août 1939 et le 22 juin 1941, avant qu’Hitler ne rompe ce pacte unilatéralement ! La mythologie créée après guerre avec la fiction, La Bataille du rail par exemple, de René Clément, financé avec l’argent des communistes, a remplacé l’histoire par la fiction. À quoi bon lire quand le cinéma fait sa propagande !
Vous avez été vous-même étonné par l’ampleur des révélations contenues dans votre essai. Quelle a été votre découverte la plus inattendue ?
Roger Garaudy, parce qu’il a fourni tout le matériel de l’islamo-gauchisme clé en main : marxiste stalinien, communiste, converti à l’islamisme, négationniste forcené, soutien du régime des ayatollahs en Iran, défenseur de la cause palestinienne, haine de l’Occident. On a l’impression que Mélenchon et les siens lisent tous les jours dix pages de Roger Garaudy pour s’en mettre plein la bouche !
L’un des aspects les plus déroutants de l’islamo-gauchisme est illustré par les cas de Michel Foucault et de Roger Garaudy. Ainsi que vous l’analysez, tous deux entendent remplacer le messianisme révolutionnaire marxiste par le messianisme révolutionnaire islamiste. Selon Marx, la religion était pourtant « l’opium du peuple »…
Oui, mais chez les islamo-gauchistes, l’islam prend la place de l’avant-garde éclairée du prolétariat après que l’empire soviétique s’est effondré. Et puis l’analyse que Marx fait de la religion comme opium du peuple est restreinte au seul judéo-christianisme qui , à l’époque, est l’ennemi : d’abord parce que juif, ensuite parce que chrétien, les deux étant associés au capitalisme.
Vous n’établissez pas de différence entre antisémitisme et antisionisme. Selon vous, le second n’est que l’expression contemporaine du premier…
Il existe des moments dans l’histoire de l’antisémitisme : le premier temps est chrétien, catholique, c’est celui du juif peuple déicide. Le deuxième est l’antijudaïsme antichrétien : le judaïsme est la matrice du catholicisme, Jésus est lui-même juif et il faut passer du théisme catholique au déisme abstrait du dieu des philosophes. Le troisième est l’anticapitalisme socialiste : l’argent est associé aux juifs et au capital, et il faut viser l’abolition du capitalisme. Un quatrième est dit scientifique et racial, il prétend donner des preuves scientifiques, craniologiques, biologiques, anthropomorphiques à l’antisémitisme. Après Hitler, celui-là n’est plus possible. L’antisémitisme s’est alors métamorphosé habilement en antisionisme.
D’après vous, l’antisémitisme sert de ciment à La France insoumise. Si bien, écrivez-vous, que « voter pour le Nouveau Front populaire lors des dernières législatives, c’était donc voter pour le Hamas, puis pour le Hezbollah, puis pour l’Iran des mollahs…» En ce cas, comment expliquer son relatif succès électoral ?
Par la coagulation d’un électorat arabo-muslman dont l’antisémitisme est rabique. Puis, avec une jeune génération inculte composée d’étudiants ou d’enseignants prolétarisés malgré leurs études supérieures souvent bas de gamme, eux-mêmes endoctrinés par des enseignants contaminés par le gauchisme culturel qui est à l’université française ce qu’était le marxisme-léninisme dans les universités soviétiques.
Tout comme pendant l’Occupation, vous en appelez à la résistance par opposition à la collaboration avec l’islamo-gauchisme. Quelle en serait l’idée-force ?
Ne pas cesser de pratiquer l’éducation populaire, ce que Proudhon nommait la démopédie, pour ouvrir les yeux des aveugles, endoctrinés dès le plus jeune âge par les médias dominants, les écoles et les universités, le cinéma, la publicité…
L’autre collaboration : les origines françaises de l’islamo-gauchisme, Michel Onfray (Plon), 448 pages, 22 euros.
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