Ce samedi 22 février à Mulhouse, un homme fiché pour prévention du terrorisme a tué un passant et blessé trois policiers municipaux. Après cette attaque, qualifiée « d’attentat terroriste » par Emmanuel Macron, une partie de la droite a relancé le débat sur l’incarcération préventive des fichés S pour islamisme. « Il faut un principe de précaution vis-à-vis de ces bombes à retardement », martelait déjà Marion Maréchal en 2023 après une attaque au couteau à Paris, perpétrée par un islamiste connu des services de renseignement. L’eurodéputée a réitéré son appel sur X après le drame de ce week-end, qui a coûté la vie à Lino Sousa Loureiro, 69 ans, poignardé au cri d’« Allah Akbar ».
Alexandre Avril, vice-président du parti l’Union des droites pour la République (UDR), fondé par Éric Ciotti, soutient cette mesure. « Combien de fois encore ? Pourquoi rien ne change jamais ? Il faut instaurer la détention préventive de tous les fichés S pour islamisme », s’est-il insurgé samedi soir sur X. L’idée n’est pas nouvelle. En août 2015, Éric Ciotti avait déjà proposé une mesure similaire. Après les attentats de Carcassonne et Trèbes en 2018, Laurent Wauquiez plaidait lui aussi pour une rétention administrative préventive des individus radicalisés et jugés dangereux.
Le suspect de Mulhouse fiché au FSPRT
Alors que « la menace terroriste n’a jamais été aussi présente » selon Bruno Retailleau, qui évoquait en janvier neuf attentats islamistes déjoués sur notre sol en 2024, cette proposition tient-elle la route ? La fiche S n’est peut-être pas le meilleur outil pour prévenir les passages à l’acte tels que celui qui vient de se produire à Mulhouse. Celle-ci ne constitue pas un indicateur de la dangerosité d’une personne, selon un rapport du Sénat de 2018.
Toutes les personnes fichées S ne sont d’ailleurs pas des cibles des services de renseignement, rappelle la chambre haute. Ces fiches ne permettent pas non plus un suivi efficace de l’extrémisme religieux, contrairement au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Le suspect de Mulhouse, Brahim A., 37 ans, né en Algérie et en situation irrégulière en France, était fiché au FSPRT, tout comme Mohammed Mogouchkov, le terroriste qui a assassiné le professeur Dominique Bernard en 2023. Plus récemment, le 25 janvier dernier, dans le Vaucluse, un homme figurant également dans ce fichier a agressé un client dans un supermarché en criant « Allah Akbar ». Le parquet national antiterroriste a ouvert une enquête.
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5 100 personnes surveillées pour islamisme radical
Institué par décret en avril 2015 à la suite des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, le FSPRT répertorie les individus signalés pour radicalisation religieuse, susceptibles de vouloir rejoindre une zone de conflit terroriste à l’étranger ou de prendre part à la planification et à l’exécution d’un attentat. Parmi les 20 120 personnes inscrites au FSPRT fin 2023, Gérald Darmanin évoquait, au lendemain de la mort de l’enseignant à Arras, 5 100 fiches actives en lien avec l’islamisme radical.
Pourrait-on détenir ces individus avant qu’ils ne commettent l’irréparable, comme le préconisent plusieurs élus ? « On peut faire des tas de choses, assure au JDD Alain Bauer, professeur en criminologie. Nous avons déjà fait beaucoup évoluer le droit, notamment avec l’association de malfaiteurs. Avant, pour interpeller des malfaiteurs, il fallait qu’il y ait un début d’exécution. » Un dispositif similaire existe pour le terrorisme depuis 1996. En effet, participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation d’un attentat constitue déjà un acte de terrorisme.
Un conseil interministériel de contrôle de l’immigration
Si l’on voulait aujourd’hui, comme le souhaite Marion Maréchal, incarcérer tous les fichés S ou FSPRT, il faudrait donc les mettre en examen pour association de malfaiteurs terroristes ou prendre une mesure d’ordre administrative, qui relève de la rétention. Problème : « Une partie d’entre eux n’a rien fait », rappelle le criminologue Alain Bauer. Et si les parlementaires votaient une loi afin de changer le Code pénal, et que le Conseil constitutionnel ne la censurait pas, se poserait alors la question du lieu de rétention. Pour rappel, les prisons françaises comptaient 79 631 détenus pour 62 279 places opérationnelles au 1er octobre. Soit une densité carcérale moyenne de 127,9 %.
D’ici là, Bruno Retailleau veut d’abord s’en prendre aux « désordres migratoires ». Le ministre de l’Intérieur, qui s’est rendu à Mulhouse ce week-end, a reproché à l’Algérie d’avoir refusé de reprendre le suspect, visé par une OQTF, sur son territoire à dix reprises. Un conseil interministériel de contrôle de l’immigration se tiendra mercredi. Parmi les 5 100 personnes qui faisaient l’objet d’un suivi actif pour islamisme radical fin 2023, 1 411 étaient de nationalité étrangère, dont 489 présentes sur le territoire national.
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