
C’était il y a tout juste trois ans. Peu avant 4 heures du matin, le 24 février, Vladimir Poutine prend la parole à la télévision russe. Depuis le Kremlin, il lance une « opération militaire spéciale » pour « démilitariser » et « dénazifier » son voisin. Peu après, les soldats russes entrent en Ukraine par le nord, l’est et le sud. La guerre débute, la communauté internationale est sous le choc. Quelques semaines plus tard, lors d’un salon annuel de Défense, Emmanuel Macron évoque une « réévaluation de la loi de programmation militaire à l’aune du contexte géopolitique ». Conscient de la nécessité d’« ajuster les moyens aux menaces », le chef de l’État demande alors à Sébastien Lecornu, ministre des Armées, d’augmenter les capacités de production.
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Trois ans après, qu’est-ce qui a changé dans l’armée ? Sur les gros équipements – chars de combat, avions de chasse, navires de guerre –, difficile de voir une évolution notable. « Ce n’est pas en trois ans que la France va combler ses capacités, on ne se reconvertit pas aussi vite », prévient Jean-Claude Allard, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). « Le format n’a pas changé, parce que le contrat opérationnel n’a pas encore été revu à la hausse : 15 frégates et 185 avions de chasse, ce n’est pas suffisant », ajoute Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale.
Sur la capacité à « porter le feu dans la profondeur », entre 2022 et 2025, les moyens français se sont allégés. « On est passé de treize à neuf lance-roquettes unitaires (LRU). C’était déjà léger, mais il faut augmenter notre capacité à tirer à 80 kilomètres », ajoute Jean-Claude Allard. Dans le domaine de l’artillerie, l’armée de Terre comptait 119 canons Caesar avant la guerre en Ukraine, contre 78 en 2024. « Les chiffres ne sont pas à jour, mais les stocks sont quasiment remis à niveau », assure Jérôme Pellistrandi. Pourtant, alors que le budget annuel est passé de 50 à près de 59 milliards d’euros et que les discours politiques insistent sur la nécessité d’augmenter les capacités militaires, pourquoi les moyens ne sont-ils pas plus conséquents ? « Le problème, c’est qu’on revient de très loin. Cependant, l’augmentation des crédits initiée par Emmanuel Macron en 2017 a permis d’infléchir la courbe et de moderniser les forces de manière qualitative », analyse encore Jérôme Pellistrandi.
Les effectifs globaux des armées ont baissé de 6 000 postes entre 2022 et 2024
Face à la cadence de tirs ukrainienne – estimée à 200 000 obus par mois –, les responsables politiques ont décidé d’augmenter les stocks de munitions. Difficile d’obtenir des chiffres précis pour des raisons stratégiques, mais les rythmes de production se sont accélérés. Les premières livraisons de missiles Aster de MBDA, consacrés à la défense sol-air, initialement prévues pour 2026, ont finalement été concrétisées en 2024, avec une multiplication par trois de la production en 2025. Côté ressources humaines, la force opérationnelle terrestre reste stable à 80 000 soldats mais, de manière surprenante, les effectifs globaux des armées ont baissé de 6 000 postes entre 2022 et 2024. « C’est un facteur conjoncturel lié à des difficultés de recrutement, ce ne sont pas des baisses d’effectifs voulues pour réduire la masse salariale », explique un militaire.
Enfin, la guerre en Ukraine illustre aussi l’avènement des drones. « Ce conflit montre que de petits engins pouvaient devenir des armes redoutables », souligne un expert. Longtemps à la traîne dans ce domaine, la France s’inspire des stratégies développées à l’Est. Sous l’impulsion de son chef d’état-major, le général Pierre Schill, « l’armée de Terre expérimente et développe ses propres systèmes pour acculturer ses soldats aux drones », développe Léo Péria-Peigné, chercheur au centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri). D’un point de vue capacitaire, l’armée de Terre devrait posséder 3 000 drones en 2025, contre 800 en 2021.
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