
« Le grand problème, maintenant que l’affaire d’Algérie est réglée, c’est l’impérialisme américain » : cette phrase du général de Gaulle, prononcée en janvier 1963 devant Alain Peyrefitte, résonne encore aux oreilles de la droite. Non seulement la question algérienne doit être réglée, mais l’influence américaine sur la droite française a pris une tournure inattendue. Jadis méfiante à l’égard de l’hégémonie de l’ami américain, les héritiers revendiqués de De Gaulle se laissent désormais séduire par les accents du trumpisme, qui allie volontarisme et défiance à l’égard des élites. Fascination, pragmatisme ? La vérité est sans doute entre les deux dans une période de recomposition politique qui s’étire depuis 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron.
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Lors de l’investiture de Donald Trump, chacun se positionne. À Washington, on retrouve Éric Zemmour, Sarah Knafo et Marion Maréchal. De l’autre côté de l’Atlantique, Marine Le Pen et Jordan Bardella se tiennent en retrait, tout comme Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau. Le message est clair : les premiers se glissent dans la roue trumpiste, les seconds gardent leur distance. Au révélateur de la politique américaine, la droite française n’est pas monolithique : elle se divise entre ceux qui voient en Trump une manne idéologique, un tremplin médiatique, et ceux qui se préservent de tout mimétisme qui pourrait se révéler désastreux.
Pour Reconquête et Identité-Libertés, petits partis en mal de reconnaissance, l’alignement sur la droite radicale américaine est une aubaine. Washington offre une tribune en mondovision, le rapprochement avec un réseau puissant et une stratégie politique clefs en main. Zemmour et Maréchal, derrière le personnage Trump, se nourrissent de son état d’esprit, de son univers. Leur admiration, au-delà du personnage, s’incarne dans un projet qui rejette un État-providence dévoyé et le politiquement correct. Une arme, selon eux, adaptable au contexte français.
Le RN, en revanche, joue une tout autre partition. Marine Le Pen a fini par conclure que le trumpisme, avec ses outrances et son ultralibéralisme, est incompatible avec ce qu’elle défend et ce qui s’adresse à l’électorat populaire français. Son chemin est à l’opposé de celui emprunté par le président américain, fait de dédiabolisation et de pragmatisme économique. Sans pour autant – et c’est là toute la difficulté – tourner le dos au mouvement triomphant du courant conservateur américain. Jordan Bardella en a éprouvé la difficulté. Invité à la Conservative Political Action Conference (CPAC), il a dû annuler sa participation en catastrophe, après un geste évoquant le salut nazi brandi par Steve Bannon. Une rupture brutale pour s’éloigner du scandale et marquer les esprits en France, dont le RN pourrait in fine récolter les fruits.
L’Amérique, oui, mais pas au prix d’un reniement
Enfin, chez Les Républicains, la mise à distance, à la mesure du malaise suscité par le dérapage de Bannon après celui d’Elon Musk, est encore plus marquée. « Trump n’a pas été élu président du monde », avertit un proche de Retailleau. L’Amérique, oui, mais pas au prix d’un reniement. « Nous sommes gaullistes. Le Général n’aurait jamais ciré les pompes de Musk et Trump. » Laurent Wauquiez adopte la même réserve : s’inspirer des intuitions trumpistes, comme la dénonciation du wokisme ou de la bureaucratie, pourquoi pas. Mais copier à la lettre l’original serait une erreur. « La France n’est ni l’Argentine de Milei, ni l’Amérique de Trump », observe un proche de Wauquiez.
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