Il est né avec le XXIe siècle, en l’an 2000. À 24 ans (depuis le 10 décembre), Mickaël Guillard incarne cette nouvelle génération amenée à disputer, si tout va bien, la prochaine Coupe du monde en 2027 en Australie. Cet après-midi, au Stadio Olimpico de Rome, il fêtera sa huitième sélection, la deuxième seulement dans la peau d’un titulaire. Ses débuts remontent à la récente tournée estivale chez les « Pumas », où ses prestations avaient été éclipsées par l’extra-sportif et les accusations de viol contre ses coéquipiers Hugo Auradou et Oscar Jegou. Les charges étaient in fine infondées, a redit cette semaine la justice argentine, confirmant en appel la décision de non-lieu au profit des deux solides avants.
Originaire des Yvelines, passé par le prestigieux club formateur de Massy, le gaillard (1,97 mètre pour 113 kilos) est devenu un élément clef de Lyon. En Bleu, après les matchs de l’été, il a enchaîné avec la tournée de novembre et le Tournoi des Six Nations. Entré à la 50e minute à la place d’Emmanuel Meafou durant la victoire à sens unique contre les Gallois (43-0, le 31 janvier au Stade de France), il a remplacé plus tardivement (à la 67e) le Toulousain lors de la défaite frustrante en Angleterre (26-25 à Twickenham, le 8 février). Victime d’une infection pulmonaire, Meafou est forfait pour le déplacement dans le Latium et Guillard a su saisir sa chance pour figurer dans le quinze de départ. Avec un objectif : gagner de l’autre côté des Alpes, après le raté outre-Manche. Encore peu connu du grand public, il a pris le temps de se dévoiler au cours d’une conversation avec le JDD.
Le JDD. Comment appréhendez-vous le rôle de titulaire par rapport à celui de remplaçant – « finisseur », comme dit votre sélectionneur Fabien Galthié ?
Mickaël Guillard. La différence, c’est que le finisseur sait qu’il va avoir une grande importance et devoir amener beaucoup d’énergie pour la fin du match, parce que ceux qui l’ont commencé vont être fatigués. Avec notre fraîcheur, on apporte un nouveau souffle, alors que le titulaire donne tout dès le début, sachant que selon le poste qu’il occupe, il sera remplacé.
Si je peux me permettre, il y aune autre différence : le titulaire a une reconnaissance médiatique plus importante, non ?
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Oui, c’est sûr que le grand public regarde les « compos » et le « quinze » titulaire avant de s’intéresser aux remplaçants. Pour ma part, que je commence ou que je finisse, je suis très content car c’est toujours un honneur de jouer au rugby, que ce soit pour l’équipe nationale ou pour mon club. Du moment que je suis sur le terrain, je suis heureux.
Comme Léo Barré, Nolann Le Garrec, Théo Attissogbe, pour ne citer qu’eux, avez-vous conscience de former la nouvelle génération ?
Je suis arrivé cet été, je suis donc tout nouveau dans ce groupe, et il y a plusieurs joueurs que j’ai croisés en U20 [l’équipe de France des moins de 20 ans, NDLR] comme Nolann Le Garrec et Yoram Moefana. Ça fait tout drôle de se recroiser quatre ans plus tard avec les grands. C’est sûr qu’il y a une nouvelle génération. Mais le rugby français a changé, les jeunes jouent plus tôt avec le système de JIFF [joueur issu des filières de formation, dont un quota doit être aligné par les clubs en championnat], ce qui leur permet d’être plus rapidement compétitifs. Les moins de 20 ans ont par ailleurs été trois fois de suite champions du monde [de 2018 à 2023]. S’il y a plein de nouveaux talents, on arrive sur la pointe des pieds. On voit ce qui se passe, on apprend des plus grands.
Parmi eux, Antoine Dupont. Est-ce plus facile de jouer aux côtés d’un tel champion ?
On se dit qu’on a la chance d’évoluer avec le meilleur joueur du monde. Il facilite beaucoup de choses. Après, il y a aussi énormément de talents autour de lui. Quand on est en équipe de France, on joue de toute manière avec les meilleurs. C’est vraiment impressionnant à voir.
Vous n’avez jamais encore affronté les Italiens en senior, vous l’avez fait avec les moins de 20 ans. Comment percevez-vous cet adversaire qui monte en puissance ?
On a l’image d’une équipe un peu faible, sauf que ce n’est plus du tout le cas. Ils se sont vraiment renforcés et ont pas mal de joueurs qui évoluent en France. J’en connais particulièrement deux qui sont dans mon club [le demi de mêlée Martin Page-Relo et l’ailier Monty Ioane, qui vient de se blesser]. C’est une équipe latine, sanguine, un peu dans le style des Argentins, vraiment accrocheuse. Il ne faut surtout pas la prendre à la légère. L’année dernière, ils nous ont tenus en échec à Lille [13-13]. Il faut vraiment se méfier de ces Italiens qui, année après année, deviennent de plus en plus forts.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour évacuer la défaite de Twickenham ?
Je pense que jusqu’au mercredi suivant, j’étais encore frustré. Ça a été dur à digérer, surtout en perdant d’un point à la dernière minute. En tant que finisseur, on a un peu failli à notre « taf », on n’a pas assumé notre rôle. Après, j’ai eu l’opportunité de rejouer avec mon club [le 15 février face à La Rochelle]. Avoir gagné [53-17] m’a permis de rebasculer sur du positif et de bien me préparer pour le match à Rome.
Il n’y aura pas de GrandChelem, mais l’équipe de France a encore son destin en mains…
On sait qu’on a grillé notre joker, entre guillemets, et que maintenant, nous devons gagner tous les matchs pour espérer remporter ce tournoi.
« Je ne suis pas quelqu’un qui va forcément beaucoup parler, je suis plutôt discret »
Comment définiriez-vous votre poste de deuxième ligne ?
C’est un rôle un peu ingrat. C’est beaucoup de rucks [mêlées spontanées] et de sécurisation des rucks. On est aussi beaucoup utilisé en touche. On n’est pas trop exposé à la lumière, à part quand on touche beaucoup de ballons, quand on marque des essais ou qu’on traverse le terrain, ce qui arrive très rarement (sourire). C’est un rôle d’ombre mais qui est essentiel et, avec le rugby moderne, on voit un peu plus les deuxièmes lignes ballon à la main qu’à une certaine époque.
Qu’est-ce qu’un match réussi pour un deuxième ligne ?
C’est d’avoir dominé son adversaire sur les ballons portés, que ça soit en attaque ou en défense. C’est aussi de réussir ses plaquages, de récupérer des ballons et de ne pas commettre de fautes. Ces tâches font moins rêver qu’une chistera ou un « cadrage-débordement » pour marquer un essai…
Question jamais évidente : quelle est votre personnalité ?
Avant tout, c’est la gentillesse et la bienveillance. Je suis quelqu’un de très cool. Je ne suis pas quelqu’un qui va forcément beaucoup parler, je suis plutôt discret. Voilà comment je me décrirais.
Est-ce vrai qu’enfant, vous aviez promis à votre maman qu’un jour elle vous verrait à la TV ?
Oui, je devais avoir 10 ou 11 ans et je regardais un match de rugby de l’équipe de France. Je lui ai dit : « Maman, un jour, ça sera moi sur le terrain, tu me verras à la télé. » Cet été, quand j’ai eu ma première sélection, je lui ai rappelé : « Tu vois, je te l’avais dit ! » On a bien rigolé au téléphone tous les deux.
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