Le meilleur groupe de rock actuel ? Ne cherchez pas : il est français et nous vient de Mulhouse. Et que nos voisins d’outre-Manche ne se vexent pas s’ils s’expriment dans la langue de Nirvana : il y a toujours de la place pour un bon quatuor de rock sur la terre des Beatles, comme on a pu le constater cet hiver lors d’une tournée de Last Train effectuée en première partie du groupe The Luka State en Angleterre.
Les dates de ce petit périple britannique, quotidiennement relatées sur les réseaux sociaux, ont dû donner du travail aux boutiques de pressing : ça sentait bien la sueur jusque sur Instagram. « On était heureux de les entendre prononcer avec leur accent le nom de notre groupe. Ravis aussi qu’ils le trouvent cool », disent d’une même voix ces quatre trentenaires, soudés depuis la préadolescence comme les doigts de la main. Que les retardataires se rassurent : ils retourneront le 12 mai à Londres, et Paris (qui les a accueillis fin novembre pour une résidence de quatre dates à La Boule noire) les retrouvera au Trianon au mois de décembre. Le souvenir de leur final, The Big Picture, dix minutes grandioses dignes d’un petit opéra rock, reste dans les mémoires.
Jusque-là, les musiciens évoluaient en totale autonomie, possédant leur propre structure de production et de tournée. Jean-Noël Scherrer, le guitariste et chanteur, a même officié comme manager d’une dizaine de groupes en parallèle de ses propres activités musicales. Pour leur quatrième album, « III », publié après une relecture de leur répertoire avec l’orchestre symphonique de Mulhouse (Original Motion Picture Soundtrack), ils ont signé avec un label en vue (Pias) et un tourneur ayant tout autant pignon sur rue (le mastodonte Live Nation). Last Train était un secret difficile à garder plus longtemps : il y a neuf ans, le groupe alsacien avait osé décliner l’offre d’une tournée avec Johnny Hallyday, après avoir ouvert en première de l’idole nationale à Bercy. Ils avaient d’autres engagements.
« On a fait ce qu’on devait faire. Il était plus intéressant pour nous de jouer dans des clubs en Allemagne, en Angleterre ou en Belgique que d’ouvrir pour Johnny. On trace notre route. » Le public français a pu heureusement les entendre en première partie d’autres fleurons hexagonaux, les Insus, ex-Téléphone, tout comme ils l’avaient fait pour les Britanniques de Placebo dans une série de Zéniths. En plein hiver, Jean-Noël Scherrer (chant et guitare), Julien Peultier (guitare), Timothée Gerard (basse) et Antoine Baschung (batteur sans aucun lien de parenté avec l’auteur de Gaby) ont installé un studio mobile en Lozère, au château de Planchamp, un vestige néoclassique de la Renaissance situé sur la commune de Pied-de-Borne, pour coucher leurs neuf nouveaux titres, comme ils l’avaient fait dans une grange en Alsace pour leur premier album et au bord de la mer du Nord, en Norvège, pour leur deuxième disque.
« Dans la vie, nous ne sommes pas les personnages de nos chansons »
« On a d’abord rapporté des bûches pour les poêles à bois. Pour aller au studio, on devait emprunter un grand couloir glacial. C’était vraiment Shining ! On se gelait, on était coupés du monde. Mais aujourd’hui, étrangement, on en a la nostalgie. Le cerveau a bien fait son travail : malgré le côté éprouvant, on n’en garde que les moments cool. » Nous, on n’a pas froid. à l’écoute du titre d’ouverture de ce nouvel album, « Home », un rock aussi abrasif qu’inflammable faisant dresser l’échine suite à une explosion sonique survenant après une minute d’ondée calme.
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« On l’a constaté en relisant le tracklisting de notre album. C’était assez sombre… La musique est chez nous un exutoire, permettant de canaliser la violence et nos colères, expliquent ces quatre copains convertis au rock après la découverte de Led Zeppelin au collège. Fort heureusement, dans la vie, nous ne sommes pas les personnages de nos chansons. Nous avons la prétention d’être serviables et bienveillants. » All to Blame, Revenge, You’ve Ruined Everything, I Hate You… En effet, l’esprit n’est pas ici à la bluette. Mais, que voulez-vous, quand on chante dans la langue de Rage Against the Machine, Sonic Youth ou des Pixies ? Rarement, dans ces mises en place impeccables pour le laisser jaillir, un cri n’aura été aussi réparateur.
III ★★★, de Last Train (Pias)
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