L’essentiel
- Netflix a mis en ligne lundi les trois épisodes de la série « American Murder : Gabby Petito » qui sont, depuis, le contenu le plus visionné sur la plateforme.
- Cette série documentaire relate ce féminicide qui, à la fin de l’été 2021, a été largement médiatisé, soulevant une émotion mondiale. Gabby Petito, 22 ans, portée disparue alors qu’elle effectuait un road trip en camping-car, a été retrouvée morte, étranglée. Il s’avérera que c’est son fiancé, Brian Laundrie, qui l’accompagnait, qui l’a tuée. Il s’est suicidé sans avoir jamais répondu aux enquêteurs.
- Ce récit d’une relation sous emprise et d’un féminicide est aussi un cas d’école montrant les failles et limite de l’écoute de la parole des victimes par la police.
Depuis sa mise en ligne lundi, la série documentaire « American Murder : Gabby Petito » n’a pas quitté la première place des contenus les plus vus en France sur Netflix. Les trois épisodes retracent cette affaire qui, il y a quatre ans, fut médiatisée dans le monde entier – 20 Minutes s’en était largement fait l’écho. Ce récit d’une relation sous emprise et d’un féminicide est aussi un cas d’école montrant les failles et limite de l’écoute de la parole des victimes par la police. Explications.
Les réseaux sociaux ne sont pas la « vraie vie ». Les couples aux sourires radieux et baignant dans le bonheur sur Instagram ne planent pas forcément dans la béatitude romantique une fois que l’objectif du smartphone se détourne d’eux. Le destin tragique de Gabrielle – alias Gabby – Petito vient le rappeler.
L’été 2021 semble avoir parfaitement commencé pour la jeune femme de 22 ans. Avec son fiancé, Brian Laundrie, elle s’est lancée dans un road-trip en camping-car sur les routes des Etats-Unis, accomplissant l’un de ses rêves. Elle projette de raconter cette belle aventure dans un blog et dans des vidéos sur YouTube. Elle n’aura l’occasion que d’en poster une seule sur la plateforme.
Un très grand nombre de vidéos
A la fin du mois d’août, les proches de Gabby s’étonnent de ne pas avoir de ses nouvelles. Mais peut-être le couple est-il parti camper dans un coin reculé sans couverture téléphonique, tentent-ils de se rassurer. Les jours passant, l’inquiétude se fait plus vive. Celle-ci devient invivable lorsque, début septembre, Brian rentre chez ses parents en Floride, seul…
Où est Gabby ? Les médias commencent à s’intéresser à l’affaire. Des quidams font le plancton devant la maison des Laundrie pour leur demander de sortir du silence. En ligne, nombre d’internautes s’improvisent enquêteurs… Le 19 septembre, le corps de la jeune femme est retrouvé dans une forêt du Wyoming. L’autopsie conclut à un homicide par strangulation. A ce moment-là, Brian Laundrie, qui a toujours refusé de répondre aux enquêteurs, a disparu depuis une semaine. Il ne sera retrouvé que le 20 octobre, mort, le corps dans un état de décomposition avancée, dans un marécage de Floride. Il s’est suicidé en se tirant une balle dans la tête. Les policiers révéleront par la suite avoir retrouvé une note dans laquelle il avoue avoir tué Gabby Petito.
Cette affaire a été très médiatisée car il existait un très grand nombre d’images et de documents audios disponibles. C’est d’ailleurs la vidéo d’un couple de vidéastes, qui documentait son propre road trip, qui a permis de localiser où se trouvait le van de Gabby Petito et Brian Laundrie le 27 août, jour où s’est noué le drame. Et c’est non loin de là que la dépouille de la jeune femme a été retrouvée. Cette multiplicité d’archives contribue à rendre la série documentaire de Netflix particulièrement saisissante. On peut cependant lui reprocher d’avoir eu recours inutilement à l’intelligence artificielle pour recréer la voix de Gabby Petito et lui faire lire certains de ses messages.
Le premier épisode donne à voir un grand nombre de séquences tournées par Gabby pour son blog et où, au-delà des mines enjouées, on peut déceler une tension latente.
L’intervention des policiers qui pose question
Le passage le plus édifiant demeure celui de l’intervention de la police de l’Utah, le 12 août 2021 auprès du couple. Un témoin alerte les forces de l’ordre après avoir vu « une dispute conjugale » devant un restaurant. L’homme frappait sa compagne. Le véhicule correspondant au signalement est identifié peu après. A son bord : Gabby et Brian. Les bodycam – les caméras individuelles – dont sont équipés les policiers immortalisent tout ce qu’il se dit.
Alors que la jeune femme est visiblement en état de détresse, ils s’attardent sur les griffures visibles sur le visage de son compagnon. Elle reconnaît l’avoir griffé. Aux yeux des policiers, c’est lui qui semble être la victime dans cette dispute. Ils recommandent au couple de passer la soirée et la nuit loin l’un de l’autre – ils laissent Gabby repartir en van et conduisent Brian à un hôtel. Un des policiers discute également de manière légère et complice avec le jeune homme, lui suggérant de faire prendre des douches chaudes à sa compagne pour lui faire passer ses crises d’anxiété.
Notre dossier sur les féminicides
Cette séquence est particulièrement parlante en ce qui concerne les limites des interventions policières en de pareils cas. Les parents de Gabby Petito ont ainsi par la suite soutenu un projet de loi du Sénat états-unien qui imposerait à la police de poser onze questions permettant de déterminer si l’un ou une des partenaires est en danger. Ce fait divers médiatisé, décrivant une relation d’emprise, a aussi aidé, comme le confient des proches de la victime, des femmes à quitter leurs compagnons violents et contrôlants.