L’année de ses 30 ans, Olivia Maurel acquiert la certitude qu’elle est née d’une mère porteuse. Elle ignorait les circonstances de sa naissance restées floues, mais pressentait que sa mère biologique n’était pas celle qui l’avait élevée. Pour la jeune femme qui a traversé l’addiction à la drogue et la dépression, ses maux ont une même racine et remontent aux premiers instants de sa vie : l’arrachement à sa mère qui l’a portée durant 9 mois.
Cet ouvrage à cœur ouvert retrace son histoire et celles de tant d’autres qui se sont confiés à elle. Loin de culpabiliser les mères porteuses ou les parents adoptifs, victimes souvent fragiles, c’est l’exploitation humaine de femmes et d’enfants qu’elle dénonce comme une nouvelle forme d’esclavage. « Ici, tout est une affaire de marché », conclut la mère de famille, 33 ans aujourd’hui, après sa découverte progressive des dessous de cette pratique. Un business, plus implicite mais bien réel, qu’elle dénonce aussi dans le cas d’une GPA dite « éthique », qui implique toujours un commanditaire et un arrachement orchestré entre une mère et son enfant. Au-delà de son histoire, son livre lève le voile sur une réalité méconnue.
Face cachée
Olivia Maurel raconte avoir toujours vécu dans la peur de l’abandon. Un syndrome souvent causé par un traumatisme.
« Dès ma naissance, le lien biologique et émotionnel avec ma mère a été brutalement rompu. Je n’ai jamais entendu le son de sa voix me bercer, ni senti ses bras me serrer après être venue au monde. Cette absence initiale de continuité entre la grossesse et l’environnement postnatal a été le fondement du sentiment d’insécurité qui m’habite. Parce que j’étais un nourrisson, ce petit être ultrasensible à toutes les interactions avec le nouveau monde dans lequel il arrivait, j’ai ressenti immédiatement ce vide. Où était ma mère qui m’avait porté neuf mois dans son ventre ? Disparue ! Volontairement. “Sur ordonnance”, comme le dit le Dr René Frydman. En grandissant, en prenant conscience des détails de ma conception et de ma naissance, ce sentiment d’abandon s’est transformé en une série de questions lancinantes. Pourquoi mes parents ont-ils eu recours à une autre femme pour me porter ? Pourquoi m’a-t-elle abandonnée ? Quel avait été mon prix ? Ces interrogations ont ébranlé ma confiance dans les relations avec les autres, hommes ou femmes, semant en moi la crainte d’être à nouveau abandonnée par ceux que j’aime. »
Carence
Désiré à tout prix, l’enfant reste pourtant le premier oublié de la GPA. Au droit à l’enfant, l’auteur répond : droit de l’enfant.
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« Il est facile d’expliquer pourquoi les parents aspirent à avoir des enfants grâce à la maternité de substitution. Pour certains, c’est à cause du désir de fonder une famille et, pour d’autres, comme un couple d’hommes, cette voie est la seule option viable pour avoir un enfant avec lequel l’un des deux aura un lien biologique. C’est aussi le cas pour les parents seuls, homme ou femme. Néanmoins, ce que je remarque, c’est que l’enfant est le grand absent du long processus d’une maternité pour autrui. Nous parlons des droits des parents, de leur désir inapaisable, mais qu’en est-il des droits de l’enfant à naître, droit de connaître ses origines, droit de comprendre comment il a été conçu ? Quel est l’intérêt supérieur de l’enfant ? À quel moment est-il réellement pris en compte ? La réponse est : jamais.
L’enfant doit être mis en haut de la pyramide car il est le plus lésé dans cette affaire
Jamais personne ne se met à la place de l’enfant. Tout le monde feint de croire que l’enfant sera heureux par définition puisque ses parents qui l’ont tant désiré sont heureux. Trop facile. Ce raisonnement n’est qu’une pirouette. L’enfant doit être mis en haut de la pyramide parce que c’est celui qui est le plus lésé dans cette affaire : lésé d’une mère et parfois d’un père. N’est-ce pas suffisant pour se dire que quelque chose de complètement anormal est arrivé ? Comment a-t-on pu laisser faire cela, c’est-à-dire oublier les droits de l’enfant ? Après le temps des droits de l’homme est venu celui des droits de la femme – enfin ! – que nous vivons en ce moment. Ouvrons le temps des droits de l’enfant en commençant par refuser la maternité de substitution. Et les enfants étant par nature dans l’incapacité de se défendre, qui mieux que les femmes qui les portent pour être leurs porte-parole ? »
Éclairage
Entre adoption et GPA : quelle différence ?
« Certes, au terme de la procédure d’adoption, des personnes qui ne sont pas les vrais géniteurs de l’enfant deviendront officiellement ses père et mère. Cependant, l’adoption est encore dans la majorité des cas prononcée par un tribunal et ne résulte en aucun cas d’un contrat commercial. Sur le plan du vécu, l’adoption intervient dans l’intérêt d’un enfant abandonné ou orphelin – pour régler au mieux une situation malheureuse qui n’a pas été voulue comme telle –, ce qui n’est pas le cas dans la GPA où l’abandon est programmé. Quand la filiation issue de la GPA est établie sur la base de l’adoption, c’est un détournement de cette institution. Celle-ci existe pour « donner une famille à un enfant » et non pour « donner un enfant à une famille » après avoir créé volontairement la situation d’abandon. L’adoption est bien instituée dans l’intérêt de l’enfant pour pallier un accident de la vie, tandis que la GPA impose cet accident de la vie à un enfant. La nuance est de taille ! »
Lobbyisme
Illégale en France, la GPA est pourtant promue dans les médias
« En France, les médias nous nourrissent de beaux documentaires sur la GPA, avec de jolis témoignages de futurs parents et parfois même de très jeunes enfants, sans jamais les confronter à une personne opposée à la GPA. Rares sont les chaînes de télévision ou de radio prêtes à écouter les personnes engagées contre la maternité de substitution, qu’il s’agisse de féministes, de psychothérapeutes, de juristes, de scientifiques ou de simples citoyens. Les médias rapportent très rarement les histoires de mères porteuses dont la santé a été mise à mal ou qui sont mortes au cours de la grossesse. Peu nombreuses sont les personnes disposées à entendre un enfant né d’une maternité de substitution qui, comme moi, s’y oppose. En revanche, nous voyons de jeunes enfants, nés par GPA, instrumentalisés à la télévision ou sur les réseaux sociaux, affirmant que les conditions de leur naissance ne les affectent en aucune façon. Ces enfants ont entre 6 et 14 ans : quel enfant, sur un plateau de télévision ou devant des milliers de téléspectateurs sur TikTok, irait renier la manière dont il est né ? C’est les mettre face à un conflit de loyauté insoluble. »

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