Inutile de remonter à l’âge d’or de l’armement ou du charbon. Saint-Étienne faisait partie du top 15 des villes où il fait bon vivre il y a tout juste cinq ans. Mais depuis le début de ce classement, établi par une association sur la base des priorités des Français en 2020 en partenariat avec le JDD, la préfecture de la Loire ne cesse de reculer. Si bien qu’elle se classe désormais au 34e rang. Un score respectable, au vu des 466 autres villes qui la suivent, mais un déclin qui interroge.
Jacques Rivoire, 70 ans, n’est pas étonné que sa « belle ville » chute dans le classement. La faute à « l’immigration et l’insécurité », selon le chef d’entreprise, croisé ce dimanche près de la cathédrale Saint-Charles. « La journée, ça va encore. Mais la nuit… On ne sort plus après 19 h », souffle-t-il. « La délinquance a évolué défavorablement vers la violence et la dangerosité », confiait fin janvier David Charmatz, procureur de République pendant sept ans à Saint-Étienne, à nos confrères du Progrès. « Nous avons désormais, dans la Loire, des tirs de kalachnikov dans les quartiers, des balles qui arrivent dans des appartements dont les occupants n’ont rien à voir avec le trafic de stupéfiants », expliquait-il, évoquant le souvenir d’un homme tué en 2019 dans le quartier du Soleil, derrière la gare TGV.
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« Il y a des points de deal, il y a du trafic de drogue, mais on ne peut pas se comparer ni à Grenoble, ni à Marseille, ni même à Toulouse », tempère le maire (ex-LR) de Saint-Étienne. Les infractions liées aux stupéfiants ont augmenté de 24 % en 2024 dans la Loire par rapport à l’année dernière, d’après le parquet, qui relève également une hausse de 39 % des vols de véhicules motorisés dans le département. « Malheureusement, il y a des violences intrafamiliales, il y a des cambriolages, je ne peux pas vous dire que ça n’existe pas », regrette Gaël Perdriau. « Mais pas plus qu’ailleurs ! Et en tout cas, rien qui pourrait remettre en cause le classement que les grincheux aimeraient voir plus mauvais ! »
Des logements vacants
Alors pourquoi la qualité de vie est-elle jugée plus faible qu’auparavant à Saint-Étienne ? La ville figure pourtant parmi les moins chères de France en matière d’immobilier, l’un des 11 critères pris en compte par l’association qui dresse ce classement. « Le prix moyen de l’immobilier à Saint-Étienne au mètre carré, dans ce que l’on appelle l’ancien, c’est-à-dire des immeubles qui ont 40 ans ou plus, est de l’ordre de 1 150 à 1 200 euros. C’est quasiment imbattable pour une ville de cette taille », observe Jean-Paul Reduron, président de la Fédération nationale de l’immobilier de la Loire. « Pour autant, de nombreux biens ne trouvent pas preneurs et restent vides ».
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« La classe moyenne s’installe aux alentours et notre cœur de ville se paupérise », diagnostique Lionel Boucher, président de l’UDI 42. « Les communes de la couronne stéphanoise sont beaucoup plus demandées », confirme le président du syndicat immobilier. « Ajoutez à cet exode le manque de sécurité. Ce n’est pas surprenant que beaucoup de commerces de proximité ferment et que de nombreux restaurants se retrouvent à l’agonie », accuse l’élu d’opposition.
Saint-Étienne a perdu 50 000 habitants en 50 ans
L’Authentique, Le Bistrot de Paris, La Fleur au Fusil, L’Arôme d’Sens ou encore le Café Dorian. Ces six établissements du centre-ville ont fermé l’automne dernier. Plus récemment, le 1er février, c’est le bar-restaurant épicerie fine On planche sur l’apéro qui a baissé le rideau. En cause, selon le propriétaire interrogé par Le Progrès : un pouvoir d’achat en berne et un centre-ville qui se vide.
Les Halles de Saint-Étienne, gérées par la société basque Biltoki depuis 2021, subissent le même sort. Six stands sont libres et plusieurs commerçants, faute d’activité suffisante, ne paient plus leur loyer, préférant rémunérer en priorité leurs fournisseurs et leur personnel. Ces commerçants ont été assignés en justice par Biltoki, qui a d’ailleurs annoncé résilier son bail fin mars. « Depuis 2014, on a 500 pas-de-porte supplémentaires », se défend le maire. « La problématique des commerces de centre-ville qui ferment n’est pas propre à Saint-Étienne ». Et pour ce qui est des Halles, Gaël Perdriau confie au JDD que ce lieu emblématique devrait être repris, sans dévoiler par qui.
Un passé glorieux
Autrefois fief du charbon, de la métallurgie, du textile et bien sûr du football, Saint-Étienne a indéniablement perdu de sa superbe – et ce malgré le retour en Ligue 1 cet été du club mythique de l’ASSE. La faillite en 2024 du groupe Casino, fondé par Geoffroy Guichard, dont le nom a été donné au stade des Verts, et le placement en redressement judiciaire de Verney-Carron, plus ancien armurier français, le 12 février, sont les derniers exemples en date de ce déclin. Pour autant, le maire veut voir le verre à moitié plein : « Malgré les crises des années 1970 qui ont détruit des dizaines de milliers d’emplois, nous sommes toujours là. Saint-Étienne, depuis 30 ou 40 ans, s’est reconstruit un tissu de PME et de PMI qui est extrêmement diversifié », défend l’édile, évoquant le chiffre de 35 000 entreprises dans la métropole.
Si le « plan de mandat se déroule comme prévu » selon Gaël Perdriau, sa mise en examen en avril 2023 suggère le contraire. L’élu de 51 ans, présumé innocent, est soupçonné d’avoir été mêlé à une opération visant à faire chanter son ex-premier adjoint pendant huit ans avec une vidéo intime. Il est également soupçonné d’avoir mis en place un mécanisme pour financer ce chantage grâce à des détournements de fonds publics. Cette affaire, révélée par Mediapart, ternit fortement l’image de la ville selon l’opposition. « On est la risée partout en France, déplore Lionel Boucher. Dès qu’on fait un déplacement, on ne nous parle que de ça ! ». Une critique balayée du revers de la main par Gaël Perdriau, qui conteste les faits qui lui sont reprochés : « Je ne crois pas que dans les 11 catégories et les 190 critères du classement des villes où il fait bon vivre, la mise en examen du maire entre en jeu ».
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