
Le discours du vice-président des États-Unis, J.D. Vance, est un coup de tonnerre dans les certitudes des élites occidentales. Ces dernières s’indignent, s’émeuvent, s’inquiètent et voient dans l’adresse du dirigeant américain un défi réactionnaire ou populiste lancé aux démocraties libérales. Mais personne parmi les gouvernants européens ne se pose la question pourtant essentielle que tout bon lecteur des grands auteurs libéraux devrait se poser : que sont devenues les démocraties libérales ces dernières années ? Ont-elles été fidèles à leurs principes et à leur genèse ? Ne sont-elles pas tout simplement sorties de leurs lits ?
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Le libéralisme politique, socle de notre civilisation politique en Europe et aux États-Unis, est une alchimie complexe qui ne saurait se limiter au seul État de droit et au respect des minorités. Une démocratie n’existe pas sans le peuple, sans le pluralisme et sans la liberté d’expression. Pour être libérales, les démocraties doivent d’abord être… démocratiques. Le sont-elles encore dès lors que leur moteur, la souveraineté populaire, est détourné ? En France, l’interrogation depuis le référendum de 2005 « hacké » trois ans plus tard par le traité de Lisbonne ne cesse de se poser. Elle se pose toujours plus dès lors que l’enjeu migratoire, existentiel pour des majorités de citoyens en Europe, est le plus souvent cadenassé par une doxa se refusant de tenir compte des aspirations majoritaires à une fin de l’immigration de masse.
Si crise démocratique il y a, elle ressort exclusivement de la volonté de nombre de gouvernants de ne plus en revenir au peuple, de s’en défier, de s’en écarter et, pour tout dire, de s’en séparer. Les mots pour caractériser ce mal sont simples et connus ; ils ont été décrits dès l’Antiquité par les plus grands auteurs, dont Aristote, qui, à la suite de Platon, a parfaitement identifié le processus de corruption ou de corrosion des régimes. C’est ce que nous vivons de facto. Les démocraties libérales ne sont plus qu’un fronton vidé de leur substance vitale pour perpétuer des systèmes en voie d’oligarchisation. En d’autres termes, la démocratie libérale est bien plus un slogan qu’une réalité.
D’aucuns diront qu’elle est même une étoile morte. C’est bien cette tendance à l’oligarchie qui explique deux phénomènes qui, aujourd’hui, sont présentés comme les parangons du libéralisme politique alors qu’ils n’en sont que le dévoiement : la pente à une modération in fine immodérée, dont la visée est d’empêcher toute remise en cause de l’idéologie oligarchique — on appelle cela une censure qui ne dit pas son nom mais qui n’en demeure pas moins une ; et la fétichisation ou réification de l’État de droit, dont on ossifie les règles d’une manière toujours plus extensive afin d’éviter que, sur un certain nombre de sujets, la souveraineté populaire ne puisse modifier l’ordre idéologique dominant.
L’Union européenne est ainsi le trou noir des démocraties libérales ; elle n’est pas plus démocratique que libérale
L’Union européenne est ainsi le trou noir des démocraties libérales ; elle n’est pas plus démocratique que libérale… Dès lors, Vance a eu raison de rappeler aux gouvernants européens qu’ils avaient tout simplement oublié et leur histoire, et leur promesse. Leur indignation se gage sur leur amnésie, au mieux, leur trahison, au pire…
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*Arnaud Benedetti est professeur associé à la Sorbonne et auteur de « Aux portes du pouvoir – RN, l’inévitable victoire ? » (Michel Lafon).
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