
Jeudi 13 février, à Valence, pas de « bête féroce » ni de « tueur » à la tribune, comme certains de ses soutiens l’annonçaient au lendemain de la déclaration de candidature de Bruno Retailleau à la présidence des Républicains. Ambitieux, déterminé, critique même à l’endroit de son adversaire, mais pas d’attaque intuitu personæ. Ceux qui, sur les bancs du cirque, se délectaient d’un combat sanglant entre gladiateurs, en seront pour leur frais. Dès sa déclaration de candidature, Bruno Retailleau donnait le ton : « Pas de débat public. » Pas de confrontation sur les rings des chaînes d’information, gourmandes de ces soirées spéciales dont on se demande lequel des duettistes sortira en lambeaux.
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S’il y a des coups bas, ce ne sera pas de leur fait. Dans ces campagnes internes, les agressions émanent souvent des entourages, pas des protagonistes. D’autant que Laurent Wauquiez comme Bruno Retailleau se rejoignent dans un gentlemen’s agreement autour de la nécessité de transformer ce moment de démocratie interne en un souffle puissant qui replace les Républicains au centre du jeu politique. « Une campagne interne, c’est sain, abonde Franck Louvrier, qui a traversé bien des élections internes. Non seulement c’est le signe d’une vitalité, l’occasion de débattre, mais c’est un formidable levier pour attirer les adhésions. Quatre-vingt-dix jours avant l’élection, cela donne le temps et l’envie d’adhérer pour participer au choix final », conclut-il. Les électeurs sont la clef et conditionnent les stratégies des deux candidats.
Chacun a une carte à jouer
Laurent Wauquiez a déjà fait le tour des fédérations, il y retournera. « Les 35 000 adhérents l’auront vu avant le premier tour », promet son entourage. Côté Retailleau, on parie sur l’adhésion de nouveaux convertis par l’émergence fulgurante du ministre de l’Intérieur depuis son arrivée à Beauvau. Dans cette campagne, l’un et l’autre ont les avantages et les inconvénients de leurs positions respectives. Ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau ne prendra pas le risque de négliger une fonction particulièrement exposée. Compliqué de sillonner les fédérations, de soigner tous les élus locaux d’un territoire auquel Laurent Wauquiez, lui, pourra consacrer du temps.
Même au PS, on regarde le vieux rival avec envie
Des cafés apéritifs, des réunions publiques soigneusement calibrées sur les territoires stratégiques, le ministre de l’Intérieur est cantonné à une campagne de sauts de puce. Mais inversement, il bénéficie par sa fonction d’une tribune quasi quotidienne dans les médias pour défendre ses positions à l’occasion du moindre fait divers ou de la moindre situation de crise. Inévitablement, s’il est élu, la question de son maintien à Beauvau se posera. Le motif ? À l’image de son argumentaire dans l’affaire de l’influenceur Doualemn, prenant les Français à témoin de son impuissance face à des règles de droit parfois paralysantes pour l’action publique, d’autres faits d’actualité comparables l’amèneront à s’interroger sur son utilité politique au gouvernement. Mais rien ne presse, comme lui a récemment glissé Nicolas Sarkozy : « Tant que tu n’as aucun intérêt à partir, ne pars pas. Les occasions viendront bien assez tôt »…
Le départ d’Éric Ciotti a clarifié la ligne
Au-delà du choix interne d’un parti de 35 000 et quelques adhérents, l’élection du président des Républicains concentre l’attention de l’ensemble des acteurs politiques. « Pour la première fois depuis la primaire de 2016, on sent bien que tout le monde s’intéresse à nous », témoigne un dirigeant du mouvement. Les dernières élections partielles, municipales anticipées à Villeneuve-Saint-Georges et à Francheville, ont vu le candidat de droite l’emporter, comme à la législative partielle de Boulogne. Comme si le retour aux responsabilités gouvernementales des Républicains avait réveillé le peuple de droite. La donne est peut-être en train de changer, et celui qui sortira de cette élection aura l’avantage sur un Édouard Philippe ou un Gabriel Attal d’avoir été élu, et non désigné. Cela donne une force supplémentaire à un chef de parti, dans un contexte de précampagne présidentielle.
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Parfois, la vie politique n’a rien à envier à une série Netflix sortie de l’imagination d’un brillant scénariste
Même au PS, on regarde le vieux rival, longtemps donné pour mort, avec… envie. Le départ d’Éric Ciotti a offert un débouché aux partisans d’une alliance avec le RN et a permis à ceux restés chez les Républicains de clarifier la ligne du mouvement. Les socialistes, eux, sont encore englués dans leurs ambiguïtés à l’endroit des Insoumis, et leur congrès de clarification se prépare dans le plus grand flou, voire dans la fébrilité. Parfois, la vie politique n’a rien à envier à une série Netflix sortie de l’imagination d’un brillant scénariste. En assistant à la renaissance, certes encore incertaine, des Républicains, on est tenté de ressortir l’adage qu’a fait sien François Hollande, Monsieur 2 %, devenu président : « En politique, rien ne se passe jamais comme il était prévu. »
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