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Vous souvenez-vous de « L’École des fans », incontournable rendez-vous de nos après-midi dominicaux où des têtes blondes chantonnaient les tubes des stars invitées par Jacques Martin ? Avant de rendre l’antenne, victime souriante d’un système de notation loufoque, l’animateur concluait d’un implacable : « Ils ont tous gagné ! » Soit l’exact inverse des dirigeants et diffuseurs du football français. On avait même pensé intituler cette chronique « L’École des fanés » – plus par dépit que par ironie, connaissant les difficultés parfois inimaginables rencontrées par les présidents de clubs – avant de se raviser, pris d’un vertige rétrospectif. Car depuis 2018, la Ligue 1 va de Charybde en Scylla, et on ne parle pas de transferts de joueurs.
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Aveuglés par le fameux « milliard » promis alors par Mediapro (« Un jour béni pour le foot français », avait notamment déclaré Jean-Michel Aulas), les caciques de la Ligue (LFP) avaient abandonné en route, sans trop se retourner, leur partenaire historique depuis trente-cinq ans, Canal+. De nombreux pénitents déplorent aujourd’hui ce « péché originel ». Davantage intéressé par la spéculation que par le développement de la compétition, le groupe catalan – également plombé par la pandémie de Covid – jette l’éponge dès l’hiver 2020. Amazon lui succède, puis DAZN l’été dernier, à chaque fois pour des sommes inférieures. L’asphyxie économique menace, à peine tempérée par l’engagement renouvelé de beIN Sport.
Entre-temps, Vincent Labrune a pris les commandes de la LFP et conclu un drôle de deal (à vie) avec un fonds d’investissement américain, CVC, qui a injecté 1,5 milliard d’euros contre 13 % des revenus annuels de l’instance. Si l’ex-président de l’OM ne peut être tenu pour responsable de tous les maux, sa personnalité bravache (« Personne n’aurait pu faire mieux ») le désigne à la vindicte populaire, tout comme ses amis présidents qui lui ont signé un blanc-seing et se retrouvent pieds et poings liés. Cette semaine, la situation est devenue tellement surréaliste que la Ligue s’est décidée à régler elle-même la moitié des droits TV que DAZN a placés sous séquestre pour protester contre le manque de soutien face au piratage et une collaboration insuffisante des clubs.
Déficitaire jusqu’à la moëlle avec seulement 500 000 clients, la plateforme britannique serait mieux inspirée de s’intéresser aux conséquences de sa politique commerciale (abonnement initial de 40 euros mensuels, du jamais-vu) et éditoriale déficiente. N’est-il pas déjà trop tard ? Pour des lendemains qui chantent, la plupart des acteurs se tournent de nouveau vers Canal+. Mais le retour à l’antenne de « L’École des fans » n’est pas à l’ordre du jour.
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