C’est à coup sûr l’un des discours les plus forts de la politique étrangère de la France depuis la Seconde Guerre mondiale, au point d’apparaître aujourd’hui dans la culture populaire française. Le vendredi 14 février 2003, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, Dominique de Villepin exprimait avec force et brio l’opposition de la France face à une éventuelle intervention militaire alliée contre l’Irak de Saddam Hussein. Celui-ci est soupçonné de détenir des armes de destruction massive.
Le discours a été préparé en France par le ministre et son équipe , revu et corrigé par le président Chirac. Il sera retravaillé jusqu’à la dernière minute, mais son contenu gardé secret afin de provoquer un effet de surprise. Chaque mot a été pesé. « Dans ce temps des Nations Unies, dit de Villepin, nous sommes les gardiens d’un idéal, les gardiens d’une conscience. La lourde responsabilité et l’immense honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix. Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui (…) Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs, et qui pourtant n’a cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes. »
Dans son éditorial, Jean-Claude Maurice relève qu’au-delà des applaudissements qui laissaient médusée la délégation américaine « il s’est passé quelque chose à l’ONU, un tournant peut-être, en tout cas la confirmation que les États-Unis, seule hyperpuissance en action, n’avaient plus à ce moment l’oreille du monde ».
Pour toujours, de Villepin se souviendra de ce jour où il a transformé en tribune de paix une enceinte qui se donnait des airs de guerre
Partout en Europe, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Grande- Bretagne, les manifestations battent des records. C’est un raz de marée des « anti-guerre ». À Paris, cent à deux cent mille manifestants, que tout oppose, défilent « derrière Chirac, pour l’honneur de la France ». On voit de tout : nonnes, anarchistes, croix de Lorraine, familles entières, Maos, voiles islamiques, poids lourds de la droite et de la gauche, vieux de la vieille et nouveaux venus.
À New York, de Villepin a été félicité par Kofi Annan, le secrétaire des Nations Unies : « Dominique, jamais, un discours n’avait été tant applaudi… » Lorsqu’il traverse la rue devant son hôtel, le ministre français est arrêté par un groupe de femmes de l’organisation « Women for peace ». « Bravo ! Tenez bon ! » lancent-elles en lui offrant des fleurs et des chocolats.
La suite après cette publicité
Pour toujours, de Villepin se souviendra de ce jour où il a transformé en tribune de paix une enceinte qui se donnait des airs de guerre. Au JDD, il déclare : « Nous sommes convaincus qu’il faut un monde multipolaire et qu’une puissance seule ne peut assurer l’ordre du monde. Faisons en sorte que l’Europe soit capable d’affirmer son identité et ses principes et de défendre son ambition. »
Quelques semaines plus tard, le 20 mars, la guerre d’Irak sera néanmoins déclenchée, emmenée par les États-Unis de Bush et de Powell, sans l’aval de l’ONU, et donc de la mener en toute illégalité internationale.
Source : Lire Plus