À Nice, le jour de gloire du mimosa est enfin arrivé ! Et les mimosistes sont à la fête : seize tonnes de fleurs jaunes vont passer entre leurs mains pour finir sur la tête des spectateurs. Le corso fleuri des cinq batailles de fleurs est composé d’une quinzaine de chars ornés de fleurs fraîches (œillets, roses, jonquilles, glaïeuls, tokyos, gerberas, strelitzias, dahlias, liliums et mimosas issus à 80 % de productions locales).
Comme chaque année, pendant trois semaines, la Carnavalina, le très contagieux virus du carnaval, s’empare de la cité azuréenne. « Et comme tout bon virus, ça se répand ! s’amuse Caroline Constantin, la directrice du carnaval. Cette année, nous avons décidé de créer un événement qui n’existe pas dans le grand livre du carnaval, qui s’appelle la Carnavalina, le jour d’ouverture, le 15 février, justement pour que le virus de la fête se répande dans toute la ville. »
Héritier des fêtes païennes liées au cycle des saisons, le carnaval a ensuite été intégré dans le calendrier chrétien, avec comme point d’orgue le Mardi gras, célébré la veille du mercredi des Cendres, jour d’entrée dans le carême. « Le carnaval existe pour faire fuir nos peurs et nos démons, explique Caroline Constantin. Et c’est pour ça qu’on se permet de se costumer, de se grimer pour rentrer dans la peau de quelqu’un d’autre. Et puis, on fête surtout la fin de l’hiver et l’accueil du printemps. »
À Nice, la fête ne date pas d’hier. En 1294, le comte de Provence, Charles d’Anjou, de passage à Nice, a fait savoir qu’il y avait passé « les jours joyeux du carnaval ». Pendant des siècles, la plupart des têtes couronnées n’auraient manqué pour rien au monde les festivités du carnaval. Il faudra cependant attendre treize ans après l’annexion par la France pour qu’un jeune fonctionnaire de la nouvelle préfecture des Alpes-Maritimes, Andriot Saëtone, prenne l’initiative de créer un « Comité des fêtes » pour « redonner au carnaval sa vigueur d’antan ».
Magie de l’administration française, c’est ainsi que Nice organisa « officiellement » son premier carnaval, le 23 février 1873 ! Trois ans après, les batailles de fleurs étaient créées. Ce spectacle unique au monde, dû à l’imagination du poète-jardinier Alphonse Karr, enchante toujours plus de 200 000 personnes chaque année. Autre tradition qui se perd dans la nuit des temps, les artistes Ymagiers, dont les dessins retenus sont ensuite modélisés et transformés en chars et grosses têtes des corsi par les carnavaliers dans les ateliers de la Maison du carnaval et de la halle Spada. Deux artistes ont marqué de leur génie le barnum nissart : Alexis Mossa et son fils, Gustave-Adolphe Mossa, « Ymagier du Roy Carnaval » pendant près de soixante-dix ans, de 1902 à 1971.
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« Le carnaval est un véritable opéra de rue »
Aujourd’hui, Gérard Artufel, Ymagier du couple royal et de certains de leurs sujets depuis plus de vingt ans, a pris la relève avec un magnifique dessin du roi des Océans. Peintre-décoratrice et scénographe de formation, Caroline Constantin s’inscrit dans le droit fil de cette tradition picturale à la manière du peintre Arcimboldo : « Je considère que le carnaval est un véritable opéra de rue », explique celle qui veille à la direction artistique d’un des trois plus grands carnavals du monde avec Venise et Rio.
Depuis cinq ans, cette ancienne directrice des ateliers de l’opéra de Nice s’est jetée à corps perdu dans ce qu’elle appelle une « expérience incroyable ». « Chaque année, il faut écrire une véritable dramaturgie, décrit-elle au JDNews. Le carnaval n’est pas simplement une succession de très beaux chars, de très belles troupes et de très beaux costumes. Il faut écrire une histoire qui puisse rythmer plus de quatre-vingt-dix minutes de parade. Où va-t-on mettre telle troupe ? Quelle couleur allons-nous choisir pour fleurir les chars ? Quelle musique ? C’est pour toutes ces raisons que j’apparente le carnaval à un opéra de rue avec ses décors et ses costumes magnifiques, visible non pas sur une scène, mais une scène à ciel ouvert que sont la place Masséna et la promenade des Anglais. »
Un spectacle éphémère qui se terminera le 1er mars par l’incinération face à la mer pour dire adieu à Sa Majesté Carnaval…
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