Étudiant à Sciences Po, Alexis Monget est récemment rentré d’Israël. Il témoigne aux Assises de la lutte contre l’antisémitisme organisées par la ministre Aurore Bergé.
Le JDNews. Vous revenez d’un déplacement en Israël. Qu’avez-vous vu ? Pouvez-vous nous raconter ce voyage ?
Alexis Monget. Ce voyage a été organisé en collaboration avec l’UEJF à Sciences Po. Nous avons parcouru plusieurs régions d’Israël : Jérusalem, Haïfa, Tel Aviv, le désert du Néguev et les rives de la mer Morte. L’objectif était de rencontrer ceux qui vivent le conflit au quotidien et d’échanger avec des rescapés du 7 octobre. Nous avons notamment rencontré un survivant de l’attaque, des militants palestiniens, ainsi qu’un homme qui, ce jour-là, a sauvé 750 jeunes en effectuant des allers-retours avec son camion. Nous avons aussi eu l’occasion de discuter avec une avocate spécialisée en droit international, ainsi qu’avec l’ambassadeur et le consul de France.
Quelles rencontres vous ont le plus marqué ?
Les échanges avec les rescapés m’ont profondément marqué. Leur émotion était palpable, et leur traumatisme indélébile. Ce qui m’a frappé, c’est l’évolution de leur regard sur le conflit : certains, autrefois favorables à la création d’un État palestinien, refusent aujourd’hui même d’en voir le drapeau et rejettent catégoriquement l’idée d’une solution à deux États. Nous sommes revenus plus pessimistes quant à l’issue du conflit. La haine et les blessures sont profondément ancrées des deux côtés, rendant toute perspective de réconciliation de plus en plus incertaine.
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En 2024, 1 570 actes antisémites ont été recensés en France, avec une explosion des incidents depuis le 7 octobre 2023, notamment dans les écoles, collèges et lycées, où les atteintes ont doublé en un an. Comment inverser cette tendance ?
Il est évidemment difficile pour chacun d’accéder directement à la réalité du terrain, qui permet pourtant de mieux comprendre la complexité de la situation. Mais la lutte contre l’antisémitisme passe avant tout par l’éducation : la transmission et la pédagogie seront essentielles. Il faut sensibiliser les jeunes à la culture juive et leur faire comprendre que ce conflit ne se résume pas à une opposition binaire. Le véritable problème en France, c’est que nous avons perdu toute mesure dans le débat. La méconnaissance du judaïsme et de l’histoire de ce conflit fait que beaucoup de jeunes prennent pour argent comptant les premières outrances qu’ils entendent, et cela contribue à l’antisémitisme. Tant que cette ignorance perdurera, les crispations continueront de s’intensifier.
« Lorsque j’ai tenté d’expliquer que mon objectif était simplement de comprendre l’état d’esprit des Israéliens, certains ont refusé de me croire »
Vous êtes étudiant à Sciences Po, où une enquête interne a été ouverte après qu’une étudiante s’est vue refuser l’accès à une conférence pro-palestinienne l’an dernier. En octobre, le président de l’établissement a saisi la justice après des manifestations anti-Israël. Quelle est la situation aujourd’hui ?
La situation est plus apaisée qu’en 2024, lorsque les blocus étaient fréquents et que les appels à l’intifada se multipliaient. Aujourd’hui, ces manifestations ont cessé, mais les étudiants restent largement hermétiques au débat sur le sujet. À mon retour d’Israël, j’ai été pris à partie à Sciences Po, accusé d’être un « partisan du génocide » et d’un État colonisateur. Lorsque j’ai tenté d’expliquer que mon objectif était simplement de comprendre l’état d’esprit des Israéliens, certains ont refusé de me croire, d’autres ont préféré détourner le regard. J’ai le sentiment que Luis Vassy, le nouveau directeur de Sciences Po, a choisi de durcir le ton face à cette minorité bruyante qui alimente l’antisémitisme. Quant à la majorité silencieuse, qui ne partage pas cette radicalité mais reste en retrait, on sent qu’elle prend peu à peu ses distances avec ces discours extrêmes.
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