On le disait moribond, réduit à un vestige de la Ve République, condamné à n’être plus qu’un souvenir politique. Pourtant, depuis quelques semaines, Les Républicains semblent revenir d’outre-tombe. Les cadres du mouvement en sont convaincus : la droite n’a pas dit son dernier mot. « Je le sens, la droite est de nouveau écoutée et c’est pourquoi, demain, elle peut gagner », a même écrit Bruno Retailleau ce mercredi dans un courrier adressé aux militants, officialisant sa candidature à la tête du mouvement. Une dynamique s’amorce. Selon un sondage Ifop pour L’Opinion, LR atteint désormais 13 % d’intentions de vote, soit le double de son score aux législatives de juillet dernier.
Un sursaut impensable il y a encore quelques mois. Après avoir péniblement récolté 7 % aux élections européennes de juin, le parti semblait en chute libre. L’alliance d’Éric Ciotti avec le Rassemblement national, lors des législatives post-dissolution, avait laissé nombre d’élus abasourdis. Malgré tout, quarante-sept députés ont été élus sous l’étiquette « Droite Républicaine », un recul de quatorze sièges par rapport à la précédente législature.
La nomination de Barnier a changé la donne
C’est la nomination surprise de Michel Barnier à Matignon qui a d’abord rebattu les cartes. Longtemps hésitant, le groupe LR à l’Assemblée nationale a tardé à le soutenir, redoutant une absorption dans le bloc central. Pourtant, face à la nouvelle donne politique, les députés de droite ont fini par rentrer dans le rang. En retour, LR a obtenu cinq ministères de plein exercice, dont la très stratégique place Beauvau. « Ce qui ne veut pas dire qu’on est devenu macroniste ou qu’on veuille réécrire notre passé d’opposition. C’est simplement que les rapports de force ont évolué », nuance un député LR.
La véritable locomotive de ce renouveau porte un nom : Bruno Retailleau. Ancien patron discret des sénateurs LR, il s’est imposé comme l’homme fort du gouvernement Barnier après sa nomination à l’Intérieur. Fer de lance sur la question migratoire, omniprésent dans les médias, il est rapidement devenu le ministre le plus en vue, avant d’être reconduit — et renforcé — sous François Bayrou. Sa popularité s’envole, en phase avec les priorités des Français. Ce mercredi 12 février, il a même été élu personnalité politique de l’année par le jury du Prix du Trombinoscope. « Ce qui fait sa force, c’est qu’il dit ce qu’il a toujours dit. Ses convictions affirmées et trempées n’ont jamais empêché de rassembler autour de lui. Puis, c’est certain que rentrer au gouvernement lui a donné une autre dimension », se réjouit le sénateur LR Max Brisson.
« Sa candidature est profondément légitime »
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Jusqu’à briguer la présidence du parti et raviver la guerre des chefs à droite ? « Sa candidature est profondément légitime, défend un sénateur proche de Bruno Retailleau. Depuis quand démocratiser un mouvement signifie-t-il qu’il ne doit y avoir qu’un seul candidat ? Il y a plusieurs ambitions, et elles seront tranchées par l’élection. » Une déclaration qui n’a pas manqué d’exaspérer Laurent Wauquiez, officiellement entré dans la course ce jeudi 13 février. En coulisses, le président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée aurait tenté – en vain – de rappeler à Retailleau leur accord tacite : lui, le parti ; Retailleau, le gouvernement. Un accord que l’entourage du Vendéen dément fermement.
« Que ce soit Bruno Retailleau ou Laurent Wauquiez, je suis sûre qu’ils sauront mettre leur ego de côté pour l’intérêt général », tente de tempérer la présidente par intérim des Jeunes LR, Manon Deliot. Un bureau politique doit fixer la date de l’élection interne lundi prochain, probablement dans un délai de trois mois. « On est gaullistes, et un chef doit être désigné rapidement », insiste la jeune femme, dont « le cœur balance pour Retailleau ». Elle se réjouit de « l’engouement autour du parti », du « pic d’adhésions chez les Jeunes LR » et du plan de « refondation » initié par Wauquiez. « Ce que je retiens de son travail, c’est la place redonnée aux militants. Leur permettre de choisir le nom du parti et d’influencer la ligne politique est essentiel », ajoute-t-elle.
« Quand des personnalités de droite sont en responsabilité, on arrive de nouveau à être audible »
Mais l’atout de LR ne se limite pas à Retailleau. « Si le parti revient sur le devant de la scène, c’est aussi grâce à nos ministres, qui font du très bon boulot », affirme le député des Alpes-Maritimes Éric Pauget. Il cite notamment Annie Genevard à l’Agriculture, un défi loin d’être gagné d’avance, et Yannick Neuder à la Santé, dont l’action est saluée. « Quand des personnalités de droite sont aux responsabilités, elles rendent le parti audible en appliquant des mesures concrètes qui parlent aux Français », insiste Pauget. Un constat partagé par le sénateur Max Brisson : « Avec eux, on est clairement en train de retrouver les couleurs d’un parti de gouvernement. »
Les résultats électoraux confirment ce regain. Dimanche 9 février, dans une législative partielle des Hauts-de-Seine, la candidate LR Élisabeth de Maistre a triomphé avec près de 60 % des voix, dans un bastion macroniste. Une semaine plus tôt, Kristell Niasme remportait largement la mairie de Villeneuve-Saint-Georges face à Louis Boyard (LFI). Fin janvier, en Isère, Nathalie Béranger a plus que doublé son score entre deux scrutins, passant de 7 à 17 % au premier tour. « Ce sont des signaux très encourageants. Ceux qui nous avaient enterrés un peu vite vont devoir réviser leur jugement », conclut Éric Pauget.
Les LR actifs au Parlement
Les Républicains entendent bien jouer un rôle clé dans l’hémicycle. Le 6 février dernier, leur niche parlementaire à l’Assemblée nationale a fait grand bruit. Les députés de droite ont réussi à faire adopter un texte restreignant le droit du sol à Mayotte. Celui-ci prévoit désormais que l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés sur l’archipel soit conditionnée à la résidence régulière des deux parents (et non plus d’un seul) sur le sol français depuis au moins un an (au lieu de trois mois).
Au Sénat, les LR poursuivent leur offensive législative sur l’immigration. Deux propositions de loi ont été déposées : la première vise à porter à 210 jours – contre 90 actuellement – la durée maximale de détention en centre de rétention administrative (CRA) pour les étrangers en situation irrégulière condamnés pour des infractions violentes ; la seconde durcit les conditions d’accès aux aides sociales pour les étrangers en situation régulière. Début février, une proposition de loi transpartisane entre LR et le PS sur le narcotrafic a également été adoptée au Sénat.
Cette offensive parlementaire a de quoi inquiéter le Rassemblement national. Pour l’instant, les lepénistes peuvent souffler : selon un sondage Ifop pour L’Opinion, le RN reste crédité de 35 % d’intentions de vote en cas de législatives anticipées. Mais le retour d’une droite décomplexée et active pourrait réveiller un vieux spectre : le “traumatisme Sarkozy”. En 2007, l’ancien maire de Neuilly-sur-Seine avait siphonné une bonne partie des voix du Front national en mettant la question de l’identité française au cœur de sa campagne.
Quelle stratégie pour 2027 ?
Malgré cette dynamique, la prudence reste de mise chez les élus LR. Pas question de se projeter trop vite sur 2027. « C’est beaucoup trop tôt. Certains n’ont toujours pas compris où nous en sommes. Avec seulement 47 députés, nous restons fragiles », tempère le député des Alpes-Maritimes Éric Pauget. Et d’ajouter : « Il faut d’abord capitaliser sur nos succès récents, refonder le parti, et viendra ensuite le temps de parler présidentielle. »
Mais au sein des cadres du parti, l’échéance divise déjà. Le maire de Cannes et président de l’Association des maires de France (AMF), David Lisnard, a jeté un pavé dans la mare en se déclarant ouvert à une primaire… « avec ceux qui veulent, même Éric Zemmour. » Une proposition immédiatement tempérée par Roger Karoutchi, sénateur LR : « La primaire a laissé de mauvais souvenirs chez nous. Plusieurs responsables demandent même sa suppression des statuts du parti. » De son côté, Laurent Wauquiez pose ses conditions dans Le Figaro : « La campagne pour désigner notre président de parti n’est pas celle pour désigner notre candidat en 2027. »
Dans les rangs de la droite, l’heure est donc encore au pragmatisme. « Nous ne sommes pas encore dans le temps des candidatures. Notre meilleur atout pour 2027, c’est de prouver aux Français que nous sommes efficaces », insiste Anne-Laure Blin, porte-parole des députés LR. Et de conclure : « Nous avons traversé des phases difficiles. Mais aujourd’hui, notre responsabilité est de ne rien lâcher et de nous battre pour nos convictions. C’est là notre meilleure chance de réussite pour 2027. »
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