![Le président américain Donald Trump.](https://www.lejdd.fr/lmnr/rcrop/375,250,FFFFFF,forcey,center-middle/img/var/jdd/public/styles/paysage/public/media/image/2025/02/12/15/abaca_brdpa20250212_132.jpeg?VersionId=3g.vGfIDsVBTlObR8H1qLP6ldm5qSN3o)
Derrière les déclarations et propositions tonitruantes de Donald Trump se cache souvent une logique stratégique que beaucoup sous-estiment. Comme d’autres annonces auparavant, l’idée du président américain de transformer Gaza en une « Riviera du Moyen-Orient » a immédiatement déclenché sarcasmes et critiques. Pourtant, si l’on dépasse les apparences, cette proposition s’inscrit dans une vision plus large visant à remodeler l’équilibre géopolitique de la région et à contrer l’influence de la Chine.
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La proposition de Donald Trump de transformer la bande de Gaza en « Côte d’Azur du Proche-Orient » a suscité des réactions négatives, mais elle répond à des impératifs stratégiques : faire coexister Israël et la Palestine, sortir le Hamas et redessiner les équilibres géopolitiques de la région. Tant que le Hamas commandera à Gaza, aucune reconstruction n’est envisageable puisqu’il sera difficile d’avoir des investisseurs en raison du blocus et des incertitudes. De plus, la solution à deux États apparaît de plus en plus difficile après l’attaque meurtrière du 7 octobre. Enfin, avec les accords d’Abraham, Donald Trump souhaitait avoir une coexistence plus durable entre les pays arabes et Israël, qui devient la superpuissance régionale. Redéfinir l’équilibre de la région est la solution de Donald Trump pour assurer la stabilité de la zone, tout en la maintenant sous influence américaine.
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Trump voit les conflits comme des problèmes à résoudre par des accords transactionnels, même sur la question palestinienne. Le déplacement des habitants de Gaza vers la Cisjordanie est, pour lui, une solution pratique pour stabiliser la région. Un territoire palestinien éclaté, avec le Hamas contrôlant Gaza et l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, garantit une instabilité perpétuelle. Les zones tampon et les corridors fragmentés mènent historiquement au conflit, comme le corridor de Dantzig avant la Seconde Guerre mondiale. En rapatriant tous les Palestiniens vers la Cisjordanie, il compte faire de la Palestine un territoire uniforme, sous tutelle des alliés américains que sont Israël et la Jordanie, écartant ainsi toute influence iranienne via le Hamas.
Sécuriser les routes commerciales et contenir la Chine
S’il y a une constante dans la politique étrangère de Trump, c’est son obsession pour la Chine. En effet, son objectif est de rendre sa grandeur à l’Amérique, ce qui exclut que le rival chinois puisse devenir la première puissance mondiale d’ici 2049, comme l’espère son président Xi Jinping. Ainsi, lors de son premier mandat, Trump a engagé une guerre commerciale sans précédent, imposant des droits de douane et cherchant à limiter la dépendance américaine aux chaînes d’approvisionnement chinoises. Même si le déficit commercial s’est réduit depuis le plus haut de 2018, il reste de 300 milliards de dollars à l’avantage de la Chine et continue d’être le plus élevé des États-Unis vis-à-vis d’un seul partenaire.
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Trump sait que l’affrontement sino-américain ne se joue pas que sur les droits de douane : la véritable bataille pour dominer l’économie mondiale se livre sur le contrôle des routes commerciales. La Chine a étendu son influence en Méditerranée via son initiative des Nouvelles Routes de la Soie. Pékin contrôle aujourd’hui des ports stratégiques comme celui du Pirée en Grèce, d’Haïfa en Israël et de plusieurs terminaux en Afrique du Nord. Pour Trump, voir la Chine dépasser les États-Unis dans la zone est inacceptable. Son regard sur Gaza ne se limite donc pas au conflit israélo-palestinien : il s’agit d’une bataille d’influence pour dominer la Méditerranée, la mer Rouge ainsi que le golfe persique, une zone stratégique pour le commerce mondial.
Le canal de Suez est l’un des points névralgiques du commerce mondial, avec près de 12 % du trafic maritime global y transitant chaque année. Pourtant, les États-Unis ne disposent d’aucune base militaire permanente à proximité. Une aberration stratégique lorsque l’on sait que la Russie renforce sa présence en Libye, en étant présente à Tobrouk par exemple, que la Chine avance ses pions en Afrique de l’Est, avec le port de Doraleh à Djibouti, ainsi qu’en Méditerranée. Trump, qui raisonne en termes d’avantages compétitifs, ne peut tolérer un statu quo où Washington resterait en retrait.
L’objectif de Donald Trump est clair : empêcher toute puissance étrangère de menacer la liberté de navigation et garantir que les voies commerciales américaines ne soient pas soumises à des chantages ou à des blocages imposés par Moscou ou Pékin. De la même manière qu’il a utilisé les droits de douane pour rééquilibrer ses relations commerciales et politiques avec certains pays, serait-il totalement invraisemblable qu’il ferme l’accès à certaines voies navigables, afin d’obtenir des avantages diplomatiques ou économiques de la part de certains États ?
Les États-Unis, maître des mers et du commerce international
Pour rendre sa grandeur à l’Amérique, Donald Trump tente de faire de son pays le maître des mers et du commerce international. La mainmise de la Chine sur le commerce international s’est effectuée progressivement, à mesure que celle-ci s’est imposée comme l’usine du monde. Il est peu probable que les États-Unis puissent rivaliser avec l’appareil productif chinois, mais Donald Trump pourrait en revanche contrôler le commerce international par l’intermédiaire des voies navigables, par la maîtrise des mers et des zones clés.
Faire en sorte que les États-Unis conservent leur leadership sur les affaires du monde
Le contrôle de Gaza répond à cet objectif puisque cela permet de mettre fin à l’instabilité qui nuit aux affaires, d’ouvrir la voie à l’exploitation du gaz offshore à destination de l’Europe et d’implanter les Américains dans une zone stratégique. Le prisme de Trump est avant tout économique : stabiliser la région, c’est sécuriser un carrefour commercial clé, connecté à la Méditerranée, proche de l’Égypte et du canal de Suez.
La proposition d’acheter le Groenland repose non seulement sur une région riche en ressources naturelles, notamment en terres rares, uranium ou hydrocarbures, mais aussi stratégiquement cruciale dans la course à l’Arctique, où la Chine et la Russie gagnent du terrain alors que la fonte de glaces devrait ouvrir de nouvelles voies navigables. De même, le canal du Panama est vital pour le commerce continental et est une voie privilégiée pour relier l’Asie à la Côte est américaine. Le canal voit 6 % du commerce mondial passer et représente 40 % du passage de porte-conteneurs étasuniens. Enfin, l’affrontement dans le détroit de Taïwan s’explique aussi par l’importance de l’île dans les semi-conducteurs.
Un prisme avant tout économique
En retrouvant de l’influence sur les zones commerciales clés, les États-Unis pourraient dominer le commerce international comme le Royaume-Uni de l’ère victorienne. En effet, l’objectif de Donald Trump est de faire en sorte que les États-Unis conservent leur leadership sur les affaires du monde. Cela suppose de vaincre les Chinois sur leur point fort, dans une rivalité ouverte pour la maîtrise des mers, des voies navigables et des zones clés. Son plan pour Gaza, malgré ses apparences farfelues, s’inscrit dans cette même logique : contenir la Chine et sécuriser le commerce mondial.
*William Thay est président du Millénaire, think-tank indépendant et gaulliste spécialisé en politiques publiques.
Pierre Clairé est directeur adjoint des Études du Millénaire, spécialiste des questions internationales et européennes.
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